Interview with Michel Simon, under the plane trees

14 mai 1960
06m 17s
Ref. 00063

Information

Summary :

Meeting around a game of petanque with Michel Simon, who talks about his illness, his literary loves, the job of artist, boxing, friendship and a love of animals.

Media type :
Broadcast date :
14 mai 1960
Source :
INA (Collection: Cinépanorama )

Transcription

François Chalais
Toujours à Cannes mais si loin de Cannes, toujours acteur mais si loin des acteurs, nous avons retrouvé avec joie notre grand Michel Simon. Michel Simon, nous avons vu depuis que nous sommes à Cannes beaucoup de personnalités, beaucoup d'acteurs, nous avons vu des ravissantes dames en bikini, nous avons vu des personnages officiels en smoking bien taillé, nous avons vu des ministres, nous avons vu un peu de tout, quoi, ce qu'il se passe dans un festival. Mais nous vous avons vu aussi et nous avons pu constater avec plaisir que vous étiez, peut-être, un des acteurs qui a obtenu le plus grand succès et à qui on a témoigné la plus grande affection. Est-ce que vous vous en êtes rendu compte ?
Michel Simon
Oui. Ça m'a beaucoup touché. J'étais surpris, je l'avoue. J'étais surpris parce qu'après trois ans, trois ans d'absence, on vous oublie, enfin les gens de mon métier, peut-être. Alors, c'était une espèce de résurrection à Cannes. C'est extraordinaire, un climat de gentillesse, d'affection, oui, d'affection.
François Chalais
Moi, je crois que le mot affection est le mot. Je ne pense pas qu'on vous ait oublié parce que vous faites partie de ces gens, vous savez, les chansonniers vous imitent, alors ils savent un numéro par coeur qui est presque de la ventriloquie en ce qui vous concerne, et ils ne vont pas abandonner un numéro comme ça. Donc, tant que l'on vous copie comme caricature, vous ne risquez pas d'être oublié. Mais il est certain que pendant trois ans vous avez eu une certaine éclipse qui est due à quoi ?
Michel Simon
A ma maladie, n'est-ce pas? J'ai été empoisonné par une teinture. J'ai du rester pendant un an et demi dans les hôpitaux, dans les cliniques, à traîner d'un lit à l'autre. Et quand j'ai voulu retravailler, évidemment, j'ai tourné des petits rôles dans les films. Mais enfin ce n'était pas très convaincant, ce que j'ai pu faire, parce que je n'étais pas encore rétabli. Et c'est pourquoi j'ai été étonné de l'accueil, de la chaleur de cette réception de Cannes.
François Chalais
Est- ce que vous avez cru à un moment que votre carrière était terminée ?
Michel Simon
Ah, j'en étais persuadé. Ah oui. Vous vous êtes dit, c'est fini ? J'étais désespéré. J'étais absolument désespéré. C'est assez invraisemblable, mais les acteurs ne peuvent pas vivre sans le public. Ils sont faits pour vivre devant eux, sur des planches, devant un rideau qui se lève, les applaudissements. C'est tragique, c'est ainsi, mais on vit tout seul mais on ne peut pas vivre sans un contact quotidien avec le public.
François Chalais
Vous êtes arrivé à un âge et vous avez fait des expériences qui font qu'on a un point de vue sur la vie qui peut aider l'absence de point de vue des autres. Qu'est ce que la vie vous a appris ? D'abord, est-ce qu'elle vous a appris quelque chose ?
Michel Simon
Mon premier contact avec la vie, c'est à travers Georges Courteline que je l'ai trouvé. A travers "Messieurs les ronds de cuir", qui est une oeuvre absolument désespérée. Voilà, et alors pour me consoler, il y a eu ensuite le music-hall où j'étais danseur acrobatique, et puis les contacts avec le public. La boxe où j'étais photographe. Et puis finalement le grand public, les grandes salles de cinéma, le côté universel du cinéma aussi parce que ce qui était extraordinaire, c'est qu'en Amérique du Sud, je trouve le même public qu'à Paris par exemple. A Buenos Aires, à Sao Paulo, j'ai eu les mêmes contacts que sur les boulevards à Paris.
François Chalais
Dites-moi ce que vous avez aimé dans la vie, les choses qui ont marqué dans votre vie.
Michel Simon
C'est l'amitié. L'amitié, l'amour évidemment. Ca va peut-être en faire rigoler quelques-uns mais j'ai connu ça aussi. Et l'amitié des bêtes. Ce qui est peut-être le plus authentique sur cette planète, c'est l'amitié, le contact que vous avez avec un chien, avec un chien malheureux que vous recueillez par exemple. Comme mon pauvre petit Bobby que j'ai perdu il y a un an et demi, que j'avais recueilli à Milan. C'était un chien perdu et on se bagarrait beaucoup le premier jour et puis ça a été la grande amitié, le grand amour,
François Chalais
Est-ce que les gens en général ne comprenne pas très bien les sentiments des êtres qui aiment réellement les bêtes ?
Michel Simon
Non. Ils ont le sentiment d'être frustrés peut-être.
François Chalais
C'est-à-dire que je crois qu'ils demandent aux animaux d'avoir à la fois toutes les qualités des animaux et puis toutes les qualités des êtres humains par-dessus le marché.
Michel Simon
Oui
François Chalais
Ils ne se rendent pas compte justement qu'un chien, croyez-moi, là vous touchez un point sensible chez moi. Mais ils ne se rendent pas compte que un chien c'est toujours de bonne humeur avec son maître, jamais il ne vous reproche rien, et Dieu sait, finalement, qu'on se conduit même mal avec eux.
Michel Simon
Il vous pardonne, tout.
François Chalais
Il vous pardonne tout. C'en est presque gênant. Et si tout d'un coup, un chien manifeste quelque indépendance, c'est en général qu'il y a quelque chose qui le trouble, que nous ne comprenons pas. Et très souvent les êtres leur en veulent à cause de cela. Et les singes, moi je connais mal les singes mais je sais que c'est une...
Michel Simon
Le singe se rapproche de l'Homme. C'est ce qu'on pourrait lui reprocher, évidemment.
François Chalais
Quelles sortes d'animaux avez-vous en ce moment ?
Michel Simon
J'ai une petite guenon qui est très affectueuse, qui est très gentille mais qui est très jalouse, et qui mord, qui mord jusqu'au sang et qui a des canines terribles.
François Chalais
Elle est jalouse pour quoi ?
Michel Simon
Elle est féroce.
François Chalais
Parce qu'elle a peur que vous l'abandonniez ?
Michel Simon
C'est une bête féroce. Elle n'accepte aucune présence féminine chez moi et plus la femme est jolie, plus elle lui en veut.
François Chalais
Parce qu'elle sait faire la distinction ?
Michel Simon
Ah oui, oui, oui. Voilà et j'ai des chats que j'ai recueillis. J'ai des oiseaux, également, que j'ai recueillis.
François Chalais
En général, les gens qui aiment les chiens, par exemple, n'ont pas de chat.
Michel Simon
Oui.
François Chalais
Vous, vous n'avez pas détaillé. Vous ne...
Michel Simon
Non. Je m'attacherai peut-être à un insecte sur la fin de mes jours, si je finis en prison par exemple.
François Chalais
Pourquoi est-ce que vous iriez en prison ?
Michel Simon
Est ce qu'on sait ? Est-ce qu'on ne sait ce qui nous attend sur cette planète de fous ?