Futur pays Landes Gironde : naissance fin 2002
30 octobre 2001
05m 51s
Réf. 00846
Notice
Résumé :
Fin 2002, le projet de Pays entre la Gironde et les Landes verra le jour. Il se localisera entre Belin Béliet au nord, Villeneuve de Marsan au sud, entre Bazas à l'est et Sabres à L'ouest. Son nom est pour l'instant provisoire : Pays Landes Gironde. 72 000 personnes vivent dans ce futur Pays sur 128 communes dont Bazas est la plus grande (4 000 habitants). Ces villages ont décidé de se regrouper au sein du même Pays au coeur des Landes de Gascogne pour avoir du poids face aux grandes villes telles que Bordeaux, Dax ou Mont de Marsan. Les habitants des communes concernées ont jusqu'à 2002 pour donner leur avis et donner des idées aux élus sur le futur Pays.
Type de média :
Date de diffusion :
30 octobre 2001
Source :
FR3
(Collection:
19/20 Le journal d'Aquitaine
)
Éclairage
Dans la décennie 2010 et peut-être même avant émerge l’expression « mille-feuilles territorial », voire « administratif ». Le « cher et vieux pays » dont parla le Général de Gaulle (discours du 29 janvier 1960), est en effet une belle pâtisserie mais pour le moins compliquée. Les strates administratives et territoriales s’y empilent, se sont surajoutées, de la cellule de base, la commune, jusqu’à l’État, bien sûr, et même à l’Union européenne si l’on observe l’évolution depuis l’époque de la Communauté économique européenne jusqu’au tournant de 1992 (Traité de Maastricht).
Est-on revenu au « agrégat inconstitué de peuples désunis» (1) dont on avait de justes raisons de se plaindre à la veille de 1789 ? En un sens oui, surtout si l’on considère la situation d’enchevêtrements et de chevauchements qu’est devenue celle du territoire hexagonal. Et pourtant, n’était-on point parti, en 1789-1791, d’une volonté officiellement simplificatrice, égalitariste et fondée sur la raison ?
Désirant casser l’ordre ancien, les révolutionnaires avaient réorganisé le royaume. Il y eut ainsi près de 38 000 communes de base, reprenant pour l’essentiel le maillage des anciennes paroisses, puis une logique hiérarchique passant par l’armature des cantons, des arrondissements et de nos fameux départements. Dénommés pour la plupart selon des critères géographiques réputés « neutres » (2), leur appellation même signifie qu’on avait voulu briser le découpage séculaire en provinces, pays rédimés ou non, baillages ou sénéchaussées : le vieux verbe « départir » ne signifie-t-il pas « diviser » ? Et, de fait, à quelques exceptions près, les départements englobent certes des « pays » au sens géographique ou historique, mais correspondent à une volonté (non aboutie en vérité) d’égalité territoriale, dans le contexte d’une époque où l’on se déplaçait essentiellement à pied ou à cheval ; d’où l’incorporation, surtout aux franges de chacun, de petits lambeaux des provinces ou pays voisins (3).
Après la Seconde Guerre mondiale émergent les notions compliquées de décentralisation, d’aménagement volontariste du territoire ou de régionalisation dans le contexte d’une France certes industrialisée et en voie d’urbanisation et périurbanisation mais déséquilibrée. Cette question revêt toute son acuité dans les années 1960 et 1970, si bien qu’au début des années 1980 est pris le tournant de la décentralisation (4). Toutefois – culture départementaliste et habitudes républicaines obligent – les décideurs n’osent pas toucher au puzzle départemental et les conseils régionaux deviennent ainsi des amalgames inégaux de départements (5).
Parallèlement, les notions de bassins de vie, centrées sur les zones d’emploi, de chalandise ou de migrations pendulaires, se redessinent au fil des mutations économiques et démographiques. Dans le contexte de la mondialisation et de l’élargissement européen, les lignes bougent, des zones se marginalisent ou demeurent à l’écart en raison des difficultés économiques et démographiques. Certaines, ancrées dans une forte ruralité et plus ou moins enclavées, prennent pleinement conscience de leur situation et tentent d’inverser une dynamique qui leur est défavorable.
Il en est ainsi de la Haute-Lande qui, dans les années 1970, prend un sens différent de sa signification initiale (6) : voilà, cher au député Roger Duroure (7), un ensemble transdépartemental, plutôt économique, dans le contexte de l’aménagement du territoire et des projets de régionalisation. Il englobe des cantons forestiers déprimés (économiquement et démographiquement) du sud de la Gironde, du nord des Landes et même de l’ouest du Lot-et-Garonne. Toutefois, à partir des années 1990, la zone est simplement assimilée au nord-est des Landes en raison des compétences bien définies des conseils généraux. Cependant les questions initiales continuent de se poser. D’où l’émergence en 2003, du « pays » des Landes de Gascogne (Groupement d’Intérêt Public de Développement Local), à la faveur de la loi « Voynet » du 25 juin 1999. Présentée par Dominique Voynet, ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement du gouvernement Jospin, c’est une loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire, « LOADDT » en jargon politico-administratif.
Ce pays « nouvelle manière » qui se situe dans un ordre de grandeur entre le département et le canton, n’est pas plus une collectivité territoriale qu’un canton, ni un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. Mais il est un instrument de réflexion, de proposition continuant en somme le travail initié par l’AIRIAL des années 1980 (voir note 7).
Le reportage qui donne la parole a des élus ou des habitants du sud de la Gironde (Bazas et sa proche région notamment) ainsi qu’à des habitants de Pissos, interrogés dans le vénérable café associatif appelé Cercle de l’Union (8) revient, peut-être involontairement, à des données fort anciennes mais oubliées. En effet, nonobstant les apparentes différences de mentalités que met en relief la séquence « micro-trottoir », le pays Landes de Gascogne correspond peu ou prou à l’antique diocèse des Vasates (Bazas), peuple constitutif de la Novempopulanie. Au nord des Landes, Moustey, Biganon ou Sore dépendaient de Bazas, cependant que le Pays de Born était rattaché au diocèse de Bordeaux. En évoquant le « pays d’Aliénor », duchesse d’Aquitaine du temps où cette vaste contrée avait son indépendance, Maurice Hervochon (9) fait un clin d’œil à l’histoire profonde de la Gascogne.
(1) L’expression est due à Mirabeau.
(2) Fleuves et rivières (Garonne, Lot, Dordogne, Charente, Tarn, Vienne…), mers et littoraux (Manche, Finistère…), reliefs (Alpes, Pyrénées, Jura, Cantal ou Puy-de Dôme) en sont des exemples bien connus. Les seules exceptions sont les départements entrés plus tardivement dans le territoire de l’État français, notamment la Savoie et la Haute-Savoie qui renvoient à un domaine plus historique que géographique.
(3) Sur l’évolution du sens du terme « pays » voir en particulier l’introduction du Dictionnaire des pays et provinces de France, par B. et J.-J. Fénié, éditions Sud Ouest, collection Références, juin 2000, 350 pages.
(4) Lois adoptées sous le gouvernement Mauroy en 1982 -1983. Celle du 2 mars 1982 transfère le pouvoir exécutif du département du préfet au président du conseil général.
(5) L’évolution se poursuit avec la réforme de 2014, appliquée à partir de 2016. Elle modifie la dimension de régions et en diminue le nombre (13 au lieu de 22).
(6) Initialement, la « Haut Lana » correspond, selon Félix Arnaudin, aux confins des communes de Lencouacq et Retjons, jusqu’aux limites des communes de Callen, Captieux, Lucmau et Luxey. C’est en fait une sorte de zone de partage des eaux où les altitudes atteignent 120 à130 mètres. De ce « château d’eau », certes plat et marécageux (en gros le terrain militaire de Captieux), naissent l’Estrigon, les deux Gouaneyre et la Petite Leyre [référence : Dictionnaire des Landes, par B. et J.-J. Fénié, éditions Sud Ouest, 2009, 350 pages].
(7) Roger Duroure (1921-2000) fut conseiller régional d’Aquitaine (1973-1986) et conseiller général de Mimizan (1979-1985), et aussi député des Landes (Parti socialiste) de 1973 à 1986. En 1980, il oeuvre largement à la création de l’AIRIAL (Association Interdépartementale pour le Renouveau, l'Industrialisation et l'Aménagement de la Haute Lande) qui regroupe 14 cantons (8 dans les Landes, 4 en Gironde, 2 en Lot-et-Garonne) et a pour mission de coordonner les initiatives qui visent à revitaliser l'économie et la démographie de la Haute Lande. En 1999 un diagnostic exhaustif de ce territoire par l’AIRIAL, en partenariat avec les administrations et l’appui des préfectures, permet de lancer la démarche vers la création du Pays des Landes de Gascogne.
(8) Sur l’histoire des cercles, cafés associatifs, voir Histoire et vies des Cercles de Gascogne, par P. Clarac, J.-J. Fénié et I. Loubère, éditions Confluences, septembre 2014, 112 pages.
(9) Maurice Hervochon (1999-2009) fut président du Cercle de l’Union à Pissos de 1981 à 1991 ; il veilla à le faire évoluer comme un véritable lieu créateur de lien social en milieu rural.
Jean-Jacques Fénié
Transcription
Stéphane Leroux
Mesdames, Messieurs, bonsoir, jusqu’à aujourd’hui, vous étiez déjà habitant d’une région, d’un département, d’un canton, d’une ville, d’une communauté de communes. Bientôt, vous pourrez aussi faire partie d’un pays. Aquitaine Première est aujourd’hui dans l’un de ces futurs pays entre Gironde et Landes, entre Belin-Beliet au nord, Villeneuve-de-Marsan au sud, entre Bazas à l’est et Sabres à l’ouest. Ce futur pays devrait voir le jour fin 2002. Alors, à quoi va servir ce futur pays ? Nous sommes allés à la rencontre de ses élus, de ses habitants pour savoir tout simplement ce qu’ils en attendent, et ce qu’ils en pensent.(Musique)
Stéphane Leroux
Des forêts de pin à n’en plus finir, traversées par des ruisseaux, des maisons ici et là, voilà le cœur de ce futur pays. 72000 personnes vivent ici dans 128 communes, la plus grande, Bazas et ses 4000 habitants. Souvent isolés au milieu de cette nature, ces villages le sont également au sein de leur département, à l’ombre des grandes villes comme Bordeaux, Dax ou Mont-de-Marsan. Parce qu’ils ont toujours eu du mal à se développer, ces villages ont décidé de se regrouper au sein du même pays au cœur des Landes de Gascogne.(Bruit)
Journaliste
Le territoire, Bernard Rouchaleou le connaît bien. Membre de l’association pour l’aménagement de la Haute Lande, il a pour mission de mettre en place les bases de ce futur pays.Bernard Rouchaleou
L’enjeu du pays, bon ben, entre autres, c’est de renforcer l’attractivité de cet espace et d’améliorer son cadre de vie dans divers domaines ; pour que les gens s’y sentent bien et veulent y rester, et d’autres, y venir. Exemple, des services aux enfants, c’est le problème souvent, dans ces espaces et le nôtre en particulier, d’avoir ce type de réponse pour permettre de fixer les gens.Stéphane Leroux
Et les habitants justement auront jusqu’à fin 2002 de donner leur avis, proposer aux élus des idées de développement. Seul problème, aujourd’hui, qu’ils soient Landais ou Girondins, ils sont encore peu nombreux à savoir ce qu’est réellement un pays.Inconnue 1
Un pays, c’est une étendue, c’est un territoire où vivent des personnes de la même… disons.Stéphane Leroux
Bientôt, on ferait partie d’un même pays avec des Landais, vous le savez ça ?Inconnue 1
Avec des Landais ?Inconnue 2
Ça peut être intéressant, ça peut développer d'autre activité.Inconnue 3
Tout à fait, on peut faire des connaissances plus avec les Landes, approfondir les connaissances.Stéphane Leroux
Vous savez que vous avez des points communs avec les Landais du nord des Landes ?Inconnue 2
Oui, je pense.Inconnue 3
Oui, mais s’il faut que ce soit un pays, c’est que forcément, on a des points communs.Stéphane Leroux
Evidemment, pour faire un pays et développer des projets en commun, il est préférable de bien s’entendre. Alors, est-ce que les Landais et les Girondins, ce sont une âme commune, sont-ils prêts à travailler main dans la main au-delà de tout clivage politique ? C’est toute la question.(Musique)
Stéphane Leroux
De tous les villages traversés parmi tous les élus rencontrés, seuls quelques-uns ont reconnu avoir hésité avant d’intégrer ce futur pays. L’exemple le plus marquant, Bazas, à la fois proche des vignobles du Bordelais et des pins landais.Bernard Bosset
Historiquement et culturellement, nous sommes plus près de la Lande que des vignobles. Il y a quand même une fracture qui est assez nette. Les modes de vie sont clairement distincts. Et je crois que tout le monde est satisfait à commencer par les élus ici, que le choix a été fait, et ce soit porté du côté des Landes.Jean Darremont
Je ne veux pas un pays à cheval sur deux départements, la Gironde et les Landes. Donc, je suis figé sur cette position, rester girondins et rester sur un axe de développement Langon, Bazas, qui est pour moi est primordial. C’est primordial aussi pour des raisons touristiques. Je préfère faire du tourisme avec les vins de Sauternes et de Graves que de partir dans la Haute Lande landaise qui pour moi, n’a aucun intérêt.Stéphane Leroux
Les habitants, eux aussi, ont leur mot à dire, la parole est d’abord aux Girondins.(Bruit)
Inconnu 1
C’est très bien de se retrouver avec des Landais. D’ailleurs, quand j’ai travaillé avec… j’ai travaillé avec des Landais également, eh bien, pendant 12 ans, et je trouvais ça très bien.Inconnu 2
Je suis contre.Stéphane Leroux
Pourquoi ?Inconnu 2
Parce que je ne vois pas le rapport à ce qu’il y a entre le pays bazadais et le pays landais. C’est deux cultures différentes.Inconnu 3
Mais alors attention, attention, nous allons au pays langonais à ce moment-là. Pourquoi pas le pays….Inconnu 2
C'eut été une bonne idée d’aller avec Langon, on a plus de… il y a plus d’industries du côté de Langon que du côté des Landes.Inconnu 3
Non, non, tu es….Inconnu 2
Il faut penser aux gens qui travaillent. Ce n’est pas parce qu’on tape une belote qu’on doit penser uniquement qu’à nous.(Musique)