Les modes de financement alternatifs

Les modes de financement alternatifs

Par Julien Ebersold et Lara Mercier, Professeur d'histoire-géographie et journalistePublication : 14 avr. 2021

Depuis les années 2000, de nouvelles modalités de financement externe se développent. Elles résultent d’innovations financières et technologiques, mais aussi de la promotion d’une économie sociale et solidaire. C’est notamment le cas du microcrédit et du financement participatif.

L’ensemble des institutions et des activités financières qui composent le système économique contribue à la création et à la circulation des fonds prêtables. Indispensables dans une économie de marché, ces institutions mettent en relation les acteurs en capacité de financement avec les acteurs en demande de fonds, dans l’objectif de financer leurs investissements ou leurs dépenses.

Les choix de financement peuvent prendre plusieurs formes : un autofinancement (financement interne), un financement externe sur le marché des fonds prêtables (financement externe direct) ou par l’intermédiation des banques commerciales (financement externe intermédié). Les acteurs économiques dirigent leur choix en fonction de leur situation et des coûts du financement que détermine le taux d’intérêt. L’approche empirique proposée ci-dessous permet d’étudier leurs effets.

     

# Les crédits à taux variables

Parmi les nombreuses innovations financières développées dans les années 1999-2000 (produits dérivés, titrisation de créances immobilières…), les ménages, les entreprises et les collectivités territoriales ont pu avoir recours à des crédits à taux variables. Ces derniers s’ajustent en fonction des fluctuations des taux d’intérêt directeur définis par les banques centrales, et donc à la valeur de monnaie. Ce développement s’inscrit dans un contexte de dérégulation des systèmes financiers et d’incitation au crédit qui contribue à accentuer la prise de risques spéculatifs.

L’exemple de Saverne, dans le Bas-Rhin, est à ce titre éloquent. En 2006, la municipalité de cette ville de 11 000 habitants emprunte 2,6 milliards d’euros à une banque pour financer notamment une nouvelle gare TGV. A l’époque, les banques proposent des crédits à taux variables, moins élevés que les crédits accordés à taux fixes. La collectivité locale choisit donc ce type de financement, avec un taux d’emprunt très attractif de 3%, sans imaginer une possible hausse des taux d’intérêt.

C’est pourtant ce qui advient en 2008, en pleine crise des subprimes, lorsque la Banque Centrale européenne augmente ses taux d’intérêt directeurs de 2% à 3%. Le taux d’emprunt de Saverne passe alors de 3% à 7,4%, occasionnant un surcoût financier pour la ville de plus de 110 000 €. Le budget de ne pouvant pas être déficitaire, ne reste à la municipalité que deux options : réduire les dépenses ou accroître les recettes de la ville par une hausse des impôts ou des emprunts.

# Financement participatif et transparence

Pour s’affranchir des prêts bancaires, des contraintes qu’ils imposent et des risques qu’ils font encourir, plusieurs modes de financement se sont développés ces dernières années. C’est le cas du financement participatif, une innovation financière, indissociable des avancées technologiques liées aux NTIC (internet, numérique, blockchain) qui ont favorisé son essor depuis les années 2000. Il est qualifié de « participatif » car tous les particuliers peuvent y participer directement en finançant des projets. Les motivations de ce choix sont diverses : philanthropie, solidarité, ou encore critique du système financier traditionnel.

Le crowfunding, ou « financement par la foule », peut ainsi prendre la forme d’un don, d’un prêt (crowlending) ou d’une prise de participation au capital d’une entreprise (crowequity). Les offreurs de capitaux sont des particuliers et les demandeurs de capitaux des entrepreneurs, des associations, ou des individus qui veulent créer leurs entreprises et qui ne peuvent pas faire appel aux établissements bancaires, en raison de leur manque de solvabilité et du caractère risqué du projet pour ces dernières.

Si de nombreux exemples de financement participatif jalonnent l’histoire (des collectes de fonds ont été organisées pour financer la Statue de la Liberté ou la Sagrada Familia, par exemple), c’est en 2010 que des plateformes dédiées font leur apparition en France. 

Le développement rapide de ce type de financement conduit l’État à légiférer par ordonnance en 2014 afin de protéger les donateurs et les acteurs. En effet, il s’agit d’un mode de financement très coûteux pour l’emprunteur qui peut obérer les effets d’investissements et réduire d’autant les rendements escomptés. Le financement participatif en cela est emblématique d’un financement externe direct dans lequel l’asymétrie d’information entre le prêteur et le créancier est élevée et source de défaillance de marché.

Ce système de financement est devenu un pilier auprès des entreprises de toute taille. Exemple dans les Vosges, où l’entreprise Febvay, spécialisée dans les vêtements professionnels sur mesure, se tourne vers cette solution en 2016, après avoir essuyé un refus du secteur bancaire de lui accorder un crédit. 

Le résultat est fulgurant : 100 000 euros récoltés en 7 jours. C'est la première fois en France qu'une plateforme de prêt participatif se mobilise pour une Entreprise du Patrimoine Vivant, un label attribué par l’État qui distingue les entreprises françaises aux savoir-faire artisanaux et industriels d’excellence. Un atout de taille qui a certainement contribué au succès de l’opération financière, le financement participatif reposant essentiellement sur la confiance des participants quant à la transparence de la gestion économique de l’entreprise.

# Le microcrédit, un outil contre la pauvreté

Autre forme de financement externe, le microcrédit. Il répond à des besoins similaires, avec, toutefois, une logique différente. Inventé par l’économiste Muhammad Yunus, prix Nobel de la Paix en 2006, il consiste à prêter de petites sommes d’argent à des personnes pauvres ou insolvables pour créer une entreprise. En contrepartie, ces derniers s’engagent à rembourser la somme en paiement différé, majoré d’un taux d’intérêt, qui constitue le coût du crédit et l’évaluation du risque du crédit.  

Ce financement repose sur l’idée selon laquelle le manque de moyens bride le dynamisme entrepreneurial des populations pauvres. Muhammad Yunus le pense comme un instrument de lutte contre la pauvreté, en permettant de créer des activités génératrices de revenus, mais aussi comme un instrument d’émancipation individuelle. 

Transposé dans les pays développés depuis les années 1990, le microcrédit est devenu un moyen de financement pour les exclus du crédit bancaire. À la différence du crédit participatif, il relève d’une logique d’intermédiation : les demandeurs de microcrédit se tournent vers des institutions de microfinance (IMF) qui sélectionnent les dossiers de projet de création d’entreprise puis accompagnent leurs démarches pour négocier un prêt de la part d’une banque agréée. Ce faisant, elles assurent une intermédiation entre des demandeurs de fonds et les banques afin de favoriser l’accès au crédit et l’inclusion bancaire sans discrimination de revenu. 

En France, le microcrédit est fortement encadré et régulé par l’Etat. Il nécessite le recours à une IMF (institution de microfinance) qui ce rôle d’intermédiaire pour réduire les asymétries d’information entre les bénéficiaires du microcrédit et les banques qui prêtent les fonds. Les taux d’intérêt restent plus élevés, afin de couvrir les risques pris par la banque mais aussi par l’IMF. Enfin, si le microcrédit rend possible la création d’entreprises, celles-ci restent très fragiles et les 2/3 ne génèrent pas suffisamment de revenus pour être pérennes.

Les explications de Romain Streit, conseiller territorial de l’association pour le droit à l'initiative économique en Champagne-Ardenne, invité du journal télévisé en 2016, à l’occasion de la semaine du microcrédit.

# Conclusion

Les acteurs économiques peuvent opter pour différentes formes de financement, selon leur efficacité et leur disponibilité. S’il existe des alternatives aux financements du secteur bancaire qui relèvent de l’économie sociale et solidaire, ils restent encore en marge dans le financement de l’activité économique.

# Piste pédagogique associée

Le même contenu, adapté à l’enseignement, est accessible aux enseignants et aux élèves de la région Grand Est, sous le titre : Les modalités alternatives de financement de l'activité économique.