La monnaie et ses formes variables au cœur de l’économie de marché

La monnaie et ses formes variables au cœur de l’économie de marché

Par Sophie Pignalosa et Sophie Ali-Assoumani, Professeure de sciences économiques et sociales et éditricePublication : 20 août 2021

Véritable instrument du quotidien, la monnaie est avant tout un moyen de paiement accepté par tous, immédiatement disponible et utilisable sans coût. Pour qu’elle soit utilisée, il faut que les utilisateurs aient non seulement confiance en la valeur représentée par la monnaie, mais aussi en l’institution qui l’émet. Cette garantie est apportée par les banques centrales chargées d’assurer la stabilité du système monétaire et financier. La monnaie remplit une fonction politique, économique et sociale. La fonction sociale notamment portée au niveau régional avec des initiatives telles que la création de monnaies locales contribuant au développement de l’économie locale et du lien social.

     

# Les fonctions et formes de la monnaie

Intermédiaire des échanges, la monnaie a pour principale vocation de faciliter les transactions entre offreurs et demandeurs. En tant qu’unité de compte, elle permet d’évaluer ou de comparer la valeur d’un bien ou d’un service. Elle peut également être stockée pour un usage ultérieur, c’est une réserve de valeur.

Tout au long de l’histoire, la monnaie a pris des formes différentes. Il y a d’abord eu la monnaie marchandise (coquillage, sel, bétail…) qui consistait à déterminer un bien qui servira de monnaie d’échange. Un système différent du troc qui, lui, permet d’échanger n’importe quel bien contre n’importe quel autre bien. Plus tard, apparaît la monnaie divisionnaire sous forme de pièces métalliques. Aujourd’hui, on utilise principalement deux formes de monnaie : la monnaie fiduciaire composée de pièces, fabriquées par la Monnaie de Paris, et de billets émis par la Banque de France, et la monnaie scripturale créée par les banques commerciales et circulant à l’aide de moyens de paiement tels que les chèques, cartes de paiement ou encore virements.

À ces monnaies traditionnelles se sont ajoutées les monnaies locales qui prennent la forme de billets-coupons utilisables uniquement sur un territoire restreint et la crypto-monnaie, une monnaie numérique permettant des échanges en s’appuyant sur une nouvelle technologie, la blockchain. D’après le site CoinMarketCap, il existe, en 2021, 5023 crypto-monnaies, pour une valeur de 2 031 milliards d’euros. C’est en 2008 qu’un mystérieux Satoshi Nakamoto (dont l’identité n’a jamais pu être vérifiée) crée la crypto-monnaie qu’il baptisera le Bitcoin. Dans un contexte de défiance de la population mondiale envers le système financier, l’objectif de ce crypto-actif était, selon son créateur, de proposer un système de monnaie électronique purement pair-à-pair » fonctionnant sans avoir « à  passer par une institution financière.

# Un système qui repose sur la confiance

La crise des subprimes, pire crise financière et économique connue par les marchés depuis 1929, et ses conséquences pour les classes moyennes et inférieures, ont fortement attisé cette hostilité envers les banques.

Dans le Grand Est, les banques commerciales de la région ont également dû faire face à l’inquiétude et la méfiance de leurs clients. Toutefois ces derniers ont été rapidement rassurés car contrairement aux États-Unis, le réseau bancaire régional et national en France n’est pas constitué de banques d’investissement.

De plus, les dépôts des clients sont protégés par la loi depuis 1999 et les dépôts à hauteur de 70 000 €, puis 100 000 € à partir de 2010 garantis par le Fonds de garantie des dépôts et de résolution. Ce dernier est chargé de protéger les avoirs des clients et de les indemniser en cas de défaillance de leur établissement bancaire.

# Une fiabilité garantie par des institutions

L’exemple de l’impact de cette crise financière démontre bien que la confiance accordée par les entreprises, les ménages et les administrations publiques est indispensable au bon fonctionnement du système monétaire.

Cette confiance, les agents économiques la doivent notamment à la « banque des banques », la Banque de France. Membre de l’Eurosystème suite à la création de la Banque Centrale européenne (BCE) le 1er juin 1998, elle participe à la politique monétaire unique de l’Europe, en collaboration avec les autres banques centrales nationales des pays membres de la zone euro.

Ses principales missions sont d’appliquer la stratégie monétaire, de garantir la stabilité des prix et de faciliter le financement de l’économie. De plus, elle supervise et contrôle les activités commerciales des banques et des assurances.

Bien établie dans la région Grand Est, et notamment à Strasbourg qui a accueilli la première succursale en 1847, la Banque de France occupe également le terrain économique local en proposant des services d’accompagnement à destination des collectivités publiques, des entreprises et des particuliers.

# Le « droit au compte » pour favoriser l’inclusion bancaire des plus précaires

On retrouve aussi la Banque de France sur le terrain social avec le droit au compte qu’elle défend et garantit, favorisant ainsi l’inclusion sociale des ménages les plus précaires. En vigueur en France depuis 1984, le droit au compte oblige un établissement bancaire à ouvrir un compte, incluant des services de base gratuits permettant à toute personne, association ou entreprise, de l’utiliser.

Un dispositif plus que nécessaire, à l’heure où la dématérialisation des transactions monétaires est de plus en plus privilégiée dans les opérations du quotidien. Ce droit, devenu un droit européen en 2017, concerne toutes les personnes qui résident en France, les Français résidant à l’étranger et les étrangers résidant légalement dans un pays de l’Union européenne.

# Les monnaies locales vectrices d’une économie sociale et solidaire

Une monnaie locale est une monnaie complémentaire, adossée à la monnaie officielle, l’euro. Contrairement à cette dernière, elle n’a pas cours légal, c’est-à-dire qu’elle peut être refusée. En France, on compte en 2021 82 monnaies locales en circulation dont plusieurs dans le Grand Est, comme le Stück à Strasbourg ou encore le Florain à Nancy.

La monnaie locale est généralement mise en place et gérée par une association avec l’appui d’un établissement bancaire et le soutien de partenaires engagés dans la relocalisation de l’économie. Elle ne peut être utilisée que sur une zone géographique restreinte et favorise l’achat de biens et services auprès de producteurs locaux et commerces de proximité. Elle peut également servir à développer des projets solidaires.

Reconnues légalement par la loi Hamon du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, les monnaies locales complémentaires sont désormais encadrées par des institutions et les pouvoirs publics. L’exemple du Stück, en circulation à Strasbourg depuis 2015, souligne le côté fédérateur suscité par sa mise en place, à travers le sentiment d’appartenance à une communauté partageant des valeurs similaires, telles que la consommation responsable, le respect de l’environnement ou encore la solidarité.

# Piste pédagogique associée

Le même contenu, adapté à l’enseignement, est accessible aux enseignants et aux élèves de la région Grand Est, sous le titre : Monnaie et monnaies : un médium multiforme au cœur de l’économie de marché.