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La Meuse recèle un riche patrimoine qui permet de mieux cerner l’histoire et la figure de Jeanne d’Arc, présentée comme une héroïne nationale. Les lieux de sa vie, notamment Domrémy et Vaucouleurs, et des structures culturelles mènent un travail actif pour valoriser ce patrimoine, non seulement sur le plan économique, mais aussi sur le plan intellectuel.
08 déc. 2021
19 juil. 2016
Jeanne d’Arc est un « personnage mythique » qui, selon le journaliste, a suscité les passions, autant par son action temporelle que par son aura spirituelle.
Son histoire commence durant la guerre de Cent Ans, qui fut une somme de conflits marqués par la domination du royaume d'Angleterre et ses alliés bourguignons de 1337 à 1368, puis par l’ascendant pris par la France jusqu’à sa victoire en 1453. Deux dynasties, les Plantagenêt et les Valois, revendiquaient la couronne de France depuis 1328 et la mort sans descendance de Charles IV, dernier fils de Philippe le Bel. Jeanne d’Arc naquit vers 1412 durant la trouble période des règnes de Charles VI le Fou (1380-1422) et de Charles VII (1422-1461), qui se proclama roi en 1422. Surnommé le « roi de Bourges », il ne contrôlait ni le nord de la Loire, ni l’Aquitaine. Jeanne vivait à Domrémy dans une famille aisée. Son père, Jacques d'Arc y était un paysan riche et influent : il possédait 20 ha de terres et Jeanne était alors bergère des troupeaux de moutons de son père. Domrémy était alors dans une situation particulière. Le village était divisé en deux parties : l'une dépendait directement du Royaume de France (Comté de Champagne), l'autre du Duché de Bar (Barrois mouvant, à l’ouest de la Meuse, sous la suzeraineté du roi de France depuis 1297). Domrémy se tournait donc en partie vers le Royaume de France.
La prime enfance de Jeanne révèle tout le poids de l’Eglise et de la religion dans la société. Elles avaient une place centrale dans la vie des villageois de la fin du Moyen Âge. La maison des d’Arc était proche de l'église Saint-Rémy où elle fut baptisée. La vocation de la jeune Jeanne d'Arc, de l’enfance à l'adolescence, se tourna logiquement vers des pratiques spirituelles et des pensées mystiques. Elle se rendait souvent à l’église ou à la chapelle de Bermont. Elle reçut le premier appel de ses voix, qui l’accompagnèrent le reste de sa vie, à 13 ans dans le jardin de son père. Elle prit alors progressivement la mesure de sa mission : ramener la paix dans le royaume de France en le libérant de ses envahisseurs et conduire le dauphin de France, Charles VII, sur le trône.
L’épopée de Jeanne d’Arc s’inscrit aussi dans l’affirmation du pouvoir monarchique en France. Durant cette période, le futur Roi Charles VII ne possédait pas plus de 4 villes au Nord de la Loire : Mont-Saint-Michel, Vaucouleurs, Orléans et Tournai. L’extension du domaine royal était donc un des enjeux de la guerre de 100 ans. En 1428, Jeanne se rendit à Vaucouleurs et demanda l’aide de Robert de Baudricourt, capitaine du Roi, pour rejoindre la cour à Chinon. Ses succès militaires redynamisèrent la monarchie affaiblie en mobilisant le sentiment national, animé par son image de pucelle envoyée de Dieu utilisée par la propagande royale. En 1429, sa victoire à Orléans renforça la légitimité de Charles VII et malgré la défaite devant Paris, il fut sacré roi de France à Reims. Jeanne D’Arc devint alors moins indispensable, pour ne pas dire gênante pour un souverain voulant asseoir son autorité. Il l’assigna alors à des missions de moindre envergure et elle fut capturée en 1430 à Compiègne. Le Roi l’abandonna à son procès et les Anglais la brûlèrent à Rouen le 30 mai 1431.
L’histoire de Jeanne d’Arc est digne d’un personnage de roman. L’image de la bergère anoblie par le Roi après avoir sauvé la France lui a valu une popularité exceptionnelle de son vivant à nos jours. Domrémy, son village natal, fut même exempté d'impôts par Charles VII. Ce récit oscille cependant entre le mythe, entretenu par des chroniques comme celle de Christine de Pizan (1429) qui ont parfois fait d’elle une sainte. Sa canonisation, en 1922, a renforcé ce sentiment chez les catholiques. D’autres, tels les Anglais et l’Université de Paris, l’ont perçue comme un être diabolique. L’Histoire qui analyse les faits à la lumière de sources doit donc mettre en œuvre un travail de décodage en distinguant la légende de la réalité.
Ce reportage de 2016 conduit les journalistes sur les traces d’une héroïne populaire, Jeanne d’Arc, à travers le patrimoine local.
Les images des lieux de sa vie alternent avec celles perpétuant sa légende (statues, vitraux) et les témoignages. L’accent est mis sur son village, Domrémy, et sur sa maison natale, classée monument historique depuis 1840, ornée de ses armoiries. Sa taille, 4 pièces, révèle le milieu paysan aisé auquel Jeanne appartenait. Cette demeure n’est pas l’originale. Elle a été conservée et restaurée, ce qui peut fausser le regard du visiteur. Le Centre johannique qui la jouxte explique les "Visages de Jeanne" (exposition) et permet de mieux relier patrimoine et histoire. Plus loin, la basilique du Bois Chenu (1881) est sise à proximité du lieu où Jeanne aurait entendu ses voix.
Les vues de Vaucouleurs s’attardent sur la Porte de France, où débuta l’aventure guerrière de Jeanne d’Arc. Le 13 mai 1428, elle franchit la porte du château pour demander une escorte à Robert de Baudricourt, capitaine du Roi, pour rejoindre le Dauphin. Les habitants lui fournirent une épée, un cheval et des habits d'homme.
Ce reportage permet ainsi une valorisation d’un patrimoine protégé en développant du tourisme culturel grâce à cette figure historique nationale. Les initiatives sont nombreuses, du spectacle de la basilique au programme "Sur les traces de Jeanne d’Arc" du département de la Meuse.
Il interroge aussi l’évolution de l’image et des mémoires de Jehanne. Le Centre Johannique dévoile différentes facettes du personnage : l’enfant du village, la femme de Vaucouleurs, la guerrière d’Orléans. Ses propres contemporains en avaient une opinion controversée. Sa foi mystique a suscité l’admiration, voire l’adulation car on la pensait guidée par Dieu. La façon dont elle reconnut Charles VII et la rapidité de la levée du siège d’Orléans par les Anglais parurent miraculeuses, suscitant l’intérêt de toute l’Europe. Sa mort à Rouen fut assimilée au martyre d’une sainte. A l’inverse, Jeanne d’Arc provoqua la défiance des Anglais, mais aussi de l’Eglise qui la soupçonnait d’hérésie, liant ses succès à la sorcellerie. Son discours inquiéta jusqu’à la papauté.
Enfin, ce reportage mêle sans distinctions les notions de patrimoine et de mémoire. Or, l’héritage de Jeanne repose aussi sur des choix identitaires. La IIIe République, après l’humiliation de 1870, favorisa ainsi un nationalisme revanchard faisant de la Pucelle une icône du roman national (notion popularisée par Pierre Nora). Ce récit patriotique servait de base à l’éducation républicaine. Dans Jeanne d’Arc (1848), Michelet glorifiait l’unité de la Nation, de même que l’école de Jules Ferry (1881-1882) et les manuels de Lavisse, utilisés de 1884 aux années 1950. Dans une autre démarche, la droite nationaliste et catholique s’appropria Jeanne, surtout après l’Affaire Dreyfus (Barrès ou Maurras). Elle servit aussi la propagande patriotique des ligues des années 1930 et de Vichy face à l’anti-France incarnée par les Juifs, les francs-maçons ou les communistes.
Cependant, l’Ecole des annales (années 1930) remit en question ces récits linéaires alors que les années 1960-1970 démystifiaient l’image de la supériorité civilisationnelle française (décolonisation, travaux sur l’Occupation). L’enseignement de l’histoire devint alors plus neutre et aborda d’autres champs. Mais en 2016, l’idée d’un récit national refit surface sous la présidence de N. Sarkozy. Il visait alors à résorber les fractures sociales contemporaines par l’enseignement de portraits des « héros » français, telle Jeanne d’Arc, en valorisant l’unité de la Nation. Cette orientation suscita de vifs débats, opposant les partisans d’une société homogène fière de ses héritages à des groupes mémoriels dénonçant les « erreurs » du passé. Le patrimoine a donc pris une nouvelle dimension : doit-il contribuer à des débats politiques ou seulement transmettre les traces de notre histoire ?