De Gaulle et l'URSS
Introduction
Le général de Gaulle, s'il condamne toutes les formes de totalitarisme, n'en demeure pas moins ouvert au monde soviétique, qu'il soit le puissant allié de la Deuxième Guerre mondiale, ou l'ennemi de l'Occident lors de la Guerre froide qu'il ne désespère pas de faire évoluer vers une forme de libéralisation permettant un dialogue européen "de l'Atlantique à l'Oural". Refusant toutes les formes d'hégémonie, et plus particulièrement celles qu'exercent les Américains, il pousse la France à ouvrir un dialogue direct avec les pays de l'Est.
1940-1957 : de Gaulle face à l'allié soviétique
L'URSS : un soutien de poids pour la France Libre
Si la Russie est l'allié de la France au cours du premier conflit mondial, les choses évoluent après la révolution communiste. En 1920, de Gaulle s'engage même auprès de la Pologne, et défend Varsovie attaquée par l'Armée rouge.
En juin 1940, au moment de la débâcle française, l'URSS est alors liée à l'Allemagne nazie, mais l'offensive du IIIe Reich à l'encontre de son allié soviétique (juin 1941) marque le tournant de la guerre. Immédiatement, le Général offre son soutien et propose une alliance militaire.
En septembre 1941, le gouvernement soviétique reconnaît officiellement de Gaulle comme le chef de la France Libre, la seule France, et offre sa collaboration. Jusqu'en 1945, la France et l'URSS entretiennent d'assez cordiaux rapports d'entraide et de collaboration. Ainsi, en décembre 1944, de Gaulle arrive-t-il à Moscou où il conclut un pacte franco-soviétique prévoyant une assistance mutuelle en cas d'attaque allemande.
L'URSS, l'un des grands vainqueurs de la guerre
La victoire du 8 mai 1945
Le général de Gaulle annonce la victoire des Alliés, qui est aussi "la victoire de la France". En effet, souligne de Gaulle, l'action conjointe de la Résistance intérieure et des armées françaises a permis que le commandement français soit "présent et partie à l'acte de capitulation". Le président du GPRF rend ensuite hommage au courage, à l'abnégation et au sacrifice de celles et ceux qui ont rendu honneur et gloire au drapeau français. Il adresse un "fraternel salut" aux "vaillants alliés" de la France. Il conclut par un triple "Honneur !" aux soldats français, au peuple de France et aux "Nations Unies" qui, ce 8 mai, triomphent avec la France.
Le monde après Yalta
À la fin du conflit mondial, les trois grands vainqueurs (Américains, Britanniques et Soviétiques) décident du destin du monde à Yalta et à Potsdam, où la France n'est pas invitée. Le président du GRPF accepte ce nouvel ordre planétaire - où la France peut accomplir son oeuvre de redressement -, mais il n'en conçoit pas moins la nécessité de construire, à terme, une Europe forte, maîtresse de sa destinée. En outre, au fur et à mesure que la Guerre froide se précise, et que les contours du monde bipolaire se dessinent, la méfiance du général de Gaulle envers l'URSS s'accentue.
Critique de l'expansionnisme soviétique
Plaidoyer pour une Europe forte et indépendante
Face à l'expansionnisme soviétique, le général de Gaulle, dans une allocution prononcée à Nîmes, souhaite l'engagement américain pour la défense des libertés en Europe mais affirme que l'alliance ne peut se réaliser que dans le respect de la souveraineté des Etats. La France doit donner l'exemple de la fermeté, mais pour cela il lui faut un Etat qui en soit un.
Face au monde bipolaire : la construction d'une Europe forte
Quelles institutions pour l'Europe ?
En juillet 1953, un armistice est signé en Corée mais les Etats-Unis accentuent leur pression pour la création d'une armée européenne placée sous leur contrôle. Le septennat du Président de la République Vincent Auriol s'achève en décembre de la même année. Le général convoque le 12 novembre une conférence de presse pour faire l'analyse de la situation internationale, rappeller les solutions qu'il préconise et commenter le rôle du RPF.
La République gaullienne face au géant soviétique
Refus d'un monde divisé en deux blocs
De retour au pouvoir en 1958, de Gaulle engage une politique où la France doit peser sur le destin du monde et être capable de défendre elle-même ses intérêts. Il refuse la domination des deux blocs, soviétique et américain : la primauté de l'État-nation est pour lui essentielle. C'est pourquoi il décide de sortir progressivement de l'OTAN (sous contrôle américain), processus parallèle à la constitution d'une force nucléaire. C'est aussi la raison pour laquelle il tente de faire émerger l'Europe comme un troisième bloc indépendant, capable de devenir le médiateur entre les deux camps ennemis.
La France "en rapport avec tout le monde"
Entretien avec Michel Droit, deuxième Partie
Deuxième entretien télévisé entre le général de Gaulle, candidat à la présidence de la République, et Michel Droit, rédacteur en chef du Figaro littéraire, entre les deux tours de l'élection présidentielle. Par le dipositif adopté et l'attitude du Général, cette série d'entretiens cherche à faire oublier l'image d'un personnage lointain, voire hautain, et d'un homme vieilli. Ce deuxième entretien traite de la politique étrangère de la France. Le général de Gaulle dévelope d'abord longuement sa vision de l'Europe, et s'explique sur l'usage du terme "Europe des patries" qu'on lui prête habituellement. Il parle ensuite des Etats-Unis, et se défend vigoureusement d'être antiaméricain. Enfin, il explique ce qu'apporte à la France la possession de l'arme atomique, et il justifie la politique de coopération de la France avec les pays du Tiers-Monde, notamment avec ses anciennes colonies.
Faire de la France l'intermédiaire entre l'Est et l'Ouest
Dans le contexte de la Guerre froide, de Gaulle souhaite lier avec l'URSS des relations diplomatiques sans avoir à demander la permission de Washington. Ainsi, Khrouchtchev est-il chaleureusement accueilli à Paris en mars 1960. Si chacun reste campé sur ses positions, il est tout de même décidé de la tenue d'une conférence des "4 Grands" à Paris, où doivent être discutés les grands problèmes du monde.
Or, un avion-espion américain est abattu alors qu'il survole le territoire de l'URSS : lors de la conférence de mai 1960 - que de Gaulle a mis plusieurs mois à organiser - Khrouchtchev prend prétexte de cet incident pour dénoncer l'agression et la mauvaise foi des États-Unis, et quitter la réunion sans qu'aucune discussion ne soit engagée. Le président français, déçu, manifeste sa totale solidarité à Eisenhower, et prend acte de la décision soviétique.
Dialogue avec le monde soviétique
De Gaulle annonce la Conférence de Paris
Conférence de presse donnée à Washington
Au cours d'un voyage en Amérique, le Général donne une conférence de presse au National Press Club de Washington. Il évoque les enjeux de la Conférence au sommet de Paris qui doit se tenir le mois suivant entre les quatre pays administrateurs de Berlin.
L'échec de la Conférence de Paris
Allocution du 31 mai 1960
Allocution du général de Gaulle radiodiffusée et télévisée prononcée au palais de l'Elysée. Le général de Gaulle expose au peuple français la situation internationale résultant de l'échec de la rencontre au sommet entre les quatre grands le 16 mai 1960 à Paris, échec qui fait suite à l'affaire de l'avion espion américain U2 abattu alors qu'il survolait le territoire de l'URSS.
Guerre froide : de Gaulle du côté des Américains
Lors des dernières crises de la Guerre froide, le président de Gaulle soutient inconditionnellement les Américains face aux agressions de l'empire soviétique. La construction du mur de Berlin, en août 1961, est pour lui l'occasion d'afficher sa solidarité avec Kennedy, tout en en appelant à l'inévitable, mais lointaine, réunification allemande. En août 1962, la tension est à son maximum : des fusées soviétiques prennent place à portée de tir des États-Unis, à Cuba. Le général de Gaulle est le premier chef d'État à approuver la fermeté américaine.
Critique d'une URSS "colonisatrice" et "agitatrice"
Voeux pour l'année 1961
Le général de Gaulle présente aux Français ses voeux pour l'année 1961, année qu'il envisage avec confiance malgré les temps troublés. Il souhaite que tous les Français profitent du progrès économique et social. A l'extérieur, il critique l'attitude de l'URSS "colonisatrice" et "agitatrice", et formule de grandes ambitions pour l'Europe. Il évoque ensuite la question algérienne, et demande aux Français, appellés à voter par référendum le 8 janvier, d'approuver le principe de l'autodétermination. Il laisse planer la menace de son départ en cas de réponse "négative ou confuse", et appelle à un "oui franc et massif".
Berlin-Est / Berlin-Ouest
Conférence de presse du 5 septembre 1961
Lors d'une conférence de presse tenue à l'Elysée le 5 septembre 1961, le général de Gaulle évoque plusieurs questions d'actualité : la crise de Berlin, la situation en Algérie, la question de la base de Bizerte, la modernisation de l'agriculture française, la perspective de l'entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché Commun.
La détente : nouer des relations directes avec l'Est
Dégel des relations avec l'URSS
À partir de 1963, les relations franco-soviétiques sont marquées par un rapprochement diplomatique que le contexte de la Guerre froide avait jusque-là entravé. Les visites officielles des ministres des Affaires étrangères français (Couve de Murville) et russe (Gromyko) se multiplient à partir de 1965. Il s'agit de montrer aux yeux du monde que le dialogue avec le monde communiste n'est pas l'apanage des Américains.
Mais c'est surtout le triomphal voyage que de Gaulle réalise à travers toute la Russie soviétique, en juin 1966, qui engage profondément les échanges entre Paris et Moscou : des accords commerciaux, économiques, techniques et scientifiques sont signés. Mais avant tout, l'URSS accepte l'idée d'un "télétype rouge", chargé de relier directement l'Elysée au Kremlin (la France signifiant ainsi que son rapport à l'URSS est autonome de la politique de la Maison-Blanche). En décembre 1966, c'est au tour de Kossyguine - le Premier ministre - de se rendre en France, permettant ainsi d'approfondir les accords déjà scellés.
De Gaulle voyage à travers l'URSS
Voyage en URSS
Du 20 juin au 1er juillet 1966, le général de Gaulle accomplit un voyage officiel en URSS. Le voyage débute à Moscou, se poursuit en Sibérie, puis passe par Léningrad (Saint-Pétersbourg), Kiev et Volgograd. Le général de Gaulle prononce des discours lors de ses apparitions publiques.
De Gaulle s'adresse, en russe, au peuple soviétique
Le gouvernement russe à Paris
Encourager les satellites soviétiques à l'indépendance
La France marque aussi sa volonté de nouer des liens directs avec les satellites de l'URSS. Ainsi, le général de Gaulle tente-t-il de tisser un réseau d'arrangements culturels, commerciaux, technologiques et politiques avec les capitales de l'Europe de l'Est. Lors de ses déclarations officielles, il n'hésite jamais à formuler clairement des critiques à l'encontre de la domination soviétique. En septembre 1967, en Pologne, il exalte la population "à voir loin, (. . .) grand" ; en Roumanie l'année suivante, il condamne "la présence permanente de forces étrangères" sur le territoire. De Gaulle sait qu'au moment où les pays européens se libéreront des tutelles qui les entravent, il sera alors possible de créer une Europe forte, indépendante, unie de "l'Atlantique à l'Oural".
Cette espérance de liberté qu'il formule pour les peuples de la vieille Europe se brise pourtant le 20 août 1968, en Tchécoslovaquie, lors de la répression du "Printemps de Prague" par les troupes soviétiques.
De Gaulle en Pologne
Voyage en Pologne
Le général de Gaulle effectue un voyage officiel en Pologne, du 6 au 12 septembre 1967. Premier chef d'Etat occidental à se rendre dans le pays, il y est accueilli triomphalement. A Cracovie, il appelle de ses vœux une réelle coopération entre les cultures françaises et polonaises, et non pas "l'absorption dans quelque énorme appareil étranger". Il se rend ensuite à Auschwitz, puis en Silésie, à Zabrze, d'où il lance : "Vive Zabrze, la ville la plus silésienne de toute la Silésie, c'est-à-dire la plus polonaise de toutes les polonaises". A Varsovie, il rejette la partition du monde en deux blocs et plaide pour la détente et la coopération, qui seule permettra la résolution du problème allemand. Enfin, le Général s'adresse à tout le peuple polonais à travers une allocution télévisée.
De Gaulle en Roumanie
Discours à Bucarest
Le général de Gaulle effectue un voyage officiel de cinq jours en Roumanie à partir du 14 mai 1968. Dans un discours prononcé devant le Parlement roumain, le Général plaide pour une Europe des nations indépendantes, seule capable à ses yeux de surmonter le partage du continent en deux blocs.
Réprobation du "Printemps de Prague"
Conférence de presse du 11 septembre 1968
Extraits des principaux sujets abordés par le général de Gaulle lors de la conférence de presse du 11 septembre 1968. A propos de la Tchécoslovaquie, il rappelle qu'il a toujours déploré la coupure de l'Europe en deux blocs, et il qualifie la situation actuelle du pays d'artificielle et dangereuse. A propos de la réforme de l'université, il déclare que l'université est faite pour la nation, donc que l'Etat doit la diriger. Enfin, concernant la participation, il détaille ce qu'elle doit être pour les ouvriers au sein de l'entreprise.
Conclusion
La politique menée envers l'URSS n'est pas dissociable des rapports que la France entretient avec son allié américain. Refusant toutes les formes d'hégémonie, de Gaulle, sans demander l'accord des États-Unis, instaure un dialogue direct avec le monde soviétique. Il offre ainsi la possibilité à la France d'apparaître comme force indépendante dans un monde essentiellement bipolaire. Mais il ne s'agit pas moins de créer, chez les Français, un sentiment national de cohésion et de puissance, capable de surmonter les traditionnels clivages politiques, et de servir de base à l'acceptation de la politique gaullienne.