Hernani de Victor Hugo
Notice
Reportage sur la mise en scène d'Hernani de Victor Hugo par Antoine Vitez à Chaillot en 1985, interview du metteur en scène et extraits du spectacle.
Éclairage
Après l'interdiction de Marion de Lorme par la censure, Hugo entreprend un nouveau drame, Hernani. L'action se situe en pleine Renaissance, en Espagne : le vieux Don Ruy Gomez, Hernani le proscrit, et le roi Don Carlos sont tous trois épris de Dona Sol. A coups de vengeances, de duels, d'enlèvement et d'empoisonnements, Hugo met en place une pièce audacieuse dont la temporalité et les décors rompent avec les unités dramaturgiques traditionnelle (plusieurs lieux, une histoire se déroulant sur plusieurs mois) et dont la péripétie devient le principal maître d'œuvre.
Soucieuse du maintien de l'ordre mais après avoir beaucoup tergiversé, la censure autorise la représentation d'Hernani, estimant qu'une nouvelle interdiction d'une pièce de Victor Hugo provoquerait des remous notables dans la presse et chez les intellectuels.
Depuis les années 1820, autour de la figure d'Hugo, que les caricaturistes de l'époque représentent volontiers avec « la grosse tête », va se réunir un cercle d'artistes et d'écrivains pour constituer le « Cénacle » : on y trouve notamment Musset, Vigny, Nerval, Gautier... Cette jeunesse romantique sera aux premières loges lors de la création et des premières représentations d'Hernani à la Comédie-Française en 1830, qui était jusqu'alors le temple de la tragédie. Victor Hugo sait qu'il s'engage sur un terrain périlleux et recrute au sein du Cénacle les spectateurs qui formeront « la claque » (un public trié sur le volet, chargé d'applaudir et de soutenir la pièce). La pièce en effet attire un grand nombre d'opposants et menace de s'attirer les foudres du pouvoir en place : la monarchie vient d'être restaurée avec l'avènement de Charles X et Hugo ne cache pas sa fascination pour Napoléon – qu'on peut reconnaître à travers le personnage de Don Carlos – ; les partisans des formes anciennes (les « néoclassiques »), disqualifient la pièce et font campagne contre la monstruosité dramaturgique proposée par Hugo. La « bataille d'Hernani » se mène ainsi sur deux fronts : esthétique et politique, elle devient le symbole d'un conflit historique entre réactionnaires et modernes et fait du romantisme un mouvement contestataire. Cette querelle, où les quolibets et les sifflets des détracteurs se mêlent aux applaudissements à tout rompre des partisans, reste dans l'histoire des arts et des lettres comme le temps du triomphe de l'école romantique, porteuse de nouvelles formes et capable, grâce au génie poétique, de participer au progrès des idées.
Le document présenté ici et le témoignage de Vitez qui n'hésite pas à dire son admiration et son intérêt pour Hernani, montre que le metteur en scène, qui s'empare de l'approche d'Eisenstein pour dénoncer les esthétiques petites bourgeoises et promouvoir un jeu « extrême », rejoint les ambitions de Victor Hugo quant à la recherche de nouvelles possibilités expressives, débarrassées du consensuel et du bien pensant.