Portrait d'Alexis Gourvennec

23 février 1978
02m 28s
Réf. 00074

Notice

Résumé :

Portrait d'Alexis Gourvennec, de ses débuts dans le syndicalisme agricole breton jusqu'au lancement de la compagnie maritime, la BAI qui effectue des liaisons régulières entre la Bretagne et l'Angleterre.

Type de média :
Date de diffusion :
23 février 1978
Source :
FR3 (Collection: Terroir 22 )
Personnalité(s) :
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Éclairage

Il y a une quarantaine d'années, des producteurs de légumes investissaient la sous-préfecture de Morlaix. À leur tête, un jeune paysan de 25 ans : Alexis Gourvennec, qui venait de créer la SICA de Saint-Pol-de-Léon et allait faire naître Brittany Ferries.

Alexis Gourvennec est né le 11 janvier 1936, à Henvic, un petit village du Léon finistérien. D'une famille d'origine paysanne, il souhaite lui aussi devenir agriculteur. Entre 12 et 15 ans, il suit les cours de l'école d'agriculture du Nivot, à Loperec, et enchaîne par une maîtrise d'agriculture. A cette époque, il rejoint la JAC - la Jeunesse Agricole Chrétienne -, qui connaît alors un large écho en Bretagne. Au cours des réunions syndicales, les débats portent sur une réorganisation éventuelle du marché.

En 1958, une crise de surproduction entraîne une sérieuse baisse du prix de l'artichaut. Pour organiser le marché, un comité économique de l'artichaut est créé avec à sa tête deux anciens jacistes, membres de la FDSEA du Finistère - Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles -, Alexis Gourvennec et Jean-Louis Lallouët. Afin de faire passer leurs idées, ces derniers se rapprochèrent davantage des cultivateurs en divisant chaque commune en "quartiers syndicaux", qui rassemblent chacun entre 12 et 15 fermes. Gourvennec joua un rôle majeur dans l'atténuation de la crise et prouva aux syndicalistes que la décentralisation favorisait le soutien de l'action des paysans. Prônant l'action collective et directe, Gourvennec incita la FDSEA à harceler le gouvernement quand sa politique allait à l'encontre des intérêts paysans. La première action d'importance eut lieu dans le Finistère le 19 octobre 1959, avec le barrage des routes et la circulation bloquée dans les villes par le défilé des tracteurs. Après une deuxième manifestation au mois de décembre 1959, le ton monte entre le syndicat et le gouvernement. Pendant que le fossé se creuse entre les Bretons et leur organisation nationale - la FNSEA -, les syndicalistes du comité de l'artichaut reprenaient leur action mais cette fois en luttant contre les intermédiaires. Après des promesses gouvernementales non respectées, Alexis Gourvennec organisa l'occupation de la sous-préfecture de Morlaix avec plus de 5 000 cultivateurs. Il fut arrêté, mais les manifestations et les sabotages ne s'arrêtèrent pas pour autant. Le 22 juin 1961, dans un Morlaix en état de siège, les magistrats du tribunal de grande instance relaxèrent les deux prévenus. Libres, Gourvennec et Léon furent portés en triomphe par leurs partisans, massés à la sortie du tribunal. Par de telles actions, les jeunes dirigeants de la FDSEA démontrèrent leur force, leur cohésion et leur volonté d'amélioration des prix agricoles.

De plus, la situation économique générale fit que les jeunes dirigeants agricoles furent aussi les initiateurs du mouvement de transformation, de révolution agricole que connut la Bretagne dans les années 1970. En effet, à partir des années 1960, se posa la question pour l'agriculture bretonne de son intégration au système capitaliste. Les nouveaux dirigeants du monde agricole attribuèrent alors leurs difficultés à une structure d'exploitation trop archaïque et surtout à une inorganisation des circuits d'échange. Pour la FDSEA, il devint urgent de réagir afin que la modernisation nécessaire de l'agriculture se fasse avec les agriculteurs et non pas contre eux. Gourvennec préconisa alors l'intégration de l' exploitation dans un groupement de producteurs, soit dans une coopérative, soit dans une SICA - Société d'Intérêts Collectifs Agricoles - de commercialisation. Sous son impulsion, la SICA de Saint-Pol-de-Léon vit le jour en 1961.

Au final, deux grands courants s'affirmèrent progressivement : la FDSEA resta fidèle au modèle productiviste, favorable à une concentration rapide des exploitations, dans la ligne de leur "leader" historique Alexis Gourvennec, tandis que la Confédération paysanne, dans une ligne en partie héritée de Bernard Lambert, militant syndical agricole de Loire-Atlantique, resta davantage soucieuse d'un modèle agricole social et respectueux de l'environnement.

Enfin, Alexis Gourvennec réalisa un dernier coup d'éclat en créant une compagnie maritime : la Brittany Ferries. Avec la volonté de désenclaver le Léon légumier et ainsi d'exprimer toute la capacité exportatrice de cette région, cette compagnie est le symbole de l'esprit d'entreprise et du dynamisme breton retrouvés. La première traversée a lieu au mois de janvier 1973, lançant une entreprise qui connaît un succès sans cesse plus important. Créée pour acheminer le fret de primeurs entre la Bretagne et l'Angleterre, la Brittany Ferries fait, désormais, surtout du transport de passagers. Si Alexis Gourvennec fut indiscutablement un homme de conviction et d'action, il sut aussi négocier, et certaines de ses méthodes furent très discutées.

Bibliographie :

- Corentin Canévet, Le modèle agricole breton. Histoire et géographie d'une révolution agro-alimentaire, Rennes, PUR, 1992.

Fabien Lostec

Transcription

Commentateur
Alexis Gourvennec est né il y a un peu plus de 40 ans dans une ferme du Canton de Taulé, au nord du Finistère. Son enfance en sabot, l'école d'agriculture de Landerneau et les cours supérieur d'agriculture de l'école d'Angers préparent sa rencontre avec la jeunesse agricole chrétienne et le syndicalisme paysan. Dans les moissons de sa jeunesse, ce Léonard va trouver le goût et l'efficacité du travail en commun mais aussi l'affirmation de sa personnalité de paysan. A quinze ans, sur les marchés de gros, il est encore le fils Gourvennec mais il est déjà celui qu'on ne peut point avoir. A 21 ans, il rencontre Marcel Léon, Lalouère, Bergard et les autres, il s'engage dans le renouveau du syndicalisme paysan avec en tête l'idée de venger la dignité de la collectivité paysanne. Fin 1959, on le trouve à la tête de la première grande manifestation de Morlaix. En 1960, c'est la lutte pour la Charte qui mènera à l'organisation des marchés par les producteurs et à la SICA. En 1961, c'est l'apogée de la révolution verte, la prise de la sous-préfecture de Morlaix, la prison, le procès puis la relaxe. Détonateur, chef de file, tribun et homme d'action, Gourvennec est aussi devenu l'homme des négociations sous le feu et des compromis qui sauvegardent l'honneur de l'interlocuteur. Pour cela, il est à la fois admiré et haï. En 67, la SICA s'étant installé dans un fonctionnement sans heurts, ce fou d'agriculture et de Bretagne tel qu'il se définit lui-même, peut s'occuper de sa seconde croisade, celle du désenclavement du Nord Bretagne. Depuis longtemps, il a repris à son compte l'idée d'un port légumier en eaux profondes et de liaisons régulières avec la Grande Bretagne toute proche. En 1968, le projet est retenu. En 1971, le port est en voie d'achèvement mais le môle du Bloscon va plus vite que les tractations avec les armateurs. Alors en avril 72, Alexis Gourvennec, Jean Guillaumard et Jean Henaff crée la B.A.I. Le 18 décembre, le Kerisnel arrive à Roscoff. Janvier 73, c'est la première liaison. Janvier 74, l'arrivée du Penn Ar Bed, août 75, l'ouverture d'une seconde ligne depuis Saint-Malo. En 76, l'Armoric, en 1977 le Cornouaille et en 1978, l'ouverture de deux nouvelles lignes vers l'Irlande et vers l'Espagne. Un autre pari est donc entrain de se gagner.
Inconnu
Terrien, économiste et armateur, Alexis Gourvennec est sans aucun doute le plus connu mais aussi le plus discuté des paysans bretons et peut-être n'a t-il pas fini d'étonner son monde et d'alimenter les conversations.