Ilse et Pierre Garnier, poètes créateurs de la poésie spatiale
Notice
Ilse et Pierre Garnier produisent depuis de longues années une poésie expérimentale baptisée "poésie spatiale". Après avoir longtemps publié dans l'ombre de son mari, Ilse publie une anthologie de ses poèmes Jazz pour les yeux. Rencontre avec le couple, chez eux à Saisseval.
Éclairage
Dans le numéro 22 de la revue Chiendents paru en 2012 (1), Ilse Garnier rappelle quelques dates essentielles de son propre parcours. "Je suis née à Kaiserslauten en Rhénanie-Palatinat" commence-telle. Puis elle raconte son enfance, le rôle joué par ses grands-parents, les leçons de géographie avec son grand-père, les visites estivales à une tante pianiste à Munich. Ilse a douze ans lorsque la guerre éclate. Intégrée dans l'Union des jeunes filles allemandes, elle échappe de peu au bombardement de la gare de Munich en 1943, constate la destruction de la rue où vivaient ses oncle et tante. Kaiserslauten est à son tour bombardée et détruite en 1944, les habitants cherchant abri dans les carrières. En 1945 elle assiste au spectacle des unités allemandes revenant, la tête basse, dans leurs foyers. Elle commence des études de "germanistique" à l'université de Mayence, obtient un visa pour la France en 1950 rendant visite à une tante qui y vit depuis 1923. Elle rencontre et épouse le jeune poète et futur professeur d'allemand Pierre Garnier (2). "Année zéro", dit-elle, "rupture avec l'Allemagne" confirme-t-elle, expliquant son recours à une forme nouvelle de poésie. "En Allemagne la langue avait été tellement politisée, violentée, qu'on avait un grand besoin de s'en défaire... Au fond une nouvelle langue... Nous avions besoin d'une poésie en correspondance avec notre époque, la société moderne, supranationale, qui ne regardait plus seulement la terre mais regardait l'Espace". D'où le spatialisme, conçu et pratiqué avec son époux Pierre Garnier. En 1962 le couple fonde la revue Les Lettres aux éditions André Silvaire, dans laquelle ils présentent leur Manifeste pour une poésie nouvelle, visuelle et phonique. Entrant en contact avec des groupes de poésie expérimentale autrichien, allemand, tchèque brésilien, japonais etc. , ils accueillent entre autres les poètes de Sao Paulo Haroldo et Augusto de Campos. En France ils travaillent à distance amicale des poètes Henri Chopin (poésie sonore) Bernard Heidsieck (poésie action) Julien Blaine (poésie performance). Installés à Saisseval, près d'Amiens, Pierre et Ilse sont auteurs d'une production poétique continue abondante, dans laquelle la part d'Ilse (qui s'est progressivement affirmée) se révèle presque unanimement spatialiste. Signalons parmi une bibliographie très nourrie, Blason du corps féminin (André Silvaire, 1979) La Meuse (André Silvaire 1991) Jazz pour les yeux, Anthologie de poésie spatiale (L'Herbe qui tremble, 2011)
(1) Ilse Garnier - Le chant de l'espace. Chiendents N° 22, Editions du Petit Véhicule, Nantes, 2012.
(2) Pierre Garnier, né le 9 janvier 1928 à Amiens et mort le 1er février 2014.