The Cannes Festival explained to novices, by Jean-Claude Brialy

30 mai 1959
08m 02s
Ref. 00060

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Summary :

Quirky interview between Philippe Bouvard and Jean-Claude Brialy, who explains with humour what the Cannes Festival is, how a film is made, what an "intellectual" director is, etc.

Media type :
Broadcast date :
30 mai 1959
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Transcription

Philippe Bouvard
Voilà, nous sommes arrivés. Vous ne vous attendiez pas à ce que je vous amène Jean-Claude Brialy dans une camionnette ou même dans une familiale.
Interviewer
Ça, ce n'est pas le genre du personnage.
Philippe Bouvard
Jean Claude Brialy, c'est un jeune acteur, un jeune acteur qui va vite. Un acteur qui va vite, ça ne se déplace qu'en voiture de sport, c'est connu. Mais ce n'est pas le seul titre de gloire de Jean Claude Brialy de se déplacer en voiture de sport. Moi, je l'aime bien parce qu'il appartient à cette espèce très rare de jeunes comédiens qui peuvent improviser un texte. J'entends par là, qui n'ont pas besoin d'un dialoguiste pour parler à la sortie d'un studio, un soir, à la télévision, par exemple. Alors, ça m'autorise à lui poser toutes sortes de questions, et par exemple celle-ci : qu'est-ce que vous alliez faire au festival de Cannes, cette année ? Répondez.
Jean-Claude Brialy
Et bien, vous savez, au festival de Cannes, on y va soit quand on est une grande vedette, soit quand on a un film à présenter. Moi, dans "Les 400 coups", j'ai un plan, ce n'est pas la raison pour laquelle j'étais au festival de Cannes. J'y étais pour me documenter.
Philippe Bouvard
Ah ! Un voyage documentaire ?
Jean-Claude Brialy
Et oui. Quand on peut passer inaperçu, (je peux encore passer inaperçu)...
Philippe Bouvard
Allons, pas de fausse modestie.
Jean-Claude Brialy
Au festival de Cannes, on observe beaucoup de choses. Il y a des vedettes, il y a les producteurs et il y a des metteurs en scène.
Philippe Bouvard
Alors, parlons de la première catégorie, si vous le voulez, parlons des vedettes.
Jean-Claude Brialy
Alors, il y a d'abord les grandes vedettes, les superstars qui viennent. Il y a Kim Novak, Cary Grant, Sophia Loren.
Philippe Bouvard
Est-ce à dire que les superstars sont toujours des vedettes étrangères ?
Jean-Claude Brialy
Non, il y a aussi des vedettes françaises. Non, il y a Jeanne Moreau, Pascale Audret. Alors, ces grandes vedettes viennent honorer de leur présence le festival. Et puis, il y a les petites vedettes, celles qui essayent de se faire remarquer. Et puis, il y a les vedettes qui viennent présenter leur film, comme Simone Signoret ou Kim Novak.
Philippe Bouvard
C'est ça. Mais est-ce que pour réaliser un film, actuellement, il est absolument nécessaire d'avoir une vedette ?
Jean-Claude Brialy
Pas nécessaire puisqu'on a prouvé, enfin les jeunes metteurs en scène ont prouvé, et même maintenant, les metteurs en scène chevronnés prouvent qu'ils peuvent faire des films sans les vedettes. Mais enfin, je crois que sans être nécessaire...
Philippe Bouvard
Oui. Alors, on peut quand même dire, sans extrapoler, que la première conclusion de ce voyage d'études que vous avez effectué studieusement sur la croisette, c'est que les vedettes sont une catégorie de gens qui ne sont pas absolument nécessaires dans le cinéma ?
Jean-Claude Brialy
On en a besoin.
Philippe Bouvard
C'est ça. Parfait. Alors, la seconde catégorie, ce sont les producteurs. Qu'est-ce que c'est qu'un producteur ?
Jean-Claude Brialy
Un producteur, c'est d'abord un monsieur qui représente des messieurs qui mettent de l'argent dans un film. En général, on ne voit jamais les messieurs qui mettent de l'argent dans un film. On ne voit que le producteur.
Philippe Bouvard
Ils ont honte ?
Jean-Claude Brialy
Non, ils ont autre chose à faire, probablement, et alors, il faut bien que le producteur fasse quelque chose. Alors, il vient sur le plateau, il vient saluer la vedette, il lui offre un whisky si c'est une grosse production.
Philippe Bouvard
Ah ? Ca va jusque-là ?
Jean-Claude Brialy
Jusque-là. Et puis alors, maintenant, avec cette histoire de Nouvelle Vague et de jeune génération qui monte et de petits génies, que nous allons en trouver tous les jours, dans un film, et bien, maintenant, le producteur vien saluer le jeune acteur...
Philippe Bouvard
Alors les moeurs ont considérablement évolué ! On n'est pas sur le même plan, bien sûr. Après, il y a un contact humain ?
Jean-Claude Brialy
Alors, vous tournez dans mon film. On vous a engagé. Je vais prendre des options.
Philippe Bouvard
C'est ça. Et puis alors, je crois que de toute façon, d'une manière générale, ce qu'on peut dire, c'est que la fréquentation d'un producteur vous est toujours éminemment profitable. Parce que même si on ne signe pas un contrat, on a au moins quand même le loisir d'apprendre une langue étrangère. Il n'y a pas que le producteur, et puis, un producteur, ce n'est pas tellement nécessaire. On a montré, dernièrement, qu'il y avait des metteurs en scène qui avaient fait des héritages ou qui avaient de la famille bien placée, qui pouvaient, eux-mêmes, faire un film, sans avoir recours à des appuis extérieurs. Ce qui est très moral. C'est un circuit fermé mais c'est moral. Alors donc, on peut dire aussi que le producteur n'est pas absolument nécessaire. Mais la troisième catégorie, c'est plus difficile parce que le metteur en scène, on ne peut pas s'en passer.
Jean-Claude Brialy
Il faut les subir. Mais on peut les aimer aussi, les metteurs en scène.
Philippe Bouvard
Mais comment se présente, un metteur en scène ?
Jean-Claude Brialy
Vous savez, à Cannes, il y a une espèce de folie. Tous les producteurs se sont tournés vers les garçons de vingt cinq ans, et alors, ont demandé : "Vous avez vingt cinq ans, donc vous avez du talent. Voulez-vous faire un film ?"
Philippe Bouvard
Ce n'est pas mauvais, ça, parce qu'évidemment, ça élargit le recrutement.
Jean-Claude Brialy
Je crois que c'est une erreur parce qu'il des grands metteurs en scène qui ont beaucoup de talent, et ce n'est pas parce qu'on a vingt cinq ans (moi, j'ai vingt cinq ans), qu'on a beaucoup de talent On peut avoir du talent, on peut avoir un bon rôle mais on n'est pas forcément des petits génies. Il ne faut pas se prendre trop au sérieux. Mais il y a des metteurs en scène intellectuels et les autres. Alors, ne parlons pas des autres, parlons des intellectuels. Alors, les intellectuels, moi, j'en connais beaucoup car j'ai fréquenté les Cahiers du Cinéma. Les intellectuels, ce sont des metteurs en scène qui pensent. Alors, pour faire un film, ils partent à la campagne... Enfin, ils envoient d'abord un scénariste et un dialoguiste qui partent à la campagne (c'est l'avant garde), ils partent à la campagne se retirer pendant des semaines où ils se penchent sur un problème qui est soit une adaptation, soit un sujet tout neuf. Ils reviennent quelques semaines après gros, gras et rouges, et ils montrent l'adaptation au metteur en scène qui la refuse systématiquement en disant : "Oui bien sûr mais ce n'est pas tout à fait ça, l'esprit du film. J'aurai voulu que ce problème délicat soit résolu". Il repart à la campagne, c'est le metteur en scène qui repart à la campagne avec un autre dialoguiste.
Philippe Bouvard
Il refuse le scénario parce que lui, il a envie de partir à la campagne.
Jean-Claude Brialy
Je crois que c'est ça. Alors puis, il part à la campagne et il revient. Il le montre au producteur, qui n'est pas d'accord parce qu'il le trouve trop cher, trop de décors, trop de monde, etc. Alors, on réduit tout ça, et finalement, on s'enferme dans une pièce et on pose le problème.
Philippe Bouvard
A Paris ?
Jean-Claude Brialy
Le producteur n'a pas les moyens d'aller à la campagne.
Philippe Bouvard
Deux séjours à la campagne, c'est beaucoup dans un...
Jean-Claude Brialy
Finalement, le producteur fait un dîner chez lui, enfin, un goûter, et puis, ils en sortent en ayant réduit à moitié le scénario, en ayant supprimé... pas les vedettes parce qu'il en faut, mais les autres. Et puis on commence à tourner. Alors, le metteur en scène intellectuel arrive sur le plateau. Il s'entrient avec les vedettes, avec le premier rôle.
Philippe Bouvard
Il continue toujours à penser ? Parce qu'il avait pensé avant le tournage mais il pense pendant le tournage aussi ?
Jean-Claude Brialy
Il pense tout haut, et puis, il prend les acteurs à part et puis il leur chuchote des choses dans l'oreille.
Philippe Bouvard
Ça, personne n'en saura jamais rien.
Jean-Claude Brialy
Ça, personne n'en saura rien. Et puis, sur le plateau, il a le côté "ailleurs", il fait semblant de ne s'occuper de rien. Il a demandé aux acteurs de faire ce qu'il avait demandé et c'est fini.
Philippe Bouvard
Alors, en somme, vous allez me dire si je vous comprends bien. Par exemple, la différence entre un metteur en scène intellectuel et puis un autre, un vulgaire metteur en scène, ça pourrait consister dans ceci. Par exemple, vous avez une scène qui représente une chambre à coucher. Dans cette chambre à coucher, il y a un lit. Sur le lit, il y a une jeune personne très dévêtue. N'est-ce pas, vous voyez, vous me suivez ? Si jamais, c'est un vulgaire metteur en scène qui tourne le film, alors, on peut dire, dans ce cas-là, qu'il s'agit d'une scène grivoise. Mais si c'est un metteur en scène intellectuel, c'est une scène érotique. Et pourtant, c'est la même personne avec le même lit, avec la même robe... (enfin, c'est un bien grand mot pour une petite chose, n'est-ce pas). Voilà donc notre petit générique complet. C'est-à-dire notre générique qui comprenait, ce soir, un producteur, les vedettes (il y en aura toujours) et les metteurs en scène. Et ça, vous avez démontré leur utilité. Mais vous savez qu'un générique, qui se place, en général, au début et à la fin d'une émission, s'accompagne d'une musique. Et quelquefois, cette musique est une chanson. Lorsque Michel Arnoux chante cette chanson, c'est, bien sûr, une chanson à succès. Et lorsque les téléspectateurs réclament une chanson à succès, on risque de retrouver le thème d'un générique au milieu d'une émission.