Le genièvre de Loos patrimoine régional

20 novembre 2010
02m 27s
Réf. 00006

Notice

Résumé :
Le genièvre de Loos est désormais fabriqué à la distillerie Claeyssens de Wambrechies, à l’aide de machines et d’un savoir-faire qui ont été classés monuments historiques. On suit la fabrication avec Gérard Guisgand, agent de production qui officie depuis plus de 30 ans avec  des machines vieilles de deux siècles.
Date de diffusion :
20 novembre 2010
Lieux :

Éclairage

On date l’invention de l’alcool de genièvre vers 1650, dans l’officine d’un apothicaire hollandais de Leyde, Franciscus de le Boë, connu pour avoir fondé le premier laboratoire universitaire de chimie en Europe et contribué à la compréhension du système digestif. Dès lors, les eaux-de-vies de grain se répandent en Europe du Nord et la première distillerie de genièvre française verra le jour en 1775 à Dunkerque. La Distillerie Claeyssens débute, quant à elle, son activité en 1789 rue du Marais à Lille, pour s’établir 30 ans après sur le site actuel de Wambrechies, en lieu et place de l’huilerie familiale.

La famille Claeyssens voyait de nombreux avantages à ce déménagement : tout d’abord la plus forte rentabilité de la distillerie, mais également l’adéquation entre le site et les besoins de production. La proximité du canal de la Deûle permettait l’acheminement des céréales, le moulin à eau sur le site de l’écluse facilitait ensuite la production de farine, la nappe phréatique fournissait une eau pure et peu coûteuse et enfin la grande concentration d’éleveurs dans les communes limitrophes assurait une évacuation simple des "drèches", ces résidus solides de la distillation utilisés pour nourrir le bétail.

Le processus de production du genièvre sur le site, toujours respecté de nos jours malgré les évolutions technologiques, est l’œuvre d’Henri Lenssen, ingénieur et ami de la famille Claeyssens. Il doit son originalité à une grande automatisation, véritable tour de force en 1817. La révolution industrielle et la machine à vapeur perfectionneront encore les installations et la fabrication au milieu du XIXe siècle. Le classement aux Monuments Historiques en 1999 se fera d’ailleurs non seulement pour l’ensemble des bâtiments, mais également pour les machines et le processus de fabrication (la boisson, contrairement à ce qui est annoncé en début d’extrait, n’est par contre pas concernée).

Devenu boisson emblématique des mineurs et des ouvriers textiles de la région, le genièvre verra sa production sans cesse augmenter, pour atteindre son apogée dans les années 30. On le consomme alors comme "bistouille", avec le café. Et là, chacun sa méthode : cul-sec avant de boire le café, en le mélangeant avec une moitié de café, ou à la rincette en vidant le verre de genièvre sur le marc. Il y a le genièvre de Loos et son blé, à la saveur douce et titrant à 42°, et le wambrecitain et son seigle et malt, plus sec avec ses 49°.

En 1998 Claeyssens a été racheté par le groupe belge Grande Distillerie de Charleroi (GDC). C'est en 2000 que le groupe reprend la marque concurrente "Le Genièvre de Loos" fabriquée à Loos-lez-Lille dans la distillerie Flourent depuis 1816. La production a été rapatriée sur Wambrechies qui produit désormais sur le même site les deux marques.

Avec la crise des industries textile et minière, la production de genièvre a fortement diminué. Le nombre de distilleries dans la région s’est réduit comme peau de chagrin, passant d’une centaine vers 1900 à deux un siècle plus tard (Claeyssens à Wambrechies et Persyn à Houlle), dernières dépositaires d’un savoir-faire aux racines de la culture régionale.
Tristan Wallet

Transcription

Présentatrice
Patrimoine avec, ce soir, l’eau de vie nordiste par excellence, le genièvre de Loos. On ne le sait pas forcément, mais ce produit a même été classé monument historique. Il faut dire que la tradition remonte au XIXe siècle, immersion dans la fabrication avec Sylvia Gonzalez et Paul-Albert Druon.
Sylvia Gonzalez
Ceci est un monument historique. Le genièvre de Loos, plus connu sous son petit nom de bistouille, n’a jamais changé sa recette. Il est fabriqué ici, dans une des dernières genièvreries du pays à Wambrechies. Bâtiments, machines, processus, tout est classé et respire le XIXe siècle. Alors dites-moi, vous n’avez jamais peur de mettre en route des antiquités pareilles ?
Gérard Guisgand
Non, parce que c’est une question d’habitude. Non, ce n’est pas, c’est à un stade, normalement si on enclenche tout doucement, vitesse par vitesse, il n’y a pas de problème.
Sylvia Gonzalez
Pourtant ça fait, elle a deux siècles derrière elle !
Gérard Guisgand
Ah oui, et ça tourne, des petits réparations de temps en temps mais c’est bon, ça va !
Sylvia Gonzalez
Trente et un ans que Gérard Guisgand produit du genièvre, un savoir-faire presque disparu dans la région. L’eau de vie des nordistes, inconnue au sud de Paris, est faite de blé et d’orge. Une fois la farine moulue, elle est mélangée à de l’eau chaude et refroidie dans ces antiques monte et baisse.
(bruit)
Sylvia Gonzalez
C’est l’heure de la cuisson, une heure et demie à 70 degrés, des cuves en cuivre qui datent de la révolution industrielle gardent tout ça au chaud. Un peu plus tard, on ajoute la levure et vient la fermentation, 48 heures qui donnent ce qu’on appelle la petite bière ; des étapes et une recette immuables.
Gérard Guisgand
Toujours le même principe, on a appris le principe des anciens, on a appris sur le tas, hein. De toute façon on nous appris pour, comme ça et on continue comme ça. Parce que changer c’est beau mais si ça ne va pas ?
Sylvia Gonzalez
La salle du Palais, un décor de roman, une ambiance à la Jules Vernes, dans laquelle trône l’alambic. On distille une première fois, puis une deuxième et on ajoute enfin les baies de genévrier, un petit moment d’histoire régionale.
Patrick Buisine
A l’époque, ce qu’on appelait une petite bistouille, en fin de compte c’était, le mineur prenait sa petite bistouille au café, euh, le tenancier du café lui offrait le café, il ne payait que la bistouille en fin de compte.
Sylvia Gonzalez
Cul sec ou à l'rincette, la bistouille est un vieux souvenir. Au début du XXe, une centaine de distilleries produisaient du genièvre dans la région, elles ne sont plus que trois aujourd’hui.