Historique des carrières de Lezennes
29 juillet 1988
04m 44s
Réf. 00027
Notice
Résumé :
Benoît Gadrey est descendu à la découverte des carrières de Lezennes exploitées depuis le Moyen Âge. La pierre de craie de Lezennes a servi à construire les principaux bâtiments de la métropole, les églises et surtout la citadelle de Lille. Les carrières constituent un véritable labyrinthe dans le sous-sol de la métropole.
Type de média :
Date de diffusion :
29 juillet 1988
Source :
FR3
(Collection:
JT soir Nord Pas de Calais
)
Personnalité(s) :
Thèmes :
Lieux :
Éclairage
Le journaliste Benoît Gadrey nous entraîne dans les fascinants souterrains de Lezennes, là où la pierre de craie a été extraite pendant des siècles pour les besoins de la construction des principaux édifices de l’actuelle métropole. A dix mètres sous terre, on se retrouve dans un labyrinthe de quelques 400 kilomètres de galeries sur 200 hectares de surface. En fait, le réseau des carrières de Lezennes et des environs est le plus grand réseau de carrières souterraines de France, s’étendant sous les communes de Lezennes, Faches-Thumesnil, Lille-Hellemmes, Lomme, Loos, Haubourdin et les environs. Le centre de Villeneuve d’Ascq est en partie construit sur des terrains "à catiches", ce qui n’est pas sans poser de problèmes de stabilité des édifices. Par exemple, le forum vert, où est implantée l’école d’architecture, doit ses dénivellations à une ancienne carrière.
Mais qu’est-ce qu’une catiche ? Bernard Bivert, inspecteur des carrières pour le département du Nord et auteur de nombreux ouvrages sur la question, nous en révèle les aspects techniques : il s’agit des anciens puits d’extraction qui permettaient le creusement des galeries, leur mise en réseau et la remontée des blocs de craie en surface. En fin d’exploitation, on fermait le puits par un appareillage de pierres taillées en encorbellement, puis on couvrait de terre arable pour les besoins de l’agriculture. C’était sans compter sur l’urbanisation en nappe du XXe siècle ! Face aux éboulements de terrain récurrents et parfois spectaculaires, la surveillance et le repérage des catiches sont renforcés depuis la fin des années 70 afin d’éviter la construction sur les anciennes carrières souterraines ou de procéder à leurs comblements.
Il resterait à écrire une histoire exhaustive des carrières. Des traces indiquent qu’on exploitait la craie à l’époque romaine, surtout pour amender les sols ou produire de la chaux. Mais la grande période de l’extraction se déroule du Moyen Âge au XVIIIe siècle, dans des conditions parfois difficiles pour les carriers, comme en témoignent les inscriptions sur les parois (la plus ancienne est en écriture gothique). La pierre de craie dite de Lezennes, quoique friable et gélive, est largement employée dans la construction des édifices nobles : l’église de Bouvines est donnée en exemple, mais ce sont pratiquement toutes les églises de la communauté urbaine actuelle, antérieures au XIXe siècle, qui sont construites avec ce matériau. Le paroxysme de l’exploitation est dû à partir de 1667, à la construction par Vauban de la citadelle de Lille devenue française : pendant toute la durée de son édification, la pierre de Lezennes lui est exclusivement attribuée.
Le déclin de l’exploitation correspond au XIXe siècle quand l’emploi de la brique dans la construction se généralise, en adéquation avec l’industrialisation. Les carrières sont progressivement abandonnées et servent d’égouts, de refuge pendant les deux guerres mondiales puis de lieux de production agricole pour les champignons ou la barbe de capucins, espèce de salade d’endive.
Que faire de ce patrimoine ? Georges Windal, de l’association Des pierres et des hommes, veut en faire un lieu de tourisme : un circuit de 800 mètres permettrait la découverte des galeries avec ses stalactites, ses traces des modes d’extraction, ses usages multiples au cours du temps, ses graffitis pleins d’humanité et de rêve, jusqu’au mythique lac bleu formé par la remontée de la nappe phréatique. Mais cela demande beaucoup d’énergie et d’argent pour consolider et sécuriser les lieux et à ce jour, les carrières conservent leur mystère.
Mais qu’est-ce qu’une catiche ? Bernard Bivert, inspecteur des carrières pour le département du Nord et auteur de nombreux ouvrages sur la question, nous en révèle les aspects techniques : il s’agit des anciens puits d’extraction qui permettaient le creusement des galeries, leur mise en réseau et la remontée des blocs de craie en surface. En fin d’exploitation, on fermait le puits par un appareillage de pierres taillées en encorbellement, puis on couvrait de terre arable pour les besoins de l’agriculture. C’était sans compter sur l’urbanisation en nappe du XXe siècle ! Face aux éboulements de terrain récurrents et parfois spectaculaires, la surveillance et le repérage des catiches sont renforcés depuis la fin des années 70 afin d’éviter la construction sur les anciennes carrières souterraines ou de procéder à leurs comblements.
Il resterait à écrire une histoire exhaustive des carrières. Des traces indiquent qu’on exploitait la craie à l’époque romaine, surtout pour amender les sols ou produire de la chaux. Mais la grande période de l’extraction se déroule du Moyen Âge au XVIIIe siècle, dans des conditions parfois difficiles pour les carriers, comme en témoignent les inscriptions sur les parois (la plus ancienne est en écriture gothique). La pierre de craie dite de Lezennes, quoique friable et gélive, est largement employée dans la construction des édifices nobles : l’église de Bouvines est donnée en exemple, mais ce sont pratiquement toutes les églises de la communauté urbaine actuelle, antérieures au XIXe siècle, qui sont construites avec ce matériau. Le paroxysme de l’exploitation est dû à partir de 1667, à la construction par Vauban de la citadelle de Lille devenue française : pendant toute la durée de son édification, la pierre de Lezennes lui est exclusivement attribuée.
Le déclin de l’exploitation correspond au XIXe siècle quand l’emploi de la brique dans la construction se généralise, en adéquation avec l’industrialisation. Les carrières sont progressivement abandonnées et servent d’égouts, de refuge pendant les deux guerres mondiales puis de lieux de production agricole pour les champignons ou la barbe de capucins, espèce de salade d’endive.
Que faire de ce patrimoine ? Georges Windal, de l’association Des pierres et des hommes, veut en faire un lieu de tourisme : un circuit de 800 mètres permettrait la découverte des galeries avec ses stalactites, ses traces des modes d’extraction, ses usages multiples au cours du temps, ses graffitis pleins d’humanité et de rêve, jusqu’au mythique lac bleu formé par la remontée de la nappe phréatique. Mais cela demande beaucoup d’énergie et d’argent pour consolider et sécuriser les lieux et à ce jour, les carrières conservent leur mystère.
Dominique Mons
Transcription
Benoît Gadrey
On se retrouve à environ 10 mètres sous terre dans ce gigantesque labyrinthe que sont les carrières de Lezennes. Il faut savoir que l’on peut comparer le sous-sol du Nord-Pas-de-Calais à un véritable morceau de gruyère ; puisque l’on recense, pas moins de 450 communes dans la région, comportant des cavités souterraines. Parmi ces galeries, celles de Lezennes ont un passé des plus glorieux. C’est l’histoire de ces carrières que je vous propose de découvrir.(bruit)
Bernard Bivert
J’ai pris congé de la carrière pour la frayeur que j’y ai eue dedans. J’y ai cru mourir.Benoît Gadrey
Cet écriteau gothique, la trace la plus ancienne retrouvée dans ces carrières, traduit bien le caractère inhumain des travaux des ouvriers carriéristes. Des carrieurs, une trentaine environ qui dès le Moyen âge fournissent le principal matériau de construction de l’époque, la pierre de craie. On ne compte plus les édifices du Nord élevés avec la craie de Lezennes, de l’église de Bouvines à la citadelle de Lille. Lezennes c’est 200 hectares, truffés de souterrains, 400 km de galeries parsemées ici et là de catiches.Bernard Bivert
Une catiche c’est un ancien puits d’extraction par lequel les carriers s’introduisaient dans la carrière, mais par lequel également ils remontaient les pierres taillées. Après l’exploitation, ces catiches ont été refermées par un appareillage de pierres taillées, disposées en encorbellement.Benoît Gadrey
C’est précisément les bouchons de ces catiches en forme de bouteilles qui régulièrement s’affaissent dans l’agglomération lilloise et donnent un spectacle peu ordinaire. Aussi, depuis quelques années, les techniciens du service départemental d’inspection des carrières, parcourent chaque jour ces galeries, attentifs au moindre éboulement de terrain.(bruit)
Bernard Bivert
Des quartiers entiers de Lille sont aujourd’hui construits sans autre précaution sur les anciennes carrières souterraines. Il n’y a on peut le dire que depuis une quinzaine d’années maintenant, que les autorités ont pris le phénomène carrière souterraine en compte.Benoît Gadrey
C’est à la fin du XIXe siècle que l’on cessera d’extraire de la craie à Lezennes. La brique ayant eu raison de cette pierre trop dure à exploiter et peu résistante au temps. Depuis l’histoire de ces longues galeries rencontre périodiquement celle des hommes. Les carrières servant tour à tour d’égouts ou de refuges pendant les guerres de 14-18 et 39-40. Aujourd’hui ce dédale de souterrains aussi inextricables que mystérieux fascine et attire l’homme. Régulièrement des jeunes adolescents imprudents s’y perdent à la recherche d’un lac mythique, appelé le lac Bleu. Et bien, nous sommes arrivés au terme de notre périple dans ces carrières de Lezennes, devant ce fameux lac Bleu. Alors, Monsieur Windal, est-ce que le mythe du lac bleu correspond à la réalité ?Georges Windal
Pas toujours et en particulier pas aujourd’hui. Vous voyez que l’eau est très basse, c’est en fait, un affleurement de la nappe phréatique si bien qu’il y a des montées d’eau et des baisses de l’eau. Et en général, le niveau se situe à 50 cm au-dessus de celui-ci.Benoît Gadrey
Alors, vous avez créé donc une association, "Des Pierres et des Hommes", et ce fameux lac bleu serait, disons la fin du circuit que vous voulez organiser.Georges Windal
C’est ça tout à fait, parce que quand même, c’est un point important à visiter. Il a toujours été dans notre esprit de constituer le point final de notre circuit par le lac bleu. Et le circuit ferait 800 m sous les carrières de Lezennes. Et on y verrait les traces de l’extraction, des stalactites, des endroits où l’homme a cultivé le champignon ou la barbe de capucin. On y verrait aussi des fossiles, on y verrait un tas de choses très intéressantes qui seraient à voir sur ce circuit.Benoît Gadrey
Alors, cela demande beaucoup de travail et de l’argent.Georges Windal
Ça demande beaucoup de travail. Une partie de ce travail a déjà été faite. Beaucoup de travail de consolidation, d’aménagement seraient nécessaires. Beaucoup d’argent aussi pour aménager et la partie souterraine et le musée de surface qui serait associé dans un vaste complexe culturel dans la ferme qui se trouve au-dessus dans le centre de Lezennes.Benoît Gadrey
Monsieur Windal, je vous remercie. Voilà Claude et Christine, je vous rends l’antenne, en vous invitant dans cette carrière dès que le circuit sera ouvert. Vous verrez, c’est carrément superbe.(bruit)