Chronodrive et Auchan drive ou les courses faciles
21 octobre 2006
02m 03s
Réf. 00101
Notice
Résumé :
En 2006, trois "drives" seulement existent en France, tous dans la métropole lilloise. Deux marques se font concurrence sur un marché balbutiant et loin d'être encore rentable. Le drive est-il l'avenir des courses ? Pour l'instant, le groupe Auchan est le seul à s'être lancé dans l'aventure en France. Les autres acteurs de la grande distribution observent sans doute avec attention l'avenir de ce système.
Type de média :
Date de diffusion :
21 octobre 2006
Source :
France 3
(Collection:
JT soir Nord Pas de Calais
)
Personnalité(s) :
Lieux :
Éclairage
Que l’on pense à la création de la vente par correspondance (VPC) à partir des années 1920 (La Redoute, La Blancheporte, Les 3 Suisses) ou aux premiers temps des supermarchés (Auchan) dans les années 1960, la métropole lilloise - Roubaix et Tourcoing, notamment - constitue un territoire innovant en matière de commerce. C’est dans ce secteur que certaines grandes familles du textile ont réussi à se reconvertir, passant d’un secteur industriel en perte de vitesse à un secteur tertiaire (les services et la distribution notamment) en pleine expansion. A l’époque d’internet, la tradition continue de se perpétuer avec le concept du "drive", conçu et lancé au sein du Groupe Mulliez: d’abord en 2000, à Leers, avec Auchan Express (qui deviendra par la suite Auchan Drive), puis en 2004, à Marcq-en-Baroeul et à Croix, avec Chronodrive (filiale du groupe Auchan).
Depuis, le concept a fait du chemin : "Le “drive“ a révolutionné la distribution française" titrait le quotidien Les Echos en 2014. Et pour cause : quinze ans après la naissance de ce nouveau concept d’achat, on estime à 3 500 environ le nombre de magasins "drive" implantés sur le territoire français (toutes enseignes confondues), et à 3 millions le nombre de consommateurs qui ont été séduits par ce mode d’achat. Le "drive" se présente comme une autre manière de faire ses courses alimentaires : on passe une commande sur internet et on vient la chercher dans un entrepôt où des préparateurs la déposent directement dans le coffre de la voiture. L’objectif est de faire gagner du temps au client, mais aussi de régénérer un modèle de consommation de masse, l’hypermarché, certes toujours populaire, mais sans cesse soumis au danger de l’essoufflement…
Quand le Groupe Mulliez ouvre son Auchan Express, le concept n’est pas encore abouti : un entrepôt est installé sur le parking de l’hypermarché ; les clients commandent sur place à une borne (pas encore sur internet) ; les produits proposés sont surtout les gros volumes (type packs d’eau, de lait, etc.) ; le client, déjà sur place avec son véhicule, va chercher sa commande ; l’objectif est de le servir avec la plus grande rapidité. Quatre ans après cette première expérience, Chronodrive s’inspire du concept mais lui apporte des évolutions décisives : la commande se fait à présent en ligne ; les produits proposés ne se limitent plus à des marchandises "gros volumes", 7 500 références – parmi les produits les plus classiquement achetés dans les hypermarchés – sont proposées à l’achat ; surtout, le magasin est indépendant, il n’est plus adossé à un hypermarché, mais implanté à un endroit stratégique, facile d’accès, sur un grand axe de trajet domicile-travail.
Malgré l’antériorité d’Auchan Express, c’est bien Chronodrive qui est considéré aujourd’hui comme le pure player (entreprise pionnière) du secteur. En 2014, son chiffre d’affaires s’élève à 450 millions d’euros (contre 231 M€ en 2011, et 145 M€ en 2010) et le site le plus contributif est celui, désormais historique, de Marcq-en-Barœul. Chronodrive n’est plus pour autant le leader du marché puisque d’autres enseignes – telles Leclerc, par exemple – ont fait du "drive" le cœur de leur stratégie de croissance. En 2015, la filiale d’Auchan connaît même son premier recul et ses premiers licenciements économiques : après dix années de croissance et d’ouvertures partout en France – 12 sites en 2009, 25 en 2010, 75 en 2014 –, la chaîne décide de fermer 14 magasins "déficitaires depuis leur ouverture (…) et ne présentant pas de perspectives de rentabilité à moyen ou long terme" [1]. Ce sont 230 emplois qui se trouvent concernés sur un peu plus de 3 200.
Au sein du Groupe Mulliez, Chronodrive occupe une position singulière. Ses cofondateurs sont deux amis, Ludovic Duprez et Martin Toulemonde. Le premier fait partie de la "galaxie" Mulliez, petit-fils d’Ignace Mulliez (tout comme son cousin du même âge Vianney Mulliez, aujourd’hui PDG d’Auchan). L’entreprise "Drive" a beau être une filiale contrôlée à 95% par Auchan, elle n’en demeure pas moins entièrement autonome dans sa stratégie, s’implantant parfois sur la zone de chalandise d’hypermarchés de la marque, et ne cherchant pas à se coordonner avec Auchan Drive. Sans doute cette autonomie dérangeait-elle au sein de l’association familiale Mulliez (AFM), puisqu’en 2010, pour regrouper les deux activités de "drive" du groupe, une holding est créée, présidée d’abord par Philippe De Tavernier, puis par Bruno Terrier.
Depuis, la réussite ne semble plus tellement au rendez-vous. Non seulement, des ex-salariés évoquent la dureté des conditions de travail et du management pratiqué par l’enseigne, comme par exemple dans le n°9 de la Revue Z [2], mais aussi, le concept peine à se renouveler. Pour illustration, en 2010, était inauguré par la filiale Immochan, le premier Chronovillage de France. A deux pas de la frontière belge, sur le parking du Chronodrive d’Halluin, il s’agissait de réunir plusieurs enseignes commerciales type boulangerie Paul, caviste Nicolas, supermarché de produits frais Partisans du Goût, fleuriste, pizzeria… qui ont commencé à fermer boutique les unes après les autres dès 2011. Le porteur du projet était Jean-Philippe Grabowski, ensuite devenu directeur général de Chronodrive. A son départ, en 2014, c’est Ludovic Duprez qui a repris la direction opérationnelle de sa chaîne de magasins avec, d’après les observateurs, une nouvelle stratégie, sortir de l’expansionnisme pour négocier un virage plus gestionnaire.
[1] Communiqué de la direction de Chronodrive, novembre 2014.
[2] Naïké Desquesnes, "Je n’avais plus le droit de parler avec mes collègues, ensuite ils m’ont supprimé ma pause pipi", Revue Z, n°9, 2015.
Sources :
Depuis, le concept a fait du chemin : "Le “drive“ a révolutionné la distribution française" titrait le quotidien Les Echos en 2014. Et pour cause : quinze ans après la naissance de ce nouveau concept d’achat, on estime à 3 500 environ le nombre de magasins "drive" implantés sur le territoire français (toutes enseignes confondues), et à 3 millions le nombre de consommateurs qui ont été séduits par ce mode d’achat. Le "drive" se présente comme une autre manière de faire ses courses alimentaires : on passe une commande sur internet et on vient la chercher dans un entrepôt où des préparateurs la déposent directement dans le coffre de la voiture. L’objectif est de faire gagner du temps au client, mais aussi de régénérer un modèle de consommation de masse, l’hypermarché, certes toujours populaire, mais sans cesse soumis au danger de l’essoufflement…
Quand le Groupe Mulliez ouvre son Auchan Express, le concept n’est pas encore abouti : un entrepôt est installé sur le parking de l’hypermarché ; les clients commandent sur place à une borne (pas encore sur internet) ; les produits proposés sont surtout les gros volumes (type packs d’eau, de lait, etc.) ; le client, déjà sur place avec son véhicule, va chercher sa commande ; l’objectif est de le servir avec la plus grande rapidité. Quatre ans après cette première expérience, Chronodrive s’inspire du concept mais lui apporte des évolutions décisives : la commande se fait à présent en ligne ; les produits proposés ne se limitent plus à des marchandises "gros volumes", 7 500 références – parmi les produits les plus classiquement achetés dans les hypermarchés – sont proposées à l’achat ; surtout, le magasin est indépendant, il n’est plus adossé à un hypermarché, mais implanté à un endroit stratégique, facile d’accès, sur un grand axe de trajet domicile-travail.
Malgré l’antériorité d’Auchan Express, c’est bien Chronodrive qui est considéré aujourd’hui comme le pure player (entreprise pionnière) du secteur. En 2014, son chiffre d’affaires s’élève à 450 millions d’euros (contre 231 M€ en 2011, et 145 M€ en 2010) et le site le plus contributif est celui, désormais historique, de Marcq-en-Barœul. Chronodrive n’est plus pour autant le leader du marché puisque d’autres enseignes – telles Leclerc, par exemple – ont fait du "drive" le cœur de leur stratégie de croissance. En 2015, la filiale d’Auchan connaît même son premier recul et ses premiers licenciements économiques : après dix années de croissance et d’ouvertures partout en France – 12 sites en 2009, 25 en 2010, 75 en 2014 –, la chaîne décide de fermer 14 magasins "déficitaires depuis leur ouverture (…) et ne présentant pas de perspectives de rentabilité à moyen ou long terme" [1]. Ce sont 230 emplois qui se trouvent concernés sur un peu plus de 3 200.
Au sein du Groupe Mulliez, Chronodrive occupe une position singulière. Ses cofondateurs sont deux amis, Ludovic Duprez et Martin Toulemonde. Le premier fait partie de la "galaxie" Mulliez, petit-fils d’Ignace Mulliez (tout comme son cousin du même âge Vianney Mulliez, aujourd’hui PDG d’Auchan). L’entreprise "Drive" a beau être une filiale contrôlée à 95% par Auchan, elle n’en demeure pas moins entièrement autonome dans sa stratégie, s’implantant parfois sur la zone de chalandise d’hypermarchés de la marque, et ne cherchant pas à se coordonner avec Auchan Drive. Sans doute cette autonomie dérangeait-elle au sein de l’association familiale Mulliez (AFM), puisqu’en 2010, pour regrouper les deux activités de "drive" du groupe, une holding est créée, présidée d’abord par Philippe De Tavernier, puis par Bruno Terrier.
Depuis, la réussite ne semble plus tellement au rendez-vous. Non seulement, des ex-salariés évoquent la dureté des conditions de travail et du management pratiqué par l’enseigne, comme par exemple dans le n°9 de la Revue Z [2], mais aussi, le concept peine à se renouveler. Pour illustration, en 2010, était inauguré par la filiale Immochan, le premier Chronovillage de France. A deux pas de la frontière belge, sur le parking du Chronodrive d’Halluin, il s’agissait de réunir plusieurs enseignes commerciales type boulangerie Paul, caviste Nicolas, supermarché de produits frais Partisans du Goût, fleuriste, pizzeria… qui ont commencé à fermer boutique les unes après les autres dès 2011. Le porteur du projet était Jean-Philippe Grabowski, ensuite devenu directeur général de Chronodrive. A son départ, en 2014, c’est Ludovic Duprez qui a repris la direction opérationnelle de sa chaîne de magasins avec, d’après les observateurs, une nouvelle stratégie, sortir de l’expansionnisme pour négocier un virage plus gestionnaire.
[1] Communiqué de la direction de Chronodrive, novembre 2014.
[2] Naïké Desquesnes, "Je n’avais plus le droit de parler avec mes collègues, ensuite ils m’ont supprimé ma pause pipi", Revue Z, n°9, 2015.
Sources :
- Bertrand Gobin, Le secret des Mulliez, Editions La borne seize, 2006.
- Le blog de Bertrand Gobin : www.leblogmulliez.com
- Le blog d’Olivier Dauvers : www.olivierdauvers.fr
Fabien Eloire