Histoire de la VPC
10 avril 2002
02m 54s
Réf. 00099
Notice
Résumé :
Rubrique "Mémoire" à base d'archives consacrée à la VPC, la vente par correspondance. A l'origine elle a été créée par les filateurs afin d'écouler leurs stocks. C'est devenu une spécialité de l'économie régionale qui, au fil du temps, s'est modernisée : après s'être mise au téléphone puis au minitel, elle a adopté internet.
Type de média :
Date de diffusion :
10 avril 2002
Source :
France 3
(Collection:
Le 12/14 Nord Pas de Calais Picardie
)
Personnalité(s) :
Éclairage
Voici un récit mythifié bien ancré dans les représentations, construit et relayé à l’envi, par les grandes entreprises du secteur : celui de la naissance de la VPC à Roubaix, après la Première Guerre mondiale, lorsque la famille d’industriels Pollet, propriétaire des filatures de laine de la rue de la Redoute, doit faire face à la crise textile de l’après-guerre et cherche à écouler ses stocks de laines en faisant paraître une petite annonce dans le quotidien Le Journal de Roubaix en octobre 1922. L’annonce propose l’envoi d’échantillons et une livraison sous huit jours. Les tricoteuses de la région achètent et "Les filatures de la Redoute" se lancent, en plus de la production de laine, dans la vente à distance aux particuliers. A partir d’un premier catalogue publié en 1928, présentant une quarantaine d'articles centrés sur le tricot, qui est alors la consommation et le loisir de la bourgeoisie que les classes ouvrières et rurales cherchent à imiter, le succès sera rapide. Le catalogue grossit à 124 pages avant la Seconde Guerre mondiale et vend aux ouvrières, laines, vêtements et textiles à prix de fabrique. Après la guerre, l’essor de la VPC conduit les "Filatures des 3 Suisses" (fondées par la famille Toulemonde en 1932 à Roubaix à proximité d’un café qui porte ce surnom) à vendre ses pelotes dans un premier catalogue de 28 pages qui paraît en 1949.
Le reportage de 1999 ne manque pas de relayer ce récit. En réalité, si les catalogues et almanach se sont développés dès le XVIIe siècle, la VPC moderne est bien davantage née à Paris, au milieu du XIXe siècle, lorsque Aristide Boucicaut, fondateur du magasin populaire Le Bon Marché, éditera dès 1865 un catalogue de promotion de ses produits pour augmenter les ventes auprès des parisiennes, certes, mais aussi auprès des familles bourgeoises d’Ile-de-France, de province ou de l’étranger dont les colis sont expédiés par voie ferrée. "A la fin du XIXe, la VPC peut représenter jusqu’à 25% du chiffre d’affaires" de ces grands magasins (Desaegher, Siouffi, 1994, p.61). Il n’en demeure pas moins que les VPCistes nordistes vont industrialiser la vente à distance et répondre à l’appétence pour une consommation de masse des femmes rurales ou de milieux populaires dont l’activité professionnelle et le pouvoir d’achat est croissant. En 1967, une femme en pantalon figurera en couverture du catalogue des 3 Suisses.
Mais la vente de produits textiles produits sur place ou en France va progressivement disparaître, accompagnant la fermeture des usines, la délocalisation de la production vers les pays d’Asie, et va permettre la reconversion des capitaux des patrons du textile dans l’activité commerciale. La famille Pollet, propriétaire de La Redoute, fermera ses filatures et usines de tissage pour se centrer sur la vente par correspondance, mais vendra le groupe Redcats à la famille Pinault à la fin des années 1980, avant d’acquérir le groupe Promod, distributeur spécialisé dans… l’habillement. Autre diversification : l’offre de crédit à la consommation, apparue dans les catalogues dans les années 1970, et la création des filiales Finaref et Cofidis dans les années 1980. La Redoute et les Trois Suisses ont alors pour objectif d’augmenter le volume des ventes mais surtout d’augmenter leur profit grâce à la formule du crédit revolving (Ducourant, 2010).
En matière d’organisation du travail, la VPC portera des innovations en matière de gestion des commandes, de logistique des stocks et de fabrication des colis. En 1970, La Redoute ouvre des centres d’appels de prise de commande téléphonique et, en 1984, la société lance son service Minitel. Mais cette modalité de vente implique des délais de livraison des commandes (la fameuse formule des "48 heures chrono") qui soumettent les employés des services logistiques à une forte flexibilité.
Cela ne suffira pas à enrayer la crise due aux erreurs du passage à l’ère numérique. Malgré la mise en ligne des catalogues au cours des années 1990, les VPCistes vont persister dans la publication de deux gros catalogues annuels, ne vont pas proposer une offre spécifique sur internet, et vont se trouver déconnectés du rythme de production des collections de prêt-à-porter. Alors que l’ensemble de l’économie commerciale française s’est convertie à la vente à distance via internet, la clientèle des VPCistes nordistes vieillit et s’appauvrit, les entreprises se trouvent déficitaires et licencient, massivement depuis les années 2000 : Après la fermeture des boutiques en 2012 et la disparition du catalogue en 2014, Les 3 Suisses (aujourd’hui 3SI) continuent de licencier en 2015. La Redoute, cédée pour 1 euro symbolique par François Pinault à ses dirigeants en juin 2014, annonce en janvier 2015 la suppression de près de 1100 postes. La restructuration actuelle du secteur se fait sous la forme du plateau logistique, robotisé, minimisant le nombre de salariés, maximisant les conditions flexibles de travail : le nouveau centre logistique annoncé par La Redoute n’emploiera plus que 550 salariés. Au nom de la modernisation de l’activité à l’ère numérique, c’est bien sur une taylorisation poussée (rendements, horaires, nuit et dimanche, intérim et CDD) du travail ouvrier que se fonde la rentabilité. Parallèlement, une nouvelle recherche de profit s’annonce dans les anciens locaux de la rue Blanchemaille à Roubaix, investis par un partenariat public-privé dédié au commerce digital attirant les sociétés Showroomprivé.com ou l’hébergeur de sites internet OVH elles-mêmes rompues aux systèmes productifs mobilisant peu de main-d’œuvre.
Bibliographie :
Le reportage de 1999 ne manque pas de relayer ce récit. En réalité, si les catalogues et almanach se sont développés dès le XVIIe siècle, la VPC moderne est bien davantage née à Paris, au milieu du XIXe siècle, lorsque Aristide Boucicaut, fondateur du magasin populaire Le Bon Marché, éditera dès 1865 un catalogue de promotion de ses produits pour augmenter les ventes auprès des parisiennes, certes, mais aussi auprès des familles bourgeoises d’Ile-de-France, de province ou de l’étranger dont les colis sont expédiés par voie ferrée. "A la fin du XIXe, la VPC peut représenter jusqu’à 25% du chiffre d’affaires" de ces grands magasins (Desaegher, Siouffi, 1994, p.61). Il n’en demeure pas moins que les VPCistes nordistes vont industrialiser la vente à distance et répondre à l’appétence pour une consommation de masse des femmes rurales ou de milieux populaires dont l’activité professionnelle et le pouvoir d’achat est croissant. En 1967, une femme en pantalon figurera en couverture du catalogue des 3 Suisses.
Mais la vente de produits textiles produits sur place ou en France va progressivement disparaître, accompagnant la fermeture des usines, la délocalisation de la production vers les pays d’Asie, et va permettre la reconversion des capitaux des patrons du textile dans l’activité commerciale. La famille Pollet, propriétaire de La Redoute, fermera ses filatures et usines de tissage pour se centrer sur la vente par correspondance, mais vendra le groupe Redcats à la famille Pinault à la fin des années 1980, avant d’acquérir le groupe Promod, distributeur spécialisé dans… l’habillement. Autre diversification : l’offre de crédit à la consommation, apparue dans les catalogues dans les années 1970, et la création des filiales Finaref et Cofidis dans les années 1980. La Redoute et les Trois Suisses ont alors pour objectif d’augmenter le volume des ventes mais surtout d’augmenter leur profit grâce à la formule du crédit revolving (Ducourant, 2010).
En matière d’organisation du travail, la VPC portera des innovations en matière de gestion des commandes, de logistique des stocks et de fabrication des colis. En 1970, La Redoute ouvre des centres d’appels de prise de commande téléphonique et, en 1984, la société lance son service Minitel. Mais cette modalité de vente implique des délais de livraison des commandes (la fameuse formule des "48 heures chrono") qui soumettent les employés des services logistiques à une forte flexibilité.
Cela ne suffira pas à enrayer la crise due aux erreurs du passage à l’ère numérique. Malgré la mise en ligne des catalogues au cours des années 1990, les VPCistes vont persister dans la publication de deux gros catalogues annuels, ne vont pas proposer une offre spécifique sur internet, et vont se trouver déconnectés du rythme de production des collections de prêt-à-porter. Alors que l’ensemble de l’économie commerciale française s’est convertie à la vente à distance via internet, la clientèle des VPCistes nordistes vieillit et s’appauvrit, les entreprises se trouvent déficitaires et licencient, massivement depuis les années 2000 : Après la fermeture des boutiques en 2012 et la disparition du catalogue en 2014, Les 3 Suisses (aujourd’hui 3SI) continuent de licencier en 2015. La Redoute, cédée pour 1 euro symbolique par François Pinault à ses dirigeants en juin 2014, annonce en janvier 2015 la suppression de près de 1100 postes. La restructuration actuelle du secteur se fait sous la forme du plateau logistique, robotisé, minimisant le nombre de salariés, maximisant les conditions flexibles de travail : le nouveau centre logistique annoncé par La Redoute n’emploiera plus que 550 salariés. Au nom de la modernisation de l’activité à l’ère numérique, c’est bien sur une taylorisation poussée (rendements, horaires, nuit et dimanche, intérim et CDD) du travail ouvrier que se fonde la rentabilité. Parallèlement, une nouvelle recherche de profit s’annonce dans les anciens locaux de la rue Blanchemaille à Roubaix, investis par un partenariat public-privé dédié au commerce digital attirant les sociétés Showroomprivé.com ou l’hébergeur de sites internet OVH elles-mêmes rompues aux systèmes productifs mobilisant peu de main-d’œuvre.
Bibliographie :
- Desaeher Caroline, Siouffi Bernard, "La vente par correspondance, carrefour des évolutions sociologiques et technologiques", Economie et Humanisme, n°331,1994, p.12-19. http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/32813/C&T_1993_27_58.pdf
- Ducourant Hélène, "L'offre de crédit dans les catalogues de vente par correspondance (1974-2001). De l'outil de gestion budgétaire a l'accompagnement des ménages dans leur carrière de consommateurs.", Entreprises et histoire 2/2010 (n° 59), p. 41-56. URL : www.cairn.info/revue-entreprises-et-histoire-2010-2-page-41.htm.
- Margarito Mariagrazia, "La promotion entre description et injonction dans les catalogues de vente par correspondance.", Ela. Études de linguistique appliquée 2/2005 (numéro 138), p. 189-203 URL : www.cairn.info/revue-ela-2005-2-page-189.htm.
Cécile Vignal
Transcription
Présentateur
La rubrique mémoire de la semaine est consacrée aujourd’hui à la VPC, la Vente par Correspondance. C’est une spécialité de l’économie régionale et elle se modernise. Après s’être mise au téléphone, ça c’est il y a longtemps quand même, puis au minitel, elle a adopté Internet. Comment a évolué la VPC à travers les images de la télé régionale archivées par l’INA, Delphine Herbette.(musique)
Delphine Herbette
À l’origine, les VPCistes étaient des filateurs et leur reconversion s’est en réalité faite par la force des choses. Dans les années 20, une crise qui frappe l’Angleterre les laisse encombrés d’importants stocks de laine, ils auront alors l’idée ingénieuse de faire passer une annonce dans un journal pour les écouler. Ça marche tant et si bien qu’en 1928, les premiers catalogues naissent, la VPC était inventée.Jacqueline Grislain
On trouve dans les premiers catalogues une femme qui, petit-à-petit, se libère, qui devient active, qui conquiert son indépendance, qui commence à travailler ; avec ensuite une femme qui consommera de plus en plus.Didier Lahache
Au départ, on avait affaire à une clientèle essentiellement rurale et qui, en caricaturant un peu, faisait deux grosses commandes par an.(musique)
Jacqueline Grislain
Dans les années 60, un des phénomènes importants pour le catalogue, c’est l’arrivée d’une classe de consommateurs qui est celle des, ce qu’on a appelé les sixties, c’est-à-dire les jeunes.(musique)
Jacqueline Grislain
Et puis, à partir des années 70, on trouve ce qui est maintenant admis par tout le monde, c’est-à-dire l’apparition de, non plus un seul phénomène de mode, mais des modes diverses.Delphine Herbette
Le premier catalogue à avoir osé une femme en pantalon en couverture en 68, les 3 Suisses, vendront l’hiver prochain une maison individuelle par correspondance. C’est la première fois qu’une cliente pourra choisir les plans de sa maison en même temps que son soutien-gorge.Daniel Richard
Un des talents de la VPC, c’est faire rêver, c’est faire travailler l’imaginaire de nos clients mais d’une façon accessible. Tous nos produits sont parfaitement achetables.Guy Latourrette
L’achat des ventes par correspondance est un achat rationnel. Les gens regardent, comptent et voient ce qu’ils dépensent.Inconnue
Je vais vous demander notre numéro de cliente, s’il vous plaît, oui ?Delphine Herbette
La VPC a su offrir à ses clientes ces dernières années le temps de la réflexion mais aussi la rapidité de livraisons, on chouchoute, on écoute la clientèle. Résultat, un foyer sur deux, en France, reçoit le catalogue et dépense en moyenne 1900 Francs par an.(musique)