Présentation des sources
La source audiovisuelle est d’une richesse irremplaçable pour la compréhension du XXème siècle. La presse filmée puis la télévision se sont fait l’écho de l’évolution de notre société sur les plans politique, économique, social et culturel. Elles ont accompagné, en images et en sons, les événements majeurs de l’histoire de nos régions. L’interrogation et la mise en avant de ces sources constituent donc aujourd’hui, avec le recul, un formidable outil pédagogique au service de cette histoire.
L’étude de ces sources audiovisuelles a été tardive, tant à cause d’une certaine frilosité des historiens à explorer un nouveau média que par la difficulté d’accès à ces sources. La création du dépôt légal de l’audiovisuel, que l’Ina gère depuis 1995, favorise la consultation, par les chercheurs, des archives de la télévision et de la radio. Aujourd’hui, l’archive audiovisuelle représente donc un outil de recherche à part entière et donne lieu désormais à des études portant autant sur le fonds que sur la forme. Mais ces études évoquent le plus souvent la seule télévision nationale. L’histoire de la télévision régionale est encore peu étudiée.
Les documents proposés ici, extraits de journaux ou magazines d’information, sont issus de sources diverses provenant soit de la presse filmée, soit de la télévision publique nationale ou régionale.
Pour la période 1944-1969, ce sont les documents des Actualités françaises qui dominent. Ce fonds a été acquis par l’ORTF à la disparition de cette société en 1969. Il correspond aux actualités cinématographiques diffusées dans les cinémas à une période où la télévision, encore balbutiante, était loin de couvrir l’ensemble du territoire national. Les informations régionales constituent une infime partie du fonds, traitées le plus souvent sous la forme de très courts sujets.
Si la télévision a commencé à émettre à la fin des années 40, c’est surtout dans les années 60 qu’elle a véritablement pris son essor, remplaçant petit à petit la presse filmée. Elle devient alors une source d’information importante, un enjeu de communication majeur pour le pouvoir Gaulliste en place. C’est vrai au niveau national mais aussi à l’échelon régional : les antennes de Rennes, Nantes et Le Mans, ouvertes en 1964, sont inaugurées par le Ministre de l’Information Alain Peyrefitte. C’est le signe d’une prise en main d’un outil de communication destiné à contrebalancer le poids jugé trop important et incontrôlé de la presse quotidienne régionale. Par les informations qu’elle diffuse, la télévision sert à promouvoir l’action de l’Etat, relayée par le Préfet dans les régions.
Progressivement, dans les années 70, sous les coups de boutoirs conjugués de Mai 68, du départ de De Gaulle et de l’éclatement de l’ORTF, un changement de ton est observé dans le traitement de l’information. La télévision s’interroge alors plus ouvertement sur les questions de société, les conflits sociaux, tout en continuant à s’intéresser, surtout grâce aux stations de FR3, aux mutations économiques régionales. C’est particulièrement vrai pour l’Ouest de la France. L’image et la parole des décideurs économiques prennent alors le pas sur celles du Préfet.
Le mouvement est amplifié dans les années 80 avec le mouvement de libéralisation du paysage audiovisuel français, engagé par la Gauche en 1982 (fin du monopole d’Etat) et accentué par la Droite de retour aux affaires en 1986. TF1 est privatisé et de nouvelles chaînes de télévision émergent, désormais concurrentes du service public. L’information télévisée s’en ressent. Dès cette période, et plus encore au cours de la dernière décennie, les chaînes privilégient l’information courte en même temps qu’elles se penchent sur les précoccupations des téléspectateurs dont elles veulent être les plus proches. France 3 en fait sa marque de fabrique : un maillage de plus en plus serré de stations lui permet la pratique du décrochage, ce qui facilite la diffusion de l’information locale.
L’information filmée (cinématographique puis télévisée) a donc suivi ce demi-siècle sous l’influence conjuguée de la technique, du politique et de l’économique. Les documents que nous avons choisis pour retracer la mémoire de l’Ouest ont été réalisés dans ce contexte. Il s’agit de sujets de journaux ou d’extraits de magazines d’information qui ont rendu compte à un moment donné, dans le flux de l’actualité, des évènements de ces soixante dernières années. La lecture de ces documents peut s’avérer incompréhensible aujourd’hui pour un spectateur déconnecté de l’événement. Les notices de contextualisation, rédigées par des historiens, permettent de dépasser cette forme journalistique. Elles replacent l’événement dans son contexte, dans l’Histoire. C’est la valeur ajoutée intellectuelle de l’Ouest en Mémoire.
Jean-Paul Dibouès
Responsable documentaire, Ina Atlantique (délégation Ouest de l'Institut national de l'audiovisuel)