Le club de gymnastique la Soissonnaise
Notice
Reportage à la Soissonnaise, club de gymnastique qui a fêté ses 100 ans en 1974. Filles et garçons s'entraînent sous la direction d'Émile Gosse, responsable technique du club. C'est un des meilleurs clubs de Picardie, les filles sont arrivées en finale du championnat de France. Historique de la Soissonnaise créée en 1874 après la défaite de 1870 pour la préparation militaire. Les clubs à l'époque avaient des noms à consonance militaire.
Éclairage
La Soissonnaise fête en 1974 son centenaire. La société de gymnastique axonaise, fondée par un officier militaire et un médecin, s'inscrit à ses débuts dans le courant des sociétés conscriptives. Ces regroupements, réunis depuis 1873 au sein de l'Union des Sociétés de Gymnastique de France, s'attachent à promouvoir des exercices corporels mêlant finalités hygiéniques, sociales et patriotiques. Le pouvoir attribue en effet la défaite de 1870 à l'état physiologiquement déficient des jeunes Français en comparaison de leurs homologues allemands formés au Turnen (gymnastique nationaliste allemande). Les sociétés de gymnastique vont donc avoir pour mission de former des soldats vigoureux et de fortifier la nation. Ces structures vont se nommer, en Picardie, "la Patriote", "l'Espérance", "la Revanche", "a Vaillante" ou encore "l'Avenir".
La gymnastique se veut alors une pratique disciplinée se déroulant dans un cadre rigide et normé. Le corps statique, ordonné et mesuré, au service du collectif, est la référence incontournable: les mouvements de groupe sont préférés à l'exploit individuel, les gestes sont rationalisés en fonction de leur utilité militaire et sociale. La gymnastique est donc une morale en action: elle façonne la nation en homogénéisant les comportements. De fait, la Soissonnaise ne se contente pas de promouvoir cet exercice corporel mais initie également ses jeunes membres à la pratique de la natation (sous forme de sauvetage) et au maniement des armes. Elle multiplie par ailleurs les défilés, notamment lors des grandes fêtes patriotiques comme celle du 14 juillet. Réunissant près de 500 000 membres en France avant la Première Guerre mondiale, les sociétés de gymnastique recrutent essentiellement dans les milieux populaires et des classes moyennes; a contrario des sports venus d'Angleterre, qui sont alors l'apanage des élites sociales.
Les finalités patriotiques, incarnées par l'uniforme, le drapeau mais aussi la fanfare, perdent néanmoins de leur superbe au cours de l'entre-deux-guerres et font place à des préoccupations principalement sanitaires. Les fondements techniques et moraux de l'activité n'en sont pas pour autant atteints. Mais la véritable bascule de la gymnastique s'opère après la Seconde Guerre mondiale. Si la rectitude et les qualités de force demeurent des éléments d'appréciation importants, ces derniers doivent désormais composer avec une complexification des figures et, surtout, avec le développement des acrobaties. Les gymnastes défient en effet les lois de la pesanteur à travers des enchaînements de plus en plus aériens, dynamiques et risqués. Par ailleurs, la dimension collective, simultanée et polyvalente de la gymnastique tend à disparaître au profit d'une pratique plus individualisée et spécialisée. L'activité intègre ainsi les caractéristiques du sport compétitif. Cette situation amène, au cours des années 1970, un progressif rajeunissement de ses effectifs.