La chasse à la hutte
Notice
Nous suivons Frédéric Coupelle qui chasse à la hutte dans les marais des monts de Mareuil-Caubert. A la tombée de la nuit, il part "mettre des implants" : il attache des cannes qui, par leurs cris, attirent d'autres gibiers. Suivent des heures d'attente, allongé entre terre et eau, la carabine à la main, prêt à tirer à la première alerte. Pour passer ces nuits de guet, chaque chasseur a aménagé une hutte sur le marais, créant ainsi toute une ambiance, ce que Frédéric Coupelle appelle "le plaisir de la chasse."
- Europe > France > Picardie > Somme > Mareuil-Caubert
Éclairage
La France est, dans les années 1980, le pays d'Europe où l'activité chasse est la plus répandue (autour de 2 millions de pratiquants) même si celle-ci apparaît en déclin depuis 1975. Les titulaires d'un permis de chasse représentent alors près de 4% de la population nationale. La pratique cynégétique recouvre néanmoins des modalités très différentes. A côté des chasses traditionnelles (faisans, pigeons ramiers, lapins, grives, perdrix), certaines se distinguent par un très fort ancrage local. Si elle n'est pas exclusive, la chasse aux gibiers d'eau (colverts, canards plongeurs, sarcelles, bécassines...) est ainsi fortement prisée dans la Somme, département jalonné d'étangs, de marais et de cours d'eau et, par ailleurs, historiquement lié à l'activité chasse (le taux de pratiquants, supérieur à 5%, dépasse la moyenne nationale). Les oiseaux en voie de migration vers les territoires du sud, qui sont nombreux à faire étape dans les marais de Somme, constituent dès lors une ressource centrale, non seulement pour l'activité cynégétique mais aussi pour l'économie touristique.
Ce sont les "marins-pêcheurs-chasseurs" qui, à l'origine, pratiquaient la chasse aux gibiers d'eau à des fins alimentaires et économiques. Son existence en tant que pratique réglementée remonte à 1844. Elle n'a cessé dès lors de se développer. Ainsi, au tournant des années 2000, plus de la moitié des chasseurs du département (14 000) exercent leur activité dans les marais de Somme et plus d'un tiers d'entre eux (10 906) privilégient la chasse aux gibiers d'eau. S'ils s'intéressent aux mêmes proies, ces "sauvaginiers" n'utilisent par pour autant des moyens de chasse identiques. La forme la plus connue et la plus traditionnelle demeure la "chasse à la hutte". Se déroulant de nuit, elle consiste à tirer le gibier d'eau depuis un abri, la hutte, dont le nombre est évalué à plus de 2200 en Somme au tournant des années 2000. Seulement, cette pratique traditionnelle se révèle à la fois coûteuse en temps (notamment si le huttier a une vie de famille) et en argent (pour ceux qui ont la nécessité de louer des huttes). Aussi, certains adeptes du gibier d'eau préfèrent chasser "à la botte" (prospecter de jour les marais) voire "au hutteau" (aménager des abris provisoires à l'aide de toiles ou de boîtes à roulettes) en Baie de Somme. Ces chasses, qui nécessitent d'approcher au plus près les oiseaux, s'avèrent à la fois plus physiques et plus difficiles car le gibier peut facilement percevoir le guetteur.
Pourtant, quelle que soit la technique privilégiée, la chasse aux gibiers d'eau constitue un marqueur fort de la culture locale, ce dont rendent compte les chasseurs à la hutte (aperçus dans le reportage) qui pratiquent leur activité dans la zone des marais et monts de Mareuil-Caubert (située au sud d'Abbeville, elle est classée "Natura 2000" depuis 2008). L'apprentissage se fait par l'intermédiaire de proches ou d'anciens huttiers, qui initient le jeune chasseur au savoir-faire traditionnel: sélectionner les "implants"et les placer correctement, connaître les conditions météorologiques les plus favorables et les meilleures périodes de chasse, intégrer les périodes d'attente et d'observation. Cette forme de transmission permet ainsi de conserver un patrimoine, et donc de valoriser un ensemble d'usages cynégétiques propres au territoire samarien.