Couverture Maladie Universelle : refus de soins par des médecins

27 février 2009
04m 01s
Réf. 00105

Notice

Résumé :

Les professionnels de santé ont une contrainte forte vis-à-vis des bénéficiaires de la CMU, celle de pratiquer strictement le tarif opposable de la Sécurité sociale. Si la majorité des médecins ou des dentistes respectent cette règle, un quart d'entre eux refuse de recevoir les Cmuistes, et ce en violation avec le code de déontologie et le code de la santé publique.

Type de média :
Date de diffusion :
27 février 2009
Source :
FR3 (Collection: Le Pari(s) de )
Thèmes :

Éclairage

La loi du 27 juillet 1999 est maintenant reconnue comme faisant partie des très grandes lois sociales. Ce ne fut pas le cas au cours de ses premières années d'existence. En effet cette loi qui a créé la Couverture Maladie Universelle Complémentaire (CMU-C) (voir La création de la CMU) a fait l'objet non seulement de critiques mais aussi d'une franche hostilité de la part de certains acteurs.

Le principe fondateur de la CMU-C est d'offrir une complémentaire santé aux plus démunis. Offrir car elle est gratuite. Elle concerne les plus démunis, car elle est sous plafond de ressources. Ce plafond de ressources a, dès l'origine, été fixé très bas, c'est-à-dire à près de 20 % en-dessous du seuil de pauvreté. Les ressources sont celles des douze mois civils précédant la demande, de façon à coller au plus près de la situation des assurés.

En aucun cas, il ne s'est agi de faire une médecine de pauvre. Le fondement même de la loi est que le bénéficiaire de la CMU-C - le Cmuiste - doit pouvoir avoir accès à tous les services de santé dans les mêmes conditions que n'importe quel assuré social. Pour arriver à atteindre cet objectif la CMU-C a défini un panier de soins, de telle sorte que le Cmuiste n'ait strictement rien à débourser.

Dès lors le mécanisme a introduit des contraintes très fortes sur les professionnels de santé.

Pour le médecin de secteur II, il est tenu d'appliquer les tarifs conventionnels du secteur I.

S'agissant des lunettes ou des prothèses dentaires, des arrêtés ont fixé des valeurs spécifiques que les opticiens et les dentistes ont été obligés de respecter.

Dans ces conditions, des médecins du secteur II et des dentistes ont fait preuve d'une certaine réticence à recevoir des Cmuistes.

On aurait pu croire que les choses étaient rentrées dans l'ordre, jusqu'en 2006, où des associations de consommateurs ont fait apparaître, sur la base de testings, que des médecins et des dentistes pratiquaient ce que l'on appelle des « refus de soins ».

Un « refus de soins » se caractérise de la façon suivante : lorsqu'un assuré téléphone à un professionnel de santé pour prendre rendez-vous, s'il ne dit rien il obtient ce rendez-vous, s'il annonce qu'il bénéficie de la CMU-C, le praticien refuse de le prendre.

Interrogés par le Fonds CMU, les ordres professionnels et les organismes de sécurité sociale ont indiqué qu'ils ne voyaient que moins de 10 cas par an. Le fonds CMU décida de faire son propre testing. Le résultat fut sans ambiguïté, avec 25 % de refus observés.

Un rapport fut remis au Ministre, des textes réglementaires furent pris. La condamnation des ordres et syndicats professionnels fut ferme. On est effectivement face à une pratique contraire au code de déontologie, au code de la santé publique et au code la concurrence.

Malgré tout cela, force est de constater que ces pratiques perdurent.

Jean-François Chadelat

Transcription

(Silence)
Présentateur
Alors Marlène ce dossier du jour, il est consacré à la Couverture Maladie Universelle, la CMU, qui permet à 740 000 personnes d'Ile-de-France, non couvertes par la Sécurité sociale, de bénéficier d'une assurance maladie de base. L'accès aux soins n'est cependant pas toujours équitable. C'est vrai pour les dentistes et pour les spécialistes qui pratiquent des honoraires libres. Une enquête menée dans le Val-de-Marne montre que le taux de refus peut atteindre jusqu'à 40%. Personne jusqu'à aujourd'hui n'a osé sanctionner ces praticiens mais cela pourrait changer. Virginie Delahautemaison, avec Frédéric Bobin.
Journaliste
Dans ce cabinet médical de La Courneuve, en Seine-Saint-Denis, huit patients sur dix bénéficient de la CMU-Complémentaire, c'est-à-dire que leurs revenus ne dépassent pas 620 euros par mois pour une personne. Khadra a 28 ans, elle élève seule son enfant, elle a la CMU depuis plusieurs années.
Khadra
Tous les ans, on doit re-remplir pour voir si on a travaillé entre temps ou pas, et on est obligé de refaire un dossier tous les ans, en fait.
Journaliste
Les patients qui bénéficient de la CMU ne payent pas la consultation. C'est l'Assurance maladie qui règle le médecin, plus ou moins vite.
Khalid Ibouhsissen
Avec la carte Vitale, on est relativement assez rapidement réglés, maintenant c'est vrai qu'on n'a pas le temps de vérifier toutes les, tous les remboursements. Mais si les gens ils n'ont pas leur carte Vitale, alors là si on fait des feuilles de soin, les remboursements sont très très retardés.
(Bruit)
Journaliste
L'accès aux soins se complique parfois lorsqu'il s'agit d'envoyer les patients chez des spécialistes. Alors, comme beaucoup de ses confrères, le docteur Ibouhsissen s'est constitué un réseau de praticiens qui accepteront sans problème les "CMU".
Khalid Ibouhsissen
Moi, les correspondants que je connais très bien, je sais qu'ils prennent aussi le Tiers-payant. Et puis dans le 93, en général, ils ont intérêt quand même à travailler comme ça, parce que sinon ça serait très difficile.
Journaliste
En théorie, aucun médecin ni spécialiste n'a le droit de refuser les patients en CMU. C'est une obligation, quand même, d'accepter les gens qui ont la CMU. En fait ils n'ont pas le choix.
Khadra
Ah, c'est une obligation ?
Journaliste
Oui.
Khadra
Ah ben après... C'est... C'est en fonction de leur conscience, quoi. Après c'est... Nous on peut pas les forcer, en tout cas.
Journaliste
Le refus de soins aux CMU, c'est pourtant une réalité, confirmée par la méthode du "testing" téléphonique, que plusieurs organisme comme Que Choisir ? ou Médecins du monde ont réalisée.
Intervenante
Non, je suis sous CMU. Ah bon ! C'est pas possible avant 3 mois, même pour une urgence ?
Journaliste
En 2006, c'est l'Etat lui-même, via le Fonds-CMU, qui commande une étude sur le Val-de-Marne, dont les résultats vont faire grand bruit.
Jean-François Chadelat
Alors ce problème des refus de soins, on l'a vu apparaître dans les chiffres du testing, qui n'ont pas une valeur nationale au plan statistique, mais qui étaient significatifs au plan local sur le Val-de-Marne, avec un taux de refus de soins qui était de 40% chez les médecins spécialistes du secteur II, et chez les dentistes. Par contre, chez les généralistes du secteur II, on était à 16%, et quant aux généralistes du secteur I, il y avait 1% de refus de soins, enfin c'était inexistant.
Journaliste
Dans la foulée du rapport Chadelat, la Halde est saisie, et les défaillances du Conseil de l'Ordre sont dénoncées. En particulier par un collectif de médecins qui militent pour l'accès aux soins.
Jean-Pierre Geeraert
Donc il y a eu beaucoup de déclarations. Euh... Le problème de l'Ordre des médecins, bon, il n'a pas été extrêmement performant sur le sujet actuellement, il a fait un certain nombre de, quelques déclarations, avec des choses quand même qui sont à la fois un rappel aux médecins de leurs obligations déontologiques d'accepter tous les patients, et aussi tout un discours qui est repris sur le fait que les gens à la CMU sont des gens pas forcément faciles, bon, très stigmatisant.
Journaliste
Et c'est finalement la loi Bachelot sur la réforme de l'hôpital qui prévoit pour la première fois des sanctions financières à l'encontre des praticiens qui refuseraient les bénéficiaires de la CMU.