Cultures sportives et territoires du sport

Cultures sportives et territoires du sport

Par Stéphane Mourlane et Stéphane KronenbergerPublication : 2021

# Présentation

Marins, commerçants ou encore riches touristes ont, dès le XIXe siècle, diffusé en Provence des pratiques sportives en vogue en Angleterre. À partir des ports et des lieux de villégiature, les sports anglais pénètrent dans l'ensemble de la région et prennent progressivement le pas sur les jeux traditionnels, moins règlementés, et sur la gymnastique, moins ludique. Dans cette région de carrefour, marqué sur la longue durée par un fort brassage culturel, le sport est par ailleurs souvent présenté, non sans raison, comme un fort vecteur d’intégration sociale, en particulier pour les populations issues de l’immigration. Enfin la position géographique privilégiée de la région et sa topographie ont donné naissance à une culture sportive spécifique. Le milieu naturel et le climat sont en effet propices à l’essor d’activités de plein air permettant de s’approprier de multiples façons un territoire s’étendant, dans toute sa diversité, entre mer et montagne. 

     

# Terroirs sportifs

La Provence s'inscrit dans la géopolitique sportive comme un espace développant des pratiques spécifiques. La pétanque fournit l'un des meilleurs exemples d'identification entre pratique sportive et territoire. Le jeu de boule est ancien. Le jeu "provençal" par excellence est et reste "la longue", mais, en 1907, à La Ciotat, on joue pour la première fois les pieds joints fixés sur le sol. On parle alors en provençal de pè tanca pour désigner cette nouvelle forme de jeu qui en français est appelé "pieds tanqués" ou plus largement "pétanque". Le développement du tourisme estival et balnéaire dans les régions du Midi contribue à étendre, par la suite, la pratique de la pétanque à tout l'Hexagone.

Chaque année depuis 1962 se déroule à Marseille au parc Borély et sur des terrains disséminés dans la ville le Mondial La Marseillaise à pétanque créé à l’initiative du quotidien régional éponyme. Il est aujourd’hui devenu le plus grand concours international de pétanque, réunissant plus de 10 000 joueurs en triplette de tous niveaux, admirés par des dizaines de milliers de spectateurs et encore davantage de téléspectateurs notamment à l’occasion des parties finales disputées successivement dans des lieux emblématiques de la cité phocéenne comme le Stade Vélodrome, le Vieux-Port ou depuis 2017 le parvis du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MUCEM). Cette médiatisation a fait émerger quelques stars, telles le champion du monde, champion d’Europe et multiple champion de France Jean-Marc (dit « Marco ») Foyot qui avec six victoires de 1974 à 2002 (dont trois consécutives en 1974, 1975 et 1976) cherche toujours à égaler les sept succès du Marseillais Albert Pisapia entre 1964 et 1990. 

Combats sur l’eau entre deux personnes se trouvant sur une barque en haut d’un plateau avec pour but de faire tomber l’adversaire à l’aide d’une lance, les joutes nautiques sont un autre jeu traditionnel fortement ancré dans la culture provençale. Elles sont organisées dans le Vieux-Port de Marseille depuis le XVIIIe siècle souvent lors de fêtes données en l’honneur d’hôtes prestigieux. Moins ancien, puisque ayant pris son essor dans les ruelles du Vieux-Nice à la fin des années 1940, le pilou est désormais fortement ancré dans la culture niçoise. C’est un jeu consistant à jongler avec toutes les parties du corps, sauf les mains, à l’aide non d’un ballon comme au football mais de vieilles pièces de 25 centimes trouées, démonétisées au cours de la Seconde Guerre mondiale, dans laquelle on coince un bout de tissu, de papier ou de plastique. Le terrain se présente sous la forme de deux cercles placés de part et d’autre d’une ligne et les joueurs doivent faire tomber le pilou dans le cercle de l’adversaire. Ce jeu, pratiqué dans les quartiers niçois et certains villages de l’arrière-pays, dispose depuis 1988 d’un championnat du monde organisé chaque année à Coaraze, dans la vallée du Paillon. Héritière du jeu de paume, la pelote provençale est pratiquée de la fin du XVIIIe siècle aux années 1920 dans la région à main nue par le peuple, notamment lors de fêtes villageoises, en lançant des balles en cuir contre un mur. Un fronton moderne est construit en 1878 au hameau du Plan de Grasse dans les Alpes-Maritimes et d’autres voient aussi le jour à Châteauneuf-de-Grasse, à Tourrettes-sur-Loup, à La Colle-sur-Loup, à Mougins, ou à Villeneuve-Loubet. C’est toujours en Pays grassois que la pelote subsiste aujourd’hui mais plus sans sa forme provençale. Depuis les années 1980, la pelote est en effet uniquement pratiquée avec gants, balle en caoutchouc et raquette en bois comme au Pays basque. Un trinquet, salle quadrangulaire servant à jouer à la pelote basque, a été inauguré, en 1989, au Plan de Grasse. Cet équipement d’ampleur contribue à assurer la pérennité de ce sport en donnant aux jeunes l’envie de s’y initier.   

Autre héritier du jeu de paume, le tennis est certes un jeu né dans la seconde moitié du XIXe siècle en Angleterre, mais il est très rapidement pratiqué par les hivernants britanniques ou d’autres nationalités dans les résidences privées et hôtels de la Côte d’Azur. À Cannes, le promoteur immobilier Sir Thomas Robinson Woolfield installe, dès la fin des années 1870, le premier court de tennis de France à la villa Victoria pour attirer et séduire une clientèle fortunée à laquelle il escompte vendre des biens. Les hôtels voient aussi tout le profit qu’ils peuvent tirer de la mise en place de courts de tennis, qui servent rapidement, entre décembre et avril, à l’organisation de tournois, donnant naissance à un véritable circuit hivernal de la Côte d’Azur. Le précurseur, l’hôtel Beau Site de Cannes, accueille les frères William et Ernest Renshaw, qui dominent Wimbledon dans la décennie 1880. Devant l’impossibilité d’utiliser, comme en Angleterre, le gazon, ces derniers donnent naissance à la terre battue en faisant amener de la cité potière voisine de Vallauris une poudre obtenue après broyage des céramiques défectueuses. À Nice des hivernants anglais fondent en 1890 le Nice Lawn Tennis Club qui s’installe quelques années plus tard dans le quartier du Parc Impérial. Il compte parmi ses membres l’imbattable joueuse française Suzanne Lenglen championne olympique à Anvers en 1920, sextuple vainqueur à Wimbledon, entre 1919 et 1925, et double vainqueur à Rolland Garros en 1925 et 1926. Le 16 février 1926, Suzanne Lenglen dispute victorieusement à Cannes ce que la presse qualifie de « match du siècle » contre la star montante américaine Helen Wills en finale du tournoi du Carlton. Dans les années 1970, le Nice Lawn Tennis Club compte dans ses rangs un autre futur vainqueur de Rolland Garros (en 1983), en la personne de Yannick Noah élève au lycée du Parc Impérial. En 1928 voit enfin le jour sur la Côte d’Azur un autre haut-lieu de la compétition tennistique, le Monte Carlo Country Club, implanté sur la commune française de Roquebrune-Cap-Martin en raison du manque d’espace disponible dans la Principauté, et servant encore aujourd’hui d’écrin au plus grand tournoi disputé dans la région.    

# Cosmopolitisme sportif

Quelle que soit véritablement la réalité du phénomène, le sport est quasi-unanimement considéré comme un puissant vecteur d'intégration pour les populations immigrées. La figure du champion issu de l'immigration a souvent valeur de démonstration. L'histoire des champions de la région recoupe, à bien des égards, celle des mouvements migratoires successifs. Ainsi, parmi les exemples les plus connus, le cycliste italo-niçois Alfredo Binda, dans les années 1920-1930 et le footballeur algéro-marseillais Zinedine Zidane, dans les années 1990, donnent à voir les deux principaux courants migratoires qui ont enrichi la population provençale.

Certes Binda fait le choix du retour au pays au faîte de sa gloire, mais le cas demeure exceptionnel. Le cas de Zidane est plus significatif, à la fois du sens donné à la pratique sportive dans le processus migratoire et de la représentation cosmopolite de la cité phocéenne, notamment relayée par la télévision. Après les flambées racistes des années 1970 et 1980, il témoigne, en outre, de la richesse que procure la diversité culturelle. Pour autant, le joueur s'exprime peu sur sa double identité et ne s'érige pas en porte-étendard de la "génération beur". En revanche, il n'a de cesse de souligner les liens très forts qui l'unissent à sa ville et à son quartier de la Castellane. 

Dès l’entre-deux-guerres l’international français d’origine marocaine Larbi Ben Barek, évoluant à l’Olympique de Marseille de 1938 à 1939 (puis de 1953 à 1955) apparaît comme le symbole d’une ville de plus en plus cosmopolite et ouverte aux flux en provenance de l’autre rive de la Méditerranée. 

Au sein du football amateur, les vagues migratoires successives ont pour conséquence la fondation de différents clubs sportifs communautaires dans la région, suisses et italiens au XIXe siècle, arméniens dans l’entre-deux-guerres ou maghrébins après le second conflit mondial. La formation d’un club valorise certes les origines de ses membres, mais favorise aussi leur intégration par la participation aux compétitions locales.     

# Entre mer et montagne

Certains territoires, en fonction de leur topographie, produisent des cultures sportives spécifiques. La Provence, entre mer et montagne, en fournit de belles illustrations. Elle a attiré, dès le XIXe siècle, les adeptes des bains de mer puis, à partir des années 1960-1970, les adeptes, toujours plus nombreux, des sports de nature ou d'évasion. Révélatrices d'une évolution profonde des mentalités tournées vers l'individualisme et l'hédonisme, ces pratiques sportives ont trouvé à la surface et dans les profondeurs de la Méditerranée ou au sommet des Alpes, des terrains d'expression propices. Elles ont très largement contribué à l'essor touristique de la région.

L'ensoleillement, une mer moins capricieuse que l'océan, un littoral le plus souvent accessible, sont autant d'éléments qui ont ainsi favorisé le développement des activités nautiques. Jusqu’au début du XVIIIe siècle la mer est considérée comme un espace peu hospitalier, qui est avant tout le lieu de travail des pêcheurs. Puis au sein de l’aristocratie et de la bourgeoise anglaises et européennes s’exprime un désir de rivage à l’occasion de séjours hivernaux thérapeutiques et récréatifs conseillés par les médecins. Après la côte sud de l’Angleterre et le littoral ouest de la France, la façade méditerranéenne est touchée par la vogue de ces bains de mer à Hyères puis à Nice sous l’influence du médecin écossais Tobias Smollett. Des établissements spécialisés ouvrent au XIXe siècle sur le littoral comme à Marseille le long de la Corniche avec les bains du Roucas-Blanc ou des Catalans.  

À la fin du XIXe siècle, les touristes fortunés aiment aussi à pratiquer le yachting, c'est-à-dire la voile de plaisance. Sur des embarcations qui allient confort et rapidité, on goûte les sorties en mer d'agréments et conformément à une certaine tradition aristocratique, on se plaît à se lancer des défis. La rade de Marseille sert, en 1846, à une première régate de voile, alors que l’Union nautique de Marseille et la Société nautique de Marseille naissent respectivement en 1882 et 1887. Sur la Côte d’Azur voit le jour, en 1859, la Société des régates de Cannes. Construit sur la Croisette en 1864, sous la forme d’une villa à l’italienne, à l’initiative du duc de Vallombrosa, le Cercle nautique sert bientôt d’écrin à ce club très fermé destiné à favoriser le yachting. L’année précédente le duc de Vallombrosa a organisé les premières régates de Méditerranée entre grands voiliers. À partir de 1929 sont organisées à Cannes des Régates royales auxquelles participe notamment, avec un certain succès, le roi de Danemark Christian X. Une autre participante à ces Régates royales de 1929, Virginie Hériot a marqué l’histoire de son sport en décrochant, avec ses cinq coéquipiers masculins, le titre olympique à Amsterdam en 1928. Une stèle à son effigie érigée en 1936 par le Yacht Club de France lui rend hommage à Cannes. Ne parvenant pas à reprendre leur souffle après la Seconde Guerre mondiales les Régates royales de Cannes tombent progressivement dans l’oubli, mais renaissent en 1978 dans cette rade d’exception et leur succès ne s’est pas démenti. La Nioulargue, semaine de régates, créée en 1981, et devenue en 1999 Les Voiles de Saint-Tropez, s'inscrit dans la même tradition. Chaque année s'affrontent plusieurs catégories de voiliers. Ce mélange entre une flotte de bateaux modernes et une flotte de voiliers de tradition constitue l'une des spécificités de la compétition.

Les skippers doivent partager les plans d'eau avec d'autres types d'embarcations très en vogue : la planche à voile, le ski nautique et plus récemment encore le jet-ski, le funboard ou le kitesurf. Ces pratiques, qualifiées par les sociologues de "sports californiens", sont instrumentées, récentes, technologiques, investissant des espaces libres et permettant aux pratiquants d'éprouver des sensations nouvelles, dites extrêmes. Parmi ces activités "naturocentrées , hedonistes et égocentrées", pour reprendre les formules de Georges Vigarello, figure aussi la plongée sous-marine sous ses différentes formes.

C'est à Marseille, dans les années 1940, que Jacques-Yves Cousteau expérimente pour la première fois le scaphandre autonome permettant aux plongeurs d'explorer les fonds du littoral méditerranéen. La plongée en apnée conserve néanmoins de nombreux adeptes. La chasse sous-marine, pratiquée obligatoirement en apnée, est une pratique ancienne qui se développe comme une activité de loisirs mais aussi de compétition. Dans les années 1980, la plongée en apnée prend la forme d'un sport extrême avec la course au record de profondeur. Face aux dangers de cette pratique qui suscite de plus en plus d'engouement auprès d'une génération marquée par le film de Luc Besson Le Grand Bleu, sorti en 1988 et mettant en scène la rivalité entre les deux apnéistes Jacques Mayol et Enzo Maiorca, des centres spécialisés ouvrent leurs portes afin d'assurer la formation. Dans la rade de Villefranche-sur-Mer, autour de formateurs de l'Université de Nice, comme Claude Chapuis, se met en place l'une de ces structures dont sont issus Loïc Leferme, plusieurs fois détenteur du record du monde de profondeur avant de disparaître lors d'un entraînement en avril 2007, ou Guillaume Néry ayant battu à plusieurs reprises le record du monde d’apnée en poids constant, et qui arrête la compétition en 2015 à la suite d’un incident qui aurait pu lui coûter la vie. Il en est de même pour le Monégasque Pierre Frolla, plusieurs fois recordman du monde en apnée en immersion libre et en poids variable, ou de la Niçoise Aurore Asso vice-championne du monde par équipe, en 2012, d’apnée en poids constant.     

Les épreuves de natation sportive voient le jour à la fin du XIXe siècle et se déroulent à l’origine en mer. La natation a également donné à la région de nombreux champions. C’est un natif de La Ciotat, ayant grandi à Toulouse, Jean Boiteux, qui remporte sur 400 m nage libre, en 1952 aux Jeux olympiques d’Helsinki, la première, et pendant longtemps la seule, médaille d’or française en natation (la seconde est remportée par Laure Manaudou en 2004 à Athènes). Le troisième champion olympique, sacré sur 100 m nage libre en 2008 à Pékin, est Alain Bernard licencié au Cercle des Nageurs d’Antibes, qui fut aussi auparavant celui de Franck Esposito quadruple champion d’Europe et médaillé de bronze en 1992 à Barcelone sur 200 m papillon. En 2012 à Londres c’est la regrettée nageuse niçoise Camille Muffat, qui obtient trois médailles olympiques, dont l’or sur 400 m nage libre, avant de disparaître tragiquement trois ans plus tard dans un accident d’hélicoptère. Au cours de la même olympiade Florent Manaudou remporte lui aussi l’or sur 50 m nage libre. Il est alors sociétaire du Cercle des Nageurs de Marseille (CNM), véritable institution de la cité phocéenne fondée en 1921. Le CNM est aussi le club d’Alain Mosconi, médaillé d’argent aux Jeux olympiques de Mexico en 1968 et plus récemment de Fabien Gilot, Camille Lacourt, Frédérick Bousquet ou William Meynard.    

Les sports extrêmes ou d'évasion se développent aussi dans l'arrière-pays provençal où le relief escarpé offre toutes sortes de terrains de jeu. En été, randonnée pédestre, trail, escalade, canyoning, canoë, kayak, vélo tout terrain (VTT) ou sauts en parapente sont d’autres façons de s’approprier le territoire. 

Dès 1897 voit le jour l’Association pour l’essor provençal renommée par la suite Société des excursionnistes marseillais, dont les membres issus de la petite bourgeoisie citadine explorent les massifs des Bouches-du-Rhône. Cet engouement pour la randonnée s’est ensuite largement démocratisé et ses adeptes bénéficient aujourd’hui dans la région de milliers de kilomètres de sentiers balisés de difficultés et de situations très variées. Le sentier Martel suivant les gorges du Verdon sur une quinzaine de kilomètres a peu de choses en commun avec le GR 2013, né à l’occasion de Marseille Provence 2013 Capitale européenne de la culture et ayant l’originalité d’avoir été tracé au sein même de l’agglomération marseillaise. La randonnée pédestre d’aventure ou trek connaît parallèlement un développement significatif.     

À partir des années 1970, l’essor du footing, pratique d’origine américaine, a entraîné une massification de la course à pied. Contrairement à l’athlète présent sur la piste pour battre des records, le joggeur court hors des stades dans une optique de santé et de bien-être sans toutefois que la notion de défi personnel ne soit totalement absente. Cette évolution majeure est à la base du succès rencontré chaque année depuis 1979 par une course comme Marseille-Cassis. La pratique du marathon s’est également largement démocratisée et celui des Alpes-Maritimes entre Nice et Cannes attire chaque année de plus en plus de concurrents. Depuis le début des années 2000 s’est fortement développée la course à pied dans la nature sur longue distance avec dénivelé positif, désignée sous le vocable de trail voire d’ultra-trail. La moyenne montagne avec ses montées et descentes incessantes est le terrain d’expression privilégié des adeptes du trail qui partent volontiers à l’assaut du Mercantour, de l’Estérel, de la Sainte-Baume, du Ventoux ou d’autres massifs de la région. La beauté et la diversité des paysages du littoral provençal constituent un autre atout de poids pour l’organisation de ce type de course. 

Les massifs de la région servent aussi de manière croissante, à partir des années 1980, à la pratique de l’escalade, activité de plein air d’abord popularisée aux États-Unis. Les grimpeurs trouvent dans les calanques, entre Marseille et Cassis, un terrain de jeu presque inépuisable et il en est de même au Baou de Saint-Jeannet dans les Alpes-Maritimes ou dans les gorges du Verdon. Ces très escarpées gorges du Verdon sont aussi un des haut-lieux français et européens du canyoning, sport consistant à descendre le lit d’une rivière étroite en marchant, en glissant voire en sautant ou en utilisant des cordes pour descendre en rappel ou faire office de tyrolienne.  De nombreuses via ferrata à vocation touristique et de loisirs ont de plus été aménagées sur les parois rocheuses de la région pour une pratique en toute sécurité des joies de la verticalité. 

En région Sud-Provence-Alpes-Côte d’Azur le canoë-kayak, et plus généralement l’ensemble des sports pratiqués en propulsant une embarcation ou une planche à l’aide de pagaies, se pratiquent dès le plus jeune âge sous forme de loisirs dans les nombreuses rivières ou en mer. La jeune Émilie Fer, licenciée à La Colle-sur-Loup dans les Alpes-Maritimes, a remporté la médaille d’or en kayak slalom aux Jeux olympiques de Londres en 2012 avant de devenir championne du monde l’année suivante.   

Les hauteurs de la région sont des lieux de départ idéals pour entreprendre un saut en parapente permettant d’admirer du ciel les très beaux paysages de la région. La région et son relief accidenté sont aussi devenus depuis plusieurs décennies le paradis des amoureux du vélo tout terrain (VTT), activité d’origine américaine appelée outre-Atlantique mountain-bike (vélo de montagne). La pratique de loisirs ou la forme plus compétitive de ce sport (cross-country, descente, enduro, freeride ou trial) participe à promouvoir des destinations touristiques montagnardes en recherche de diversification et de valorisation de la saison estivale. Dans les Préalpes de Digne-les-Bains les terres noires constituent un spot de choix pour les riders, tout comme en Vaucluse les pentes du Mont Ventoux, alors que la station de Vars dans les Hautes-Alpes propose à la belle saison plus de cent kilomètres de pistes pour tous les niveaux. À l’inverse la Transvésubienne ou TransV, reliant sur 75 km la Haute-Vésubie à Nice, est une des épreuves de  crosscountry marathon parmi les plus éprouvantes au monde. Les champions et les amateurs se côtoient en outre chaque année dans le Var à Fréjus et ses alentours au Roc d’Azur, considéré comme la plus grande manifestation mondiale consacrée au VTT, combinant épreuves sportives dans les Maures ou l’Estérel et salon professionnel. Lancé en 1984 à Ramatuelle, dans le golfe de Saint-Tropez, le Roc d’Azur est aujourd’hui, comme le Tour de France, organisé par Amaury Sport Organisation (ASO) et rassemble près de 20 000 passionnés, qui se transforment ensuite en autant d’ambassadeurs de la région. 

L'hiver, l'enneigement des sommets alpins permet la pratique du ski. Parmi les initiateurs, se trouve le chevalier Victor de Cessole, issu d'une vieille famille de la noblesse niçoise qui, dès la fin du XIXe siècle, se lance à la conquête des sommets des Alpes-Maritimes. Il lance le ski dans la région de Nice en organisant, à Peira Cava, le premier concours avec les chasseurs alpins, avant d'inaugurer les premières compétitions de descente et de saut à Beuil les Launes, avec le Ski Club des Alpes-Maritimes. Au même moment, autour de Briançon, toujours avec les chasseurs alpins et les passionnés d'alpinisme, des initiatives comparables sont organisées. C'est là, à Montgenèvre, que se tient, en février 1907, le premier concours international de ski à l'initiative du Club alpin français (CAF). Les premières stations de ski apparaissent dans l’entre-deux-guerres sur l’alpage de certains villages de fond de vallée.  Dans les Alpes-Maritimes, la station d’Auron créée en 1937 au cœur du massif du Mercantour  à 1 600 m d’altitude est l’alpage de la commune de Saint-Etienne-de-Tinée. Les promoteurs de ces stations, où peut se pratiquer le ski alpin, sont les habitants qui construisent les hébergements et infrastructures nécessaires. Mais c'est dans les années 1960 que la pratique du ski se démocratise et que se structurent de véritables stations modernes de sports d'hiver en particulier dans les Hautes-Alpes avec la naissance de Vars ou d’Orcières Merlette. Des villages des Hautes et Basses Alpes prennent un nouveau visage pour devenir des lieux de villégiature.  

Peu après, apparaissent, dans une volonté d’aménagement du territoire piloté par la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR), les stations-intégrées, issues à partir 1964 de plans neiges gouvernementaux successifs. Les meilleurs exemples dans la région sont fournis par Isola 2000 dans les Alpes-Maritimes et SuperDévoluy ou les Orres dans les Hautes-Alpes. Cela a créé des emplois et profondément modifié une économie montagnarde de plus en tertiarisée. À la suite de la promulgation en 1985 de la « loi Montagne » une gestion plus durable de cet espace est toutefois promue entre poursuite du développement et protection de l’environnement, tout en ayant la préoccupation d’impliquer encore davantage les collectivités territoriales. Ce n’est plus le temps de la construction mais des stations-villages, nées du regroupement de plusieurs stations d’une même zone désireuses de gérer en commun leurs hébergements et leurs activités. La région Sud-Provence-Alpes Côte d’Azur dispose de 2 500 km de pistes de ski alpin et plus de 1 000 km de pistes de ski de fond. Parmi la soixantaine de stations de ski existantes certaines ont été interconnectées pour former de plus grands domaines skiables, tels que la Voie lactée à la dimension franco-italienne autour de Montgenèvre, l’Espace Lumière composé de Pra Loup et du Val d’Allos, Serre Chevalier Vallée ou la Forêt blanche unissant les stations de Vars et Risoul.  

# Pour continuer à progresser avec les champions du territoire

# Bibliographie

  • Alain Cabantous, Jean-Luc Chappey, Renaud. Morieux, Nathalie Richard & François. Walter (Eds.), Mer et Montagne dans la culture européenne (XVI -XIXe siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011.
  • Patrick Clastres, Paul Dietschy (dir), Paume et tennis en France : XVe-XXe siècle, Paris, Nouveau Monde Éditions, 2009.
  • Stanislas Frankiel, Le football des immigrés : France Algérie, l'histoire en partage , Presses universitaires de l’Artois, 2021.
  • Rémy Knafou, Les stations intégrées de sport d'hiver des Alpes françaises : l'aménagement de la montagne à la " française ", Paris, Masson, 1978.
  • Alain Loret, Génération glisse: dans l’eau, l’air, la neige : la révolution du sport des « années fun », Paris, Autrement, 1995.
  • Christian Pociello, Les cultures sportives, Paris, Presses universitaires de France, 1995.