Isabelle Huppert dans Orlando, de Virginia Woolf

26 septembre 1993
02m 47s
Réf. 00013

Notice

Résumé :

En 1993, Bob Wilson adapte et met en scène Orlando, un roman de Virginia Woolf, dont Isabelle Huppert interprète le personnage éponyme. Représenté dans le cadre du Festival d'Automne à l'Odéon-Théâtre de l'Europe, le spectacle a pour point de départ l'histoire d'Orlando, jeune courtisan qui un jour se réveilla femme. Extraits du spectacle, interviews de Bob Wilson et d'Isabelle Huppert.

Date de diffusion :
26 septembre 1993
Source :
A2 (Collection: JA2 20H )
Fiche CNT :

Éclairage

En 1993, Robert Wilson adapte et met en scène le roman de Virginia Woolf (1882-1941) intitulé Orlando, dont Isabelle Huppert interprète le personnage éponyme. Le spectacle, créé au Théâtre Vidy-Lausanne, est repris dans le cadre du Festival d'Automne à l'Odéon-Théâtre de l'Europe. Une précédente version du spectacle avait été proposée à Berlin en 1989 avec Jutta Lampe dans le rôle-titre. En 1992, Robert Wilson avait participé au Festival d'Automne en mettant en scène, au Théâtre de Gennevilliers, Doctor Faustus lights the lights de Gertrude Stein.

Ecrit en 1928, Orlando prend la forme d'une biographie fantastique. Le personnage d'Orlando, inspiré de la poétesse Vita Sackville-West, traverse en effet trois siècles en ayant toujours trente ans. D'abord jeune courtisan auprès de la reine Elisabeth Ire, il vit un amour déçu auprès d'une princesse russe. Au cours d'un voyage en Orient, il se réveille femme. Après être partie sur les routes avec des femmes tziganes, Lady Orlando revient à Londres, se marie avec un voyageur et devient, jusqu'en 1928, un écrivain à succès. Le roman, qui étudie notamment le rapport entre les sexes en Angleterre et mêle à l'histoire du pays celle de l'écrivain, influença la littérature féministe. L'œuvre met en avant le pouvoir subversif de la poésie en relatant l'histoire d'un personnage qui s'affranchit des limites du temps, de l'espace, des sexes et des classes sociales.

A la poésie de Virginia Woolf répondent ici les dessins et la peinture de Robert Wilson. Ce dernier a adapté pour la scène ce texte non-théâtral avec Darryl Pinckney. Outre la mise en scène et la scénographie, l'artiste américain a conçu, avec Heinrich Brunke, les centaines d'effets-lumières du spectacle. Orlando sert de matériau à la création : celle-ci ne cherche nullement à illustrer la fable mais bien à proposer, à partir du récit, une succession de tableaux abstraits. Seuls trois accessoires viennent occuper l'espace : un escalier, un chêne (en référence au titre du poème qui rendit célèbre Orlando) et un manuscrit. Le reportage, diffusé lors du « Journal de 20h » du 26 septembre 1993, donne un aperçu de la structure architecturale du spectacle qui joue avec les motifs du clair-obscur. Isabelle Huppert est seule en scène pendant plus de deux heures. Les changements de costumes, créés par Suzanne Raschig, illustrent les différentes étapes du récit, notamment le changement de sexe du personnage qui devient Lady Orlando. La comédienne n'incarne pas le personnage mais en offre une interprétation ludique. Le texte devient ici un monologue lyrique agencé selon une partition verbale. Dans cet espace dépouillé, véritable aire de jeu pour le corps et la langue, résonnent la musique de Hans Peter Khun et les différentes modulations de la voix de l'actrice, dont la prononciation peut-être amplifiée ou déformée par des micros. L'écriture du spectacle passe également par le geste qui est précis et non-illustratif.

Cette esthétique formelle refuse de donner une signification au texte. Il en appelle à l'imagination du spectateur qui vient faire une expérience visuelle et auditive. Le spectacle rencontra un grand succès auprès du public. En 2006, Isabelle Huppert sera de nouveau dirigée par Robert Wilson dans Quartett d'Heiner Müller, spectacle présenté à l'Odéon-Théâtre de l'Europe dans le cadre du Festival d'Automne.

Marie-Isabelle Boula de Mareuil

Transcription

Présentateur
Un spectacle magnifique maintenant, c’est Orlando, d’après Virginia Woolf, à l’Odéon dans le cadre du Festival d’Automne. Seule en scène pendant deux heures, Isabelle Huppert, dans une mise en scène esthétiquement parfaite de Bob Wilson. Jean-Jacques Le Garrec.
Journaliste
Orlando, c’est d’abord un travail essentiellement formel de Bob Wilson, sur l’espace et la lumière.
Bob Wilson
Le théâtre se voit en même temps qu’il s’entend, donc je travaille sur ces deux concepts. Je pense que ce que nous voyons nous aide à entendre et ce que nous entendons nous aide à voir.
Comédienne
Soudainement et fort cruellement survint le grand gel.
(Silence)
Journaliste
Orlando est un homme, au début. Puis une femme, ensuite. Et sa vie s’écoule sur trois siècles, mais il, ou elle, a toujours trente ans. C’est la conscience et la synthèse de toutes les vies que voulait porter en elle son créateur Virginia Woolf.
Comédienne
Il est probable que vous êtes tombé entre les griffes du plus cruel des dieux : la Nature. Que les hommes pleurent aussi fréquemment et aussi sottement que les femmes, je le sais de par mon expérience d’homme. Mais je commence à penser que les femmes se doivent d’être choquées quand les hommes laissent paraître de l’émotion en présence d’une femme. Et si c’est ce qu’il désire, alors, je suis choquée.
Journaliste
Isabelle Huppert est seule, sur une scène immense, noire au début, progressivement sculptée de lumière.
Isabelle Huppert
Dans un travail avec Bob Wilson, on apprend à trouver des partenaires inhabituels que sont la lumière, que sont l’espace. L’espace est véritablement une matière. Pour moi, c’est je n’ai pas l’impression d’être dans le noir, j’ai l’impression d’être dans une matière vivante, soit que je sculpte, soit que je pousse. Tout a un sens, puisque tout est forme, donc tout a un sens. J’ai pas le sentiment angoissant de la solitude.
Journaliste
Pas de décor, peu d’accessoires, un dépouillement étudié laisse un accès direct au texte et libère l’imaginaire.
Comédienne
La virginité est le joyau que nous protégeons furieusement. Nous sommes sensée mourir si on nous la ravit. Et quand on est un homme pendant près de trente ans, et de plus, un ambassadeur ; quand on a tenu dans ses bras une reine, et deux ou trois autres grandes dames, on ne fait pas grand cas de sa pudeur.