Béatrice Schönberg
Et nous retrouvons, en direct de Cannes, Roman Polanski.
Bonsoir et bravo.
Au-delà de la satisfaction et du plaisir très légitime d'être récompensé, on a le sentiment qu'il y a, chez vous, beaucoup d'émotion et de gravité.
Roman Polanski
Il y a toujours de l'émotion. (J'ai oublié mon micro, excusez-moi, voilà). Ca prouve que je suis émotionné.
Béatrice Schönberg
Est-ce qu'il y a de la gravité ? Et au fond, à qui dédiez-vous cette palme d'or ?
Roman Polanski
Je voudrais d'abord la dédier à ceux qui m'ont aidé à le réaliser, c'est-à-dire les nombreux figurants polonais.
C'était une de mes plus grandes surprisse de ma vie de metteur en scène.
La sincérité, le dévouement avec lequel ils se sont lancés dans ce travail.
C'étaient des gens qui se levaient, parfois, à quatre heures du matin pour être prêts à tourner à sept, huit heures du matin.
Il y en avait parfois mille deux cent.
C'étaient des gens qui, visiblement, ne travaillaient pas pour la récompense habituelle, c'est-à-dire leur salaire de figurant.
Mais c'étaient des gens qui étaient motivés.
Béatrice Schönberg
Alors, justement, Roman Polanski, c'est votre film le plus personnel, celui qui touche à votre enfance, à l'histoire, peut-être, de votre famille.
Est-ce qu'il fallait atteindre une certaine maturité pour oser, pour, en fait, avoir le courage de raconter ?
Roman Polanski
Oui, définitivement.
Il me fallait un peu de temps pour décider de faire le film sur ce sujet.
Mais c'était toujours dans mes plans.
Béatrice Schönberg
Alors, c'est presque, pour vous, un devoir de mémoire, et j'allais dire qui s'inscrit dans cette période qui est particulièrement trouble ?
Roman Polanski
Oui. Je suis... Les gens qui ont la mémoire, qui peuvent raconter les histoires, cette histoire de bouche de cheval, sont de plus en plus rares.
Et c'est un peu mon devoir de témoigner.
Béatrice Schönberg
Il y a beaucoup de pudeur, dans votre film.
Certains disent presque de la froideur.
Votre personnage n'est pas un héros.
Il n'est pas héroïque, il essaye, en fait, juste de survivre.
C'était votre parti pris ?
Roman Polanski
C'était mon parti pris, absolument.
C'est un film qui est une adaptation du livre du même titre.
Ce sont les mémoires d'un grand pianiste polonais, Vladislav Spielman.
Le livre est écrit de la même manière.
Et cette manière de raconter les événements avec une grande précision mais sans mélodrame était un des éléments qui m'attirait le plus pour faire ce film.
Béatrice Schönberg
Alors, Roman Polanski, deux petites questions très vite : que souhaitez-vous que les téléspectateurs retiennent de votre film ?
Roman Polanski
J'aimerais que ceux qui savent peu ce qu'il s'est passé il y a à peine un demi-siècle l'apprennent, comme j'ai dit, tout à l'heure, de la bouche du cheval.
J'aimerais qu'ils comprennent certaines choses qui sont difficiles à comprendre sans qu'on les illustre avec des images.
Je crois que ce film raconte ce que je me souviens, les événements dont je me rappelle très très vivement sans embellissement, sans ajouts.
C'était comme ça, ni plus, ni moins.
Béatrice Schönberg
Merci Roman Polanski.
Bravo pour cette palme d'or et merci d'avoir répondu à nos questions.