Opération "Barbe" [muet]

30 janvier 1951
06m 23s
Réf. 01052

Notice

Résumé :

[Document muet] Dans la brousse, des soldats français récupèrent du matériel parachuté par un avion de type C47. La troupe arrive ensuite dans un village et interroge des vietnamiens.

Type de média :
Date de diffusion :
30 janvier 1951
Thèmes :
Lieux :

Éclairage

Images muettes tournées par un opérateur militaire accompagnant une unité dans la brousse lors d'une opération de pacification (Opération « Barbe »), ce sujet n'a pas été diffusé aux Actualités. Il s'agit donc d'un bout-à-bout des rushes filmés en janvier 1951 qui débute lors du largage de matériel (plans classiques d'avions et de parachutages avec des panoramiques haut-bas suivant la trajectoire des ballots jusqu'à leur atterrissage en pleine jungle).

Le cameraman s'attarde sur le corps sans vie, face contre terre, d'un inconnu vietnamien. La violence de ce plan de cadavre (6 secondes) est accrue par le choix de cadrage sur les pieds nus du mort au 1er plan qui viennent contraster, par leur immobilité, avec les entrées et sorties de champ des rangers (bord cadre haut) des soldats français qui le contournent. Enfin, l'absence totale de commentaire contribue à déshumaniser le corps car il est impossible pour le spectateur d'identifier le mort (vietminh ? indicateur ? victime civile ?).

Les plans suivants filment plusieurs moments clefs de l'arrivée de l'unité dans le village à pacifier : la rencontre avec les villageois, la visite du village, l'incendie des paillottes puis le déplacement de la population après la destruction de leur village. On aperçoit au détour du passage des soldats devant la caméra qu'il s'agit d'une unité jaunie (selon la terminologie d'époque), c'est-à-dire composée d'Indochinois et d'Européens (l'aide du radio qui porte le matériel et mouline pour avoir la transmission, par exemple, est un Vietnamien, tout comme les soldats qui débroussaillent au coupe-coupe).

L'intérêt principal du document réside cependant dans les scènes d'évacuation des villageois. En effet, rares sont les moments filmés par des opérateurs militaires mettant en scène les populations locales prises dans le conflit. De plus, ces scènes se concentrent sur le devenir des femmes et des enfants, transportant toute leurs possessions dans des paniers sur leur dos et attendant sur la rive que la construction des radeaux de fortune par les rares hommes présents s'achève.

Le bout-à-bout a très certainement été fait dans le désordre puisqu'on assiste à l'abattage des arbres pour la construction des radeaux après la construction des dits radeaux, la construction succédant elle-même au départ des embarcations de fortune. De la même manière, une succession de plans sur les paillotes en feu survient après la séquence sur les radeaux.

Les opérateurs avaient des pellicules d'une durée d'une minute, ils devaient donc soigneusement sélectionner ce qu'ils tournaient pour ne pas gâcher leur stock (ils ne pouvaient emporter en opération qu'un nombre limité de pellicules pour ne pas alourdir un paquetage déjà constitué d'une caméra et de sa batterie, lesquelles à l'époque étaient un matériel lourd et encombrant). Lors du développement de ces pellicules d'1 mn chacune, il pouvait arriver que l'ordre de tournage soit interverti (surtout si l'opérateur n'avait pu clairement identifier les bobines en inscrivant sur le boîtier un numéro précis). Les bout-à-bouts des rushes pouvaient ne pas reprendre la chronologie exacte des événements, ce qui ne posait généralement pas de difficultés particulières puisque ces images étaient destinées à être utilisées ponctuellement pour illustrer tel ou tel point de la propagande officielle encadrée par l'Armée. Certains de ces plans n'étaient même que des images « passe-partout » pouvant convenir au traitement de n'importe quel sujet (les plans sur les avions, les largages de parachutes ou les marches en pleine jungle par exemple).

L'ultime séquence du document est un exemple de mise en scène. Nous n'irons pas jusqu'à employer le terme de reconstitution pour qualifier cette action d'évidence orchestrée pour être saisie par l'opérateur, mais il est évident, étant donné le positionnement de la caméra, que des repérages ont été préalablement faits pour assurer au cadreur les meilleurs angles de prise de vue. Ainsi comme dans un film de guerre, se trouve-t-il en première ligne lorsqu'une explosion survient, permettant aux hommes de monter à l'assaut en dépassant une caméra positionnée à ras de terre, comme un combattant embusqué. Les trois ennemis armés qui soudain émergent des hautes herbes comme des diables à ressort, alors qu'une fois de plus le cadreur est aux avant-postes et que les soldats doivent le dépasser pour aller les capturer, est également une démonstration de ces effets de mise en scène.

Delphine Robic-Diaz