La crise de Bizerte
Notice
Retour sur le déroulé des évènements qui ont conduit à une confrontation meurtrière entre Français et Tunisiens à Bizerte en juillet 1961.
Éclairage
La confrontation meurtrière entre Français et Tunisiens à Bizerte en juillet 1961 apparaît comme la dernière grande crise de la décolonisation en Tunisie. Bien que le pays soit indépendant depuis mars 1956, la France conserve une importante base militaire dans la région de Bizerte, place stratégique en Méditerranée, en particulier dans le cadre du conflit algérien.
Le président de la République tunisienne, qui exige depuis des années l'évacuation de Bizerte, durcit le ton au début de l'été 1961. La perspective de l'indépendance de l'Algérie sous l'égide d'un Front de libération nationale plutôt favorable à Salah Ben Youssef inquiète un Bourguiba isolé dans le monde arabe. Soumis aux pressions du Gouvernement provisoire de la République algérienne, de Nasser, de Ben Youssef exilé au Caire, ainsi que d'une frange du Néo-Destour, il entend réaffirmer face aux critiques sa fermeté à l'égard de l'ancienne puissance coloniale. Convoitant le pétrole saharien, il espère par ailleurs une modification des frontières du sud et cherche un moyen de pousser Paris à la négociation.
Les travaux menés par la France sur la base aéronavale de Sidi Ahmed servent de prétexte pour engager l'épreuve de force. Ils sont lus comme une manifestation de la volonté de de Gaulle de s'installer à demeure à Bizerte. Bourguiba mobilise l'armée et ses partisans en vue de bloquer les positions françaises. Mais les combats qui se déroulent du 19 au 23 juillet se terminent en véritable carnage pour le camp tunisien. Les soldats de la jeune République comme les volontaires du Néo-Destour sont très mal préparés et font peu de poids face aux paras qui s'emparent de nouvelles positions dans Bizerte et sa région. Ainsi, le journaliste des Actualités françaises ne manque pas de souligner le gâchis de vies humaines.
De fait, le reportage, qui retrace le déroulé des événements de juillet, traduit l'abasourdissement de la France face à ce qui lui semble une aventure irréfléchie. Malgré les tensions récurrentes autour de la présence de l'Armée de libération nationale en Tunisie, Bourguiba, loué pour sa raison et sa modération, est considéré comme un appui solide du camp occidental. Le ton particulièrement sévère du commentateur à l'égard du président de la République tunisienne, traité à demi-mot d'inconscient, témoigne d'un sentiment de trahison. Les Français ont-ils cru que Bourguiba voulait se poser en nouveau Nasser (lequel nationalisait, en 1956, le canal de Suez) ? Les images des caisses d'armes soviétiques et américaines montrent plutôt leur perplexité et leur difficulté à interpréter les événements dans un contexte de Guerre froide. Pour les Actualités françaises, il ne fait en tout cas aucun doute : la France est dans la position de l'agressée. Toutefois, le reportage désigne moins comme responsable un pays qu'un homme. La population tunisienne est décrite comme manipulée et enrégimentée et l'on cherche à mettre en avant les images, supposées apaisantes, du drapeau tunisien remis en place par les Français ou encore de la distribution de l'eau par les paras.