Le Furet du Nord supermarché du livre
01 novembre 1970
05m 13s
Réf. 00097
Notice
Résumé :
En 1970, Lille possède avec le Furet du Nord la plus grande librairie d'Europe. C'est ce qu'ont réalisé Paul et Jean Callens, qui se défendent pourtant d'avoir voulu réaliser un "supermarché du livre". Car le Furet du Nord c'est, assure Paul Callens, la garantie de la qualité d'un service reconnu à un libraire, un style artisanal, un choix considérable et surtout du conseil.
Type de média :
Date de diffusion :
01 novembre 1970
Source :
ORTF
(Collection:
Nord actualités télé
)
Personnalité(s) :
Lieux :
Éclairage
Dans le Nord-Pas-de-Calais, la vente de livres s’effectue selon plusieurs canaux : les librairies indépendantes, qui représentent actuellement une cinquantaine de boutiques principalement implantées dans les zones urbaines, les librairies de chaîne (telle France Loisirs) ou d’éditeurs, qui sont une douzaine, et les grandes surfaces culturelles qui sont au nombre de vingt-cinq (chiffres 2015). Dans ce paysage régional, le Furet du Nord pèse de tout son poids : poids économique, bien sûr, avec 80 millions d’euros de chiffre d’affaires et 420 salariés sur douze magasins implantés dans les principales villes régionales (quatre autres sont installés en Ile de France, et un à Beauvais) ; mais aussi poids symbolique, puisqu’au fil de ses quatre-vingt-quinze années d’existence, la petite librairie lilloise s’est forgé une réputation et est devenue une institution de la vie culturelle en région, capable de rivaliser avec la FNAC ou toute autre grande surface culturelle (du type Virgin, Cultura ou Espace culturel Leclerc).
Le Furet, c’est aujourd’hui 13 000 visiteurs par jour et 7 000 m2 de surface, rien que pour le magasin lillois. Plus grand-chose à voir avec la petite boutique de modes de 20 m² qu’un jour d’avril 1920, Mr et Mme Morel transforment en librairie. L’enseigne voit donc le jour au 17, rue de la Vieille Comédie. A Lille, à cette époque, on dénombre une soixantaine de commerces de livres (vers 1820, on en dénombrait à peine treize). D’abord concentrés dans le cœur historique, ces derniers s’implantent progressivement le long de grandes artères, telle la rue de Solférino, puis dans les nouveaux quartiers qui accueillent les Facultés, ou à Wazemmes, place commerciale dynamique. Petit à petit, les librairies se spécialisent, dans les livres catholiques, les livres anciens et d’occasion, les nouveautés, ou les livres scolaires et universitaires, comme c’est le cas du Furet lorsqu’en mars 1934, il est racheté par Georges Poulard.
En août 1950 le commerce change à nouveau de main, mais cette fois durablement. Paul Callens (1923-2009), ancien séminariste et fils d’artisan boucher tourquennois, va rester trente ans à la tête de l’affaire et la faire changer de dimension, mettant en œuvre des idées nouvelles pour faire évoluer la librairie traditionnelle. Le problème récurrent rencontré par le nouveau propriétaire est celui de la superficie : après une série de déménagements successifs en vue d’augmenter la surface de vente et de stockage, il va saisir l’opportunité d’occuper le local des galeries Barbès sur la Grand-Place. Le magasin ouvre ses portes en août 1959 dans des locaux rénovés de 300 m², face à la Déesse. Dès lors, le Furet ne cessera de s’agrandir, rachetant les locaux voisins et rehaussant son immeuble. L’aménagement intérieur rompt avec la librairie traditionnelle. Les livres s’étalent désormais sur des tables à hauteur des clients, ou sont placés sur des planches d’étagères accessibles. L’échelle de libraire disparaît, et la fonction de celui-ci se transforme avec l’introduction du libre-service : le client est autorisé à feuilleter librement les livres, voire même à les lire sur place !
A cette innovation s’en ajoutent d’autres qui surprennent aussi : la création en 1964 de la première "pochothèque", installée au sous-sol, et le lancement, la même année, grâce à son frère Jean Callens, de séances de rencontre et dédicaces avec les auteurs, d’expositions, d’ateliers et de festivals, qui rythmeront la vie culturelle lilloise. La librairie continue d’expérimenter : elle adopte notamment le modèle commercial de la grande surface qui se développe dans les années 1960, ce qui laisse perplexe, voire inquiète, certains professionnels. C’est Jean Callens qui, en 1970, dans la revue interne de l’entreprise écrira : "dans notre métier, le commercial paraît toujours un peu gênant. On nous reprocherait presque de gagner de l’argent en vendant de la culture".
La fin de la décennie 1970 est marquée par l’implantation de la FNAC en 1977. Un pacte de non-concurrence et de coopération est décidé : le Furet ferme son rayon disque (qui représente pourtant 11% de son chiffre d’affaires) ; la FNAC ne vend pas de livres ; les deux enseignes co-organisent les animations et événements. L’accord prendra fin en 1992. Entretemps, le Furet s’est régionalisé, ouvrant un second magasin à Valenciennes en 1982. D’autres suivront, implantés en centre-ville et aussi dans des centres commerciaux (tels V2 à Villeneuve d’Ascq ou Espace Grand rue à Roubaix). Cette politique d’expansion coïncide avec le retrait de Paul Callens qui, en 1980, a vendu l’entreprise à la SOFITEX, société financière textile du groupe Le Blan. En 1999, le Furet rejoint Virgin au sein d’Hachette Distribution Services (propriété de Lagardère Médias) ; en 2007, les deux enseignes sont cédées au fonds d’investissements Butler Capital Partners, qui les revend un an plus tard à deux sociétés de gestion, Vauban Partenaires et Participex Gestion.
Sources :
Le Furet, c’est aujourd’hui 13 000 visiteurs par jour et 7 000 m2 de surface, rien que pour le magasin lillois. Plus grand-chose à voir avec la petite boutique de modes de 20 m² qu’un jour d’avril 1920, Mr et Mme Morel transforment en librairie. L’enseigne voit donc le jour au 17, rue de la Vieille Comédie. A Lille, à cette époque, on dénombre une soixantaine de commerces de livres (vers 1820, on en dénombrait à peine treize). D’abord concentrés dans le cœur historique, ces derniers s’implantent progressivement le long de grandes artères, telle la rue de Solférino, puis dans les nouveaux quartiers qui accueillent les Facultés, ou à Wazemmes, place commerciale dynamique. Petit à petit, les librairies se spécialisent, dans les livres catholiques, les livres anciens et d’occasion, les nouveautés, ou les livres scolaires et universitaires, comme c’est le cas du Furet lorsqu’en mars 1934, il est racheté par Georges Poulard.
En août 1950 le commerce change à nouveau de main, mais cette fois durablement. Paul Callens (1923-2009), ancien séminariste et fils d’artisan boucher tourquennois, va rester trente ans à la tête de l’affaire et la faire changer de dimension, mettant en œuvre des idées nouvelles pour faire évoluer la librairie traditionnelle. Le problème récurrent rencontré par le nouveau propriétaire est celui de la superficie : après une série de déménagements successifs en vue d’augmenter la surface de vente et de stockage, il va saisir l’opportunité d’occuper le local des galeries Barbès sur la Grand-Place. Le magasin ouvre ses portes en août 1959 dans des locaux rénovés de 300 m², face à la Déesse. Dès lors, le Furet ne cessera de s’agrandir, rachetant les locaux voisins et rehaussant son immeuble. L’aménagement intérieur rompt avec la librairie traditionnelle. Les livres s’étalent désormais sur des tables à hauteur des clients, ou sont placés sur des planches d’étagères accessibles. L’échelle de libraire disparaît, et la fonction de celui-ci se transforme avec l’introduction du libre-service : le client est autorisé à feuilleter librement les livres, voire même à les lire sur place !
A cette innovation s’en ajoutent d’autres qui surprennent aussi : la création en 1964 de la première "pochothèque", installée au sous-sol, et le lancement, la même année, grâce à son frère Jean Callens, de séances de rencontre et dédicaces avec les auteurs, d’expositions, d’ateliers et de festivals, qui rythmeront la vie culturelle lilloise. La librairie continue d’expérimenter : elle adopte notamment le modèle commercial de la grande surface qui se développe dans les années 1960, ce qui laisse perplexe, voire inquiète, certains professionnels. C’est Jean Callens qui, en 1970, dans la revue interne de l’entreprise écrira : "dans notre métier, le commercial paraît toujours un peu gênant. On nous reprocherait presque de gagner de l’argent en vendant de la culture".
La fin de la décennie 1970 est marquée par l’implantation de la FNAC en 1977. Un pacte de non-concurrence et de coopération est décidé : le Furet ferme son rayon disque (qui représente pourtant 11% de son chiffre d’affaires) ; la FNAC ne vend pas de livres ; les deux enseignes co-organisent les animations et événements. L’accord prendra fin en 1992. Entretemps, le Furet s’est régionalisé, ouvrant un second magasin à Valenciennes en 1982. D’autres suivront, implantés en centre-ville et aussi dans des centres commerciaux (tels V2 à Villeneuve d’Ascq ou Espace Grand rue à Roubaix). Cette politique d’expansion coïncide avec le retrait de Paul Callens qui, en 1980, a vendu l’entreprise à la SOFITEX, société financière textile du groupe Le Blan. En 1999, le Furet rejoint Virgin au sein d’Hachette Distribution Services (propriété de Lagardère Médias) ; en 2007, les deux enseignes sont cédées au fonds d’investissements Butler Capital Partners, qui les revend un an plus tard à deux sociétés de gestion, Vauban Partenaires et Participex Gestion.
Sources :
- Patricia Sorel et Frédérique Leblanc, Histoire de la librairie française, Paris, Édition du Cercle de la Librairie, 2008.
- Michel Paquot, Le Furet du Nord : naissance de la librairie moderne, Lille, Édition La Voix, coll. "Secrets du Nord", 2014.
Fabien Eloire
Transcription
(musique)
Luc Dekerle
Lille, une agglomération de plus d’un million d’habitants. Lille qui possède, avec le Furet du Nord, la plus grande librairie d’Europe. 150 employés, 3800 mètres carrés de surface de vente, une moyenne de 10000 clients par jour. Voilà ce qu’ont réalisé Messieurs Paul et Jean Callens, les animateurs du Furet du Nord qui se défendent pourtant d’avoir voulu réaliser un supermarché du livre.(musique)