La découverte du charbon dans le valenciennois
Notice
Jean Dauby interrogé dans le parc du château du vicomte de Desandrouin fait l'historique de la découverte du charbon dans le valenciennois. Monsieur Ronffart évoque la création de la première compagnie minière : la Compagnie des mines d'Anzin.
Éclairage
La découverte du charbon à Fresnes, près de Valenciennes, en 1720 reste une date symbolique pour la région du Nord, et au-delà puisque la compagnie d'Anzin fut longtemps le plus bel exemple de capitalisme industriel en France. A l'origine, se trouve un changement politique – le rattachement du Valenciennois à la France par le traité d'Utrecht de 1713 – mais en ce qu'il crée d'un coup une lourde contrainte économique puisque les industriels locaux, comme le verrier Desandrouin, acquittent désormais des droits élevés pour importer les charbons du Hainaut belge. Ils la transformèrent en un immense succès. Pourtant, longtemps, rien ne fut simple.
La découverte d'abord : si l'on n'a pas exploité dans le Hainaut français les couches connues dans le Hainaut belge depuis le Moyen-Age, c'est qu'on imaginait qu'elles se trouvaient toujours à la même faible profondeur. Or à partir de Valenciennes, le bassin belge se prolonge bien, mais plonge dans le sous-sol. Les connaissances géologiques sont alors rudimentaires ; on fait appel à des sourciers pour localiser les veines. Il fallut donc la persévérance de capitalistes qui prirent le risque d'investir souvent à fonds perdus. La découverte du charbon, c'est aussi le triomphe de l'esprit d'entreprise, en l'occurrence celui de la famille Desandrouin, issue de la région de Charleroi. D'ailleurs, repérer le charbon ne suffit pas : en 1720, à Fresnes, c'est une veine de flénu (1) qu'on découvre, une houille maigre et sèche qui a fait la fortune du bassin de Mons voisin, utilisable dans les chaudières à vapeur mais qui ne donne pas de coke. Aux verreries, brasseries, distilleries, pour le gaz d'éclairage, conviennent les charbons demi-gras. Et c'est la houille grasse qui se cokéfie bien que recherchent les forges – on sait l'avenir sidérurgique du Valenciennois. Il faut attendre 1734 pour qu'un sondage mette à jour à Anzin même, une veine de charbon gras, plus longtemps encore avant qu'on découvre le gisement de Denain – tandis que d'autres tentatives menées dans les environs n'aboutissent qu'à des créations mineures.
L'exploitation ensuite, et la mise en place de la société : il fallut pour cela que les entrepreneurs satisfassent l'appétit des seigneurs du lieu, soit 30 années de démêlés avant l'accord de 1757. Mais il est vrai qu'ailleurs en France, dans la Loire surtout, mais aussi à Carmaux, à Blanzy, les petits propriétaires qui ont l'habitude de gratter le charbon de surface mènent la vie plus dure encore aux entrepreneurs qui essaient d'instaurer de grandes concessions, allant jusqu'à mettre à sac les travaux. A Anzin, se crée une compagnie géante, d'une nature entièrement nouvelle. Elle l'est par sa puissance financière : le capital de la compagnie d'Anzin, divisé initialement en 24 parts, sera, au XIXe siècle, aux mains des grands noms de la banque et de l'industrie nationales. Elle l'est sur le plan technique : la grande innovation à Anzin est qu'on peut creuser à 200 mètres grâce à la "pompe à feu", c'est-à-dire la machine à vapeur, qui assure l'exhaure de l'eau, la grande ennemie du mineur. Et si les fosses en bois du XVIIIe siècle sont d'allure modeste, elles abritent 12 de ces pompes à feu qui coûtent chacune 100 000 livres ; le total des investissements est de 15 millions de livres avant la Révolution. A cette époque, la société assure le tiers de la production française qui est alors d'un million de tonnes. Ses 4 000 mineurs sont les premiers prolétaires français. Anzin, la plus grande entreprise du continent et pour longtemps, reste une exception.
(1) Le "charbon flénu", appelé aussi "houille à longues flammes" car il contient beaucoup de matières volatiles a été extrait dans la région de Flénu à côté de Mons en Wallonie dès le XIVe siècle.