La découverte du charbon dans le valenciennois

30 novembre 1969
04m 09s
Réf. 00312

Notice

Résumé :

Jean Dauby interrogé dans le parc du château du vicomte de Desandrouin fait l'historique de la découverte du charbon dans le valenciennois. Monsieur Ronffart évoque la création de la première compagnie minière : la Compagnie des mines d'Anzin.

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Date de diffusion :
30 novembre 1969
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Éclairage

La découverte du charbon à Fresnes, près de Valenciennes, en 1720 reste une date symbolique pour la région du Nord, et au-delà puisque la compagnie d'Anzin fut longtemps le plus bel exemple de capitalisme industriel en France. A l'origine, se trouve un changement politique – le rattachement du Valenciennois à la France par le traité d'Utrecht de 1713 – mais en ce qu'il crée d'un coup une lourde contrainte économique puisque les industriels locaux, comme le verrier Desandrouin, acquittent désormais des droits élevés pour importer les charbons du Hainaut belge. Ils la transformèrent en un immense succès. Pourtant, longtemps, rien ne fut simple.

La découverte d'abord : si l'on n'a pas exploité dans le Hainaut français les couches connues dans le Hainaut belge depuis le Moyen-Age, c'est qu'on imaginait qu'elles se trouvaient toujours à la même faible profondeur. Or à partir de Valenciennes, le bassin belge se prolonge bien, mais plonge dans le sous-sol. Les connaissances géologiques sont alors rudimentaires ; on fait appel à des sourciers pour localiser les veines. Il fallut donc la persévérance de capitalistes qui prirent le risque d'investir souvent à fonds perdus. La découverte du charbon, c'est aussi le triomphe de l'esprit d'entreprise, en l'occurrence celui de la famille Desandrouin, issue de la région de Charleroi. D'ailleurs, repérer le charbon ne suffit pas : en 1720, à Fresnes, c'est une veine de flénu (1) qu'on découvre, une houille maigre et sèche qui a fait la fortune du bassin de Mons voisin, utilisable dans les chaudières à vapeur mais qui ne donne pas de coke. Aux verreries, brasseries, distilleries, pour le gaz d'éclairage, conviennent les charbons demi-gras. Et c'est la houille grasse qui se cokéfie bien que recherchent les forges – on sait l'avenir sidérurgique du Valenciennois. Il faut attendre 1734 pour qu'un sondage mette à jour à Anzin même, une veine de charbon gras, plus longtemps encore avant qu'on découvre le gisement de Denain – tandis que d'autres tentatives menées dans les environs n'aboutissent qu'à des créations mineures.

L'exploitation ensuite, et la mise en place de la société : il fallut pour cela que les entrepreneurs satisfassent l'appétit des seigneurs du lieu, soit 30 années de démêlés avant l'accord de 1757. Mais il est vrai qu'ailleurs en France, dans la Loire surtout, mais aussi à Carmaux, à Blanzy, les petits propriétaires qui ont l'habitude de gratter le charbon de surface mènent la vie plus dure encore aux entrepreneurs qui essaient d'instaurer de grandes concessions, allant jusqu'à mettre à sac les travaux. A Anzin, se crée une compagnie géante, d'une nature entièrement nouvelle. Elle l'est par sa puissance financière : le capital de la compagnie d'Anzin, divisé initialement en 24 parts, sera, au XIXe siècle, aux mains des grands noms de la banque et de l'industrie nationales. Elle l'est sur le plan technique : la grande innovation à Anzin est qu'on peut creuser à 200 mètres grâce à la "pompe à feu", c'est-à-dire la machine à vapeur, qui assure l'exhaure de l'eau, la grande ennemie du mineur. Et si les fosses en bois du XVIIIe siècle sont d'allure modeste, elles abritent 12 de ces pompes à feu qui coûtent chacune 100 000 livres ; le total des investissements est de 15 millions de livres avant la Révolution. A cette époque, la société assure le tiers de la production française qui est alors d'un million de tonnes. Ses 4 000 mineurs sont les premiers prolétaires français. Anzin, la plus grande entreprise du continent et pour longtemps, reste une exception.

(1) Le "charbon flénu", appelé aussi "houille à longues flammes" car il contient beaucoup de matières volatiles a été extrait dans la région de Flénu à côté de Mons en Wallonie dès le XIVe siècle.

Joël Michel

Transcription

Bernad Claeys
Valenciennes est donc bien une ville d’art, Monsieur Dauby mais c’est aussi une des capitales du charbon. Et paradoxalement, c’est ce lieu où nous nous trouvons qui évoque la naissance du charbon dans le Valenciennois et même dans la région du Nord.
Jean Dauby
Oui bien sûr, nous ne nous trouvons pas ici du tout sur l’emplacement d’une fosse ou d’un chevalement mais tout simplement dans un parc, dans le parc de Fresnes-sur-Escaut ; où il subsiste quelques arbres qui ne viennent pas de l’antique forêt charbonnière qui a donné naissance au gisement bien entendu ; mais qui fut l’habitation du Vicomte puis Marquis Desandrouin. Et on peut dire que Jacques Desandrouin fût vraiment à l’origine de la découverte du charbon dans le Nord. Vous voyez, nous avons ici le Temple de l’Amour, nous allons voir le château qu’habitait le Marquis, le fils de Jacques d’ailleurs. C’est en 1716 que Jacques Desandrouin est venu de Charleroi, il était établi à Lodelinsart. Il avait servi dans l’armée française, il était officier de cavalerie et il avait des entreprises industrielles là-bas, de divers ordres. Ce fut un grand capitaine d’industrie et un des précurseurs sans doute du capitalisme moderne. Il avait envoyé son frère ici, son frère Pierre qui avait fondé une verrerie, autre industrie. Après la conquête française en 1678, enfin, ratifiée par le traité de Nimègue, le Hainaut fut coupé en deux. Valenciennes devint français et les industries installées dans le Valenciennois devaient payer de lourdes taxes, de lourdes taxes douanières pour l’importation des charbons belges. Ce qui amena évidemment des fouilles ici à partir de 1717 lorsqu’une première compagnie fut fondée par les frères de Desandrouin, par Pierre Taffin, par Désaubois et cetera. La première compagnie portant d’ailleurs le nom Désaubois, ils eurent tout d’abord beaucoup de mal, il y eut beaucoup d’argent perdu dans des travaux non rentables, enfin qui ne donnèrent absolument rien. Une seconde compagnie se fonda en 1717 et c’est en 1718, qu’ici à Fresnes, furent creusées les deux premières fosses. C’était un emplacement que l’on appelle le Clos Colard ici vers le Trieu et la première veine importante fut trouvée en 1720.
Bernad Claeys
C’est un autre château, Monsieur Ronfard que s’attache le souvenir de la création de la première compagnie minière dans la région.
Ronffart
C’est exact, mais je pense qu’il faut remonter un peu à quelques années en arrière, le Prince de Croÿ avait découvert le charbon, la houille à Vieux-Condé le 3 janvier 1751. Un autre seigneur du lieu, haut justicier de Raismes, le Marquis de Cernay avait lui aussi fait une découverte à Saint-Vaast le premier septembre 56. Et évidemment, ils ont pensé unir leurs efforts et le Prince de Croÿ donna l’ordre à Desandrouin de venir le rencontrer dans le château de l’Hermitage qui existe encore et qui se trouve sur la route de Bonsecours bien connu des Valenciennois. Desandrouin s’y rendit avec quelques difficultés et signa le 19 novembre 1757, l’acte de constitution de la Compagnie des mines d’Anzin.
Bernad Claeys
Alors, quelle était la suite de l’histoire de cette compagnie ?
Ronffart
La Compagnie des mines d’Anzin prospéra surtout après la découverte du charbon gras, charbon nécessaire pour l’industrie, ce que recherchait dès l’origine Desandrouin, et d’autres émules se joignirent à Desandrouin et demandèrent des concessions un peu partout dans la région. C’est ainsi que se furent fondées les Compagnies des mines de Thivencelle, Compagnie des mines de Crespin, compagnie des mines de Vicoigne et Compagnie des mines de Douchy.
Bernad Claeys
Est-ce que les tonnages extraits étaient importants dès cette époque ?
Ronffart
Dès cette époque, les tonnages montèrent très, très rapidement et on peut dire que à la veille de la guerre de 1914 et même au début du siècle, les tonnages étaient à peu près comparables à ce que nous exploitons actuellement.