Le conflit social chez Continental Clairoix
Notice
Reportage consacré au conflit social de l'usine de pneumatiques Continental de Clairoix dans l'Oise, promise à la fermeture en 2010. Xavier Mathieu de la CGT annonce aux salariés une prime de départ en plus de leurs indemnités de licenciements. Les salariés interrogés sont satisfaits de cet accord. Il a fallu plusieurs manifestations, des actions en justice, mais leur détermination et leur unité ont permis le compromis. Les salariés de Goodyear à Amiens nord, se retrouvent dans la même situation que les Conti. Virgilio Mota da Silva, délégué syndical SUD Goodyear, espère obtenir les mêmes conditions de départ que leurs camarades de Clairoix.
Éclairage
A l'origine, en 1926, le site de Clairoix (Oise) accueille une usine de la société La Soie de Compiègne, qui fabrique de la soie artificielle (viscose). Mais, la production s'arrête rapidement. L'usine est mise en vente aux enchères en 1932 et rachetée par la société britannique The Century Insurance Company Limited, qui revend l'usine et le terrain en 1936 à l'entreprise belge Englebert, spécialisée dans la fabrication de pneus et dont le fondateur vend des produits en caoutchouc depuis 1868. L'usine porte l'enseigne Uniroyal-Englebert France de 1966 à 1979, date à laquelle la société intègre le groupe allemand Continental, fondé en 1871. A la fin des années 2000, l'usine produit 8 millions de pneus tourisme par an, avec un effectif de plus de 1100 personnes.
Le 11 mars 2009, la maison-mère annonce la fermeture des sites de Clairoix et d'Hanovre (Allemagne) tandis que le fabriquant de pneumatiques développe son site roumain de Timisoara. Dès le lendemain, la lutte commence : lors de la première réunion dans l'usine, le directeur Louis Forzy est bombardé d'œufs par des salariés en colère qui ont accepté le retour à la semaine de 40 heures en 2007 afin de maintenir l'emploi. C'est le premier fait d'armes de ceux que l'histoire retiendra sous le nom des "Conti" emmenés par Xavier Mathieu (leader local de la CGT) et aidés en coulisse par Roland Spirzko, figure de Lutte ouvrière (LO) et ancien meneur des "Chausson". Le 16 mars, le comité central d'entreprise à Reims est interrompu par les salariés. Malgré la signature d'un protocole de reprise du travail le 17, environ 500 ouvriers s'y refusent et bloquent l'accès au site. Après une manifestation à Paris, le 25 mars, pour demander l'ouverture de négociations tripartites, les salariés de Clairoix défilent en Moselle avec les salariés de Continental Sarreguemines, où se tient l'audience en référé pour demander l'ajournement du plan social. Le 21 avril, le tribunal de Sarreguemines refuse d'ajourner le plan social, la sous-préfecture de Compiègne est mise à sac par quelques "Conti". L'État donne alors son accord pour organiser des négociations tripartites, accord qui intervient aussi suite aux rencontres des délégués ouvriers avec Raymond Soubie (Conseiller aux affaires sociales de Nicolas Sarkozy) le 25 mars et Philippe Gustin (conseiller au ministère des finances) le 7 avril. Malgré l'ouverture de négociations, la lutte continue, les manifestations s'enchaînent : le 23 avril à Hanovre, aux côtés des ouvriers allemands, devant l'assemblée des actionnaires ; le 6 mai à Sarreguemines où les salariés de Clairoix occupent l'usine Continental pour obliger la direction allemande à négocier ; le 18 mai à Paris devant la Bourse ; le 28 mai à Paris devant le siège du Medef et le 2 juin à Amiens avec les salariés de Goodyear, également en lutte. En juillet, un accord est finalement trouvé sur le montant des indemnités. Début 2010, la cour d'appel d'Amiens allège les peines des ouvriers condamnés le 1er septembre 2009 pour "dégradation de biens appartenant à l'État" (sous- préfecture de Compiègne). Le 14 février 2013, le tribunal administratif d'Amiens décide d'annuler le licenciement de 22 anciens salariés "protégés" pour "absence de réel motif économique". Le conseil des prud'hommes de Compiègne a examiné le cas de 680 ex-salariés de Continental et rendu son verdict le 30 août 2013.