Le conflit social chez Continental Clairoix

31 mai 2009
02m 01s
Réf. 00203

Notice

Résumé :

Reportage consacré au conflit social de l'usine de pneumatiques Continental de Clairoix dans l'Oise, promise à la fermeture en 2010. Xavier Mathieu de la CGT annonce aux salariés une prime de départ en plus de leurs indemnités de licenciements. Les salariés interrogés sont satisfaits de cet accord. Il a fallu plusieurs manifestations, des actions en justice, mais leur détermination et leur unité ont permis le compromis. Les salariés de Goodyear à Amiens nord, se retrouvent dans la même situation que les Conti. Virgilio Mota da Silva, délégué syndical SUD Goodyear, espère obtenir les mêmes conditions de départ que leurs camarades de Clairoix.

Date de diffusion :
31 mai 2009
Lieux :

Éclairage

A l'origine, en 1926, le site de Clairoix (Oise) accueille une usine de la société La Soie de Compiègne, qui fabrique de la soie artificielle (viscose). Mais, la production s'arrête rapidement. L'usine est mise en vente aux enchères en 1932 et rachetée par la société britannique The Century Insurance Company Limited, qui revend l'usine et le terrain en 1936 à l'entreprise belge Englebert, spécialisée dans la fabrication de pneus et dont le fondateur vend des produits en caoutchouc depuis 1868. L'usine porte l'enseigne Uniroyal-Englebert France de 1966 à 1979, date à laquelle la société intègre le groupe allemand Continental, fondé en 1871. A la fin des années 2000, l'usine produit 8 millions de pneus tourisme par an, avec un effectif de plus de 1100 personnes.

Le 11 mars 2009, la maison-mère annonce la fermeture des sites de Clairoix et d'Hanovre (Allemagne) tandis que le fabriquant de pneumatiques développe son site roumain de Timisoara. Dès le lendemain, la lutte commence : lors de la première réunion dans l'usine, le directeur Louis Forzy est bombardé d'œufs par des salariés en colère qui ont accepté le retour à la semaine de 40 heures en 2007 afin de maintenir l'emploi. C'est le premier fait d'armes de ceux que l'histoire retiendra sous le nom des "Conti" emmenés par Xavier Mathieu (leader local de la CGT) et aidés en coulisse par Roland Spirzko, figure de Lutte ouvrière (LO) et ancien meneur des "Chausson". Le 16 mars, le comité central d'entreprise à Reims est interrompu par les salariés. Malgré la signature d'un protocole de reprise du travail le 17, environ 500 ouvriers s'y refusent et bloquent l'accès au site. Après une manifestation à Paris, le 25 mars, pour demander l'ouverture de négociations tripartites, les salariés de Clairoix défilent en Moselle avec les salariés de Continental Sarreguemines, où se tient l'audience en référé pour demander l'ajournement du plan social. Le 21 avril, le tribunal de Sarreguemines refuse d'ajourner le plan social, la sous-préfecture de Compiègne est mise à sac par quelques "Conti". L'État donne alors son accord pour organiser des négociations tripartites, accord qui intervient aussi suite aux rencontres des délégués ouvriers avec Raymond Soubie (Conseiller aux affaires sociales de Nicolas Sarkozy) le 25 mars et Philippe Gustin (conseiller au ministère des finances) le 7 avril. Malgré l'ouverture de négociations, la lutte continue, les manifestations s'enchaînent : le 23 avril à Hanovre, aux côtés des ouvriers allemands, devant l'assemblée des actionnaires ; le 6 mai à Sarreguemines où les salariés de Clairoix occupent l'usine Continental pour obliger la direction allemande à négocier ; le 18 mai à Paris devant la Bourse ; le 28 mai à Paris devant le siège du Medef et le 2 juin à Amiens avec les salariés de Goodyear, également en lutte. En juillet, un accord est finalement trouvé sur le montant des indemnités. Début 2010, la cour d'appel d'Amiens allège les peines des ouvriers condamnés le 1er septembre 2009 pour "dégradation de biens appartenant à l'État" (sous- préfecture de Compiègne). Le 14 février 2013, le tribunal administratif d'Amiens décide d'annuler le licenciement de 22 anciens salariés "protégés" pour "absence de réel motif économique". Le conseil des prud'hommes de Compiègne a examiné le cas de 680 ex-salariés de Continental et rendu son verdict le 30 août 2013.

Julien Cahon

Transcription

Francis Letellier
Les 1120 salariés de l’usine Continental de Clairoix qui vont recevoir une prime de 50 000 euros font maintenant leurs comptes. Il reste encore plusieurs aspects financiers à négocier avec la direction avant la fermeture de l’entreprise. Et puis, après-demain, ils iront manifester aux côtés de leurs collègues de Goodyear, à Amiens, où plus de 820 licenciements sont prévus. La victoire des Conti pourrait devenir exemplaire. Le point avec Anne Le Troquer.
Xavier Mathieu
… net d’impôts et de charge sociale : 50 000 pour tout le monde.
Le Troquer§Anne
Une prime exceptionnelle pour chacun. Les Conti disent oui. Les 1120 salariés de Clairoix acceptent le compromis négocié avec la direction du fabriquant de pneus. Ils perdent leur travail mais devraient obtenir, en plus des indemnités légales, 50 000 euros chacun, 3 fois plus qu’initialement prévu.
Salarié 1
Pour moi, c’est super, pour moi. C’est la première fois, depuis le temps que je suis à l’usine, que je vois un accord aussi réconfortant, quoi. On peut partir la tête haute.
Salarié 2
On va tourner la page, comme ça on va pouvoir faire autre chose.
Journaliste
Ça sera quoi, pour vous ?
Salarié 2
Je ne sais pas encore.
Le Troquer§Anne
Une victoire chèrement acquise 2 mois et demi après avoir laissé éclater leur colère contre leur direction à l’annonce de la fermeture du site. Manifestations, actions en justice et surtout mise à sac de la sous-préfecture de Compiègne et d’une partie de leur outil de travail. Leur détermination et leur unité ont permis ce compromis.
Xavier Mathieu
Avant ce conflit, j’avais tendance à penser que les gens étaient des égoïstes, qu’ils ne pensaient qu’à leur gueule. Oui, je n’ai pas peur de le dire. Et je me suis rendu compte que dans l’adversité, les gens, ils s’unissent, et les gens, ils ont du cœur.
Le Troquer§Anne
Un accord qui n’est pas passé inaperçu chez les ouvriers de Goodyear, leurs voisins. Ils sont en colère depuis l’annonce, mardi, du licenciement de 820 des leurs à l’usine d’Amiens nord qui compte 1400 salariés.
Mota Da Silva§Virgilio
Il faut tendre, effectivement, vers une forme telle que les Conti ont obtenu, 50 000 euros, un congé de reclassement plus long.
Le Troquer§Anne
En attendant ces négociations, les Conti viendront mardi soutenir les Goodyear lors d’une manifestation à Amiens.