La Charte d'Amiens
Notice
La Charte d'Amiens a 100 ans. En 1906, les grèves faisant suite à la catastrophe de la compagnie de Courrières sont fortement réprimées. Bruno Poucet, professeur d'histoire, évoque les baisses de salaire dans l'industrie textile. C'est dans ce contexte que la CGT organise à Amiens son IXe congrès dans la salle d'une école (aujourd'hui l'école primaire Noyon). Un texte est adopté on l' appellera "La charte d'Amiens". Il affirme une volonté d'indépendance à l'égard des partis politiques ou de la religion. A FO , Paul L'Hote, secrétaire fédéral, explique les principes de son syndicat en la matière. Nathalie Brandicourt pour la CFDT Picardie estime que les tentations ont pu être fortes notamment en 1981. Patrick Joan secrétaire général CGT Picardie annonce la création d'une nouvelle organisation internationale qui reprendra les principes de la Charte d'Amiens.
Éclairage
La Charte d'Amiens a profondément marqué l'histoire du syndicalisme français. Le 13 octobre 1906, le IXe congrès de la CGT, réuni à Amiens depuis le 8 octobre, adopte un "ordre du jour" sur les "rapports devant exister entre les organisations économiques et politiques du prolétariat " (syndicats et partis politiques), confirmant ainsi les statuts de la CGT – créée en 1895 au congrès de Limoges par la Fédération des Bourses du travail et la Fédération des syndicats – où figurent déjà cette conception de l'indépendance des syndicats vis-à-vis des partis politiques ; une spécificité française. Plus d'un siècle après, elle est toujours la référence privilégiée de la majorité des organisations syndicales.
Cependant, le congrès d'Amiens se tient dans un contexte particulier, celui de l'affrontement de plusieurs courants pour le contrôle du mouvement ouvrier et de la définition des rapports entre la CGT et le Parti socialiste - SFIO (Section française de l'Internationale ouvrière), créé un an plus tôt et dont les leaders sont Jean Jaurès et Jules Guesde. Les anarcho-révolutionnaires – à la tête du syndicat (Victor Griffuelhes, Emile Pouget) – défendent le principe de l'indépendance syndicale et rejettent toute relation entre parti politique et syndicat, ce dernier étant chargé de réaliser la révolution. En revanche, les guesdistes estiment que la classe ouvrière doit être unie et préconisent une entente entre la SFIO et la CGT ; pour eux, le syndicat – chargé de faire pénétrer les idées socialistes dans le monde du travail – doit être subordonné au parti, chargé de faire la révolution. Enfin, les réformistes accordent une grande importance aux syndicats dans la lutte pour des réformes partielles préparant l'avènement du socialisme mais font la distinction entre action politique et action syndicale. Avec 830 voix sur 839, la victoire revient aux syndicalistes révolutionnaires, alliés aux réformistes. La motion rappelle que "La CGT groupe, en dehors de toute école politique, tous les travailleurs conscients de la lutte à mener pour la disparition du salariat et du patronat.". Elle reconnaît la lutte des classes, se donne pour mission la préparation de l'émancipation intégrale par l'expropriation capitaliste grâce à l'action directe (la grève générale) et laisse au syndiqué la liberté d'adhérer aux groupes politiques et philosophiques de son choix mais sans "introduire dans le syndicat les opinions qu'il professe en dehors." La jeune CGT affirme ainsi son indépendance et son autonomie face au politique, à une époque où la CGT est la seule organisation syndicale et la SFIO l'unique parti politique à gauche. La Charte d'Amiens – ainsi dénommée dès 1912 – marque la victoire du syndicalisme révolutionnaire dans le mouvement ouvrier du début du XXe siècle.
Après la Première puis la Seconde Guerre mondiale, la CGT connaît deux scissions, sur la question des rapports au Parti communiste, lui-même né en 1921 d'une scission de la SFIO. En 1921, est ainsi créée la CGT-U, proche du PCF. La réunification de la CGT a lieu en 1935 au congrès de Toulouse. En 1947, dans le contexte de l'entrée en Guerre froide, la CGT connaît une nouvelle scission : c'est la naissance de FO, héritière de la branche réformiste de la CGT. La CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens), créée en 1919, connaît elle aussi une scission, en 1964 : une majorité en faveur de la "déconfessionnalisation" fonde la CFDT (Confédération française démocratique du travail).