La Somme entre sa source et le canal de Saint-Quentin

13 décembre 1978
02m 40s
Réf. 00539

Notice

Résumé :

Découverte de la Somme qui avant d'être un fleuve, est un ruisseau qui prend sa source à Fonsommes dans l'Aisne. On la suit au bord des ses rives puis en images aériennes jusqu'aux abords de Saint-Quentin où pendant un moment elle fait cours commun avec le canal de Saint-Quentin que Napoléon avait fait construire.

Type de média :
Date de diffusion :
13 décembre 1978
Source :
FR3 (Collection: Terroir )

Éclairage

Avec 245 km de long et un dénivelé de 80 m, la Somme s'écoule lentement vers Saint-Valery-sur-Somme, dans une vallée qui tranche le plateau crayeux picard. Cette vallée se caractérise par une mosaïque originale de paysages, associant notamment marais, tourbières, pâtures et zones boisées, très différents de ceux du plateau. Ces milieux, résultant d'une imbrication entre des dynamiques naturelles et des actions humaines, constituent un patrimoine remarquable qui se conjugue avec une richesse du patrimoine bâti, historique, architectural et culturel.

La vallée de la Somme, relativement large (500 m en moyenne et plus de 3 km par endroits) par rapport aux débits moyens du fleuve (35 m3/s à Abbeville), a été façonnée par des dynamiques géomorphologiques changeantes, notamment depuis le dernier maximum glaciaire (il y a environ 18 000 ans) (1) La forme des versants est, en grande partie, due à des processus périglaciaires (cryoclastie (2) , cryoturbation (3) et solifluxion (4)) qui se sont produits durant cette période froide (5). Les versants exposés au Sud et au Sud-Est, généralement moins pentus, ont été recouverts par les limons et les sables (lœss) apportés par le vent. Le réseau de chenaux à tresses mobiles, qui occupait le fond de la vallée, a progressivement été remplacé par un chenal unique et sinueux, creusé dans des dépôts tourbeux qui se sont accumulés il y a 10 000 à 5000 ans. Les versants ont, eux aussi, été façonnés lors de ces épisodes paléo-climatiques. En rive droite, exposée au sud, ils ont subi une intense cryoclastie (éclatement de la roche causée par une alternance gel-dégel) pendant les périodes glaciaires alors que les versants de rive gauche, actuellement moins pentus, ont été recouverts par les limons et les sables apportés par le vent ainsi que par des alluvions. Les principales composantes naturelles de la vallée sont établies depuis le milieu de l'Holocène (il y a 5000 à 6000 ans) : un chenal sinueux dans une vallée colmatée par des tourbières, des limons et des dépôts issus de l'érosion des versants dissymétriques. Il en résulte des milieux très variés (zones humides de fond de vallée, bocages, pelouses calcicoles -"larris"- sur les versants exposés au sud...) vecteurs de richesse écologique.

Les premières traces d'occupation humaine identifiées datent du Paléolithique moyen. Depuis l'Antiquité, la vallée de la Somme est un axe stratégique et commercial comme en attestent les oppida gallo-romains, les villes bastionnées et les citadelles médiévales, notamment (6). Pour améliorer le transport marchand, pratiqué dès l'Antiquité, le fleuve a été canalisé (entre 1770 et 1835) entre Amiens et Saint-Simon, où aboutit le canal de Saint-Quentin (appelé aussi canal de Picardie), réalisé entre 1730 et 1776 pour relier l'Oise, la Somme et l'Escaut. Durant la Première Guerre mondiale, une partie de la ligne de front traversait la haute Somme (des traces sont visibles dans le paysage des secteurs de Cléry-sur-Somme et Frise). La vallée fut fortifiée durant la Seconde Guerre mondiale (des blockhaus sont encore présents le long du fleuve) et servit de ligne de démarcation en 1941.

Les ressources ont fixé une structure d'habitat qui s'est maintenue après la révolution industrielle. La pêche, activité importante du Moyen Âge au XIXe siècle, approvisionnait les marchés parisiens. Du XIIe siècle à l'après-guerre, la tourbe était extraite pour être utilisée comme combustible et amendement agricole. Il en résulte des étangs aux formes géométriques (appelés "entailles" ou "clairs"). Certaines zones tourbeuses ont été mises en culture (exemple des hortillonnages, qui constituent 300 ha de jardins maraîchers au cœur de la ville d'Amiens). La force motrice de l'eau était exploitée dès le Moyen Âge, jusqu'à la révolution industrielle, grâce à des moulins, pour différents usages (textile et métallurgique, notamment).

La vallée, qui concentre aujourd'hui 70% de la population du département de la Somme, est aussi son principal territoire de loisir et de tourisme, comme en attestent de nombreux campings, étangs de pêche et huttes de chasse. De nouvelles pratiques, telles que le tourisme fluvial et le cyclotourisme, s'y développent dans une perspective de valorisation et de préservation patrimoniales.

(1) http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosclim1/rechfran/4theme/paleo/somme.html

(2) Eclatement de la roche causée par une alternance gel-dégel.

(3) Déformations in situ du sol dues aux alternances de gel-dégel (http://www.unifr.ch/geoscience/geographie/ssgmfiches/pergelisol/3205.php)

(4) Déplacement plastique (sous l'effet de la gravité) des matériaux meubles à forte capacité d'absorption d'eau d'un versant (pente de 5° à 40°), avec création d'une niche de décollement et d'un bourrelet d'accumulation ou loupe (http://www.unifr.ch/geoscience/geographie/ssgmfiches/pergelisol/3204.php).

(5) ANTOINE P., LIMONDIN-LOZOUET N., AUGUSTE P., LAMOTTE A., BAHAIN J.-J., FALGUERES C., LAURENT M., COUDRET P., LOCHT J.-L., DEPAEPE P., FAGNART J.-P., FONTUGNE M., HATTE C., MERCIER N., FRECHEN M., MOIGNE A.-M., MUNAUT A.-V., PONEL P., ROUSSEAU D.-D. (2003), Paléoenvironnements pléistocènes et peuplements paléolithiques dans le bassin de la Somme (nord de la France), Bulletin de la Société préhistorique française, 100, 1, pp. 5-28. (www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bspf_0249-7638_2003_num_100_1_12790)

(6) IZEMBART H. et LE BOUDEC B. (2007), Atlas des paysages de la Somme. Ministère de l'Écologie, du développement et de l'aménagement durables (www.picardie.developpement-durable.gouv.fr/atlas-des-paysages-de-picardie-a632.html)

Stéphane Desruelles

Transcription

(Musique)
Journaliste
Une source née dans les cressons et les roseaux. C’est ici à Fonsommes, au nord-est de Saint-Quentin que l’on trouve la première trace de la Somme. La Somme, cette artère essentielle du coeur picard. La Somme, route fluviale, agréable voie d’eau, mais surtout fleuve chargé d’histoires. Car si l’histoire peut se lire au fil de l’eau, la Picardie possède avec la Somme un inépuisable récit. La rivière au Samara des Gaulois coulait au milieu des marais et d’une civilisation lacustre. Sur la Somme d’aujourd’hui, les péniches ne troublent plus guère pêcheurs et chasseurs. De l’une à l’autre, la remontée dans le temps passé devient vite le plus passionnant des voyages. Suivons donc au fil de l’eau ce ruisselet qui coude entre deux rideaux d’arbres, mais qui va devenir très vite rivière, doublée sur une partie de son cours par le canal, puis coulant elle-même canalisée.
(Musique)
Journaliste
La première grande citée arrosée par la Somme, c’est Saint-Quentin avec déjà les premières lettres de noblesse de la rivière. C’est à Saint-Quentin en effet que trois mois après le coup d’état de 18 brumaires ; Bonaparte premier consul se rendit pour étudier sur place le tracé du futur canal de Saint-Quentin. Un canal qui devait joindre la Somme et l’Oise à l’Escaut, et constituer la liaison par eau entre Paris, le Nord et la Belgique. Huit ans plus tard, Napoléon empereur inaugura le nouveau canal de Saint-Quentin au cours de son voyage de noces avec Marie-Louise. De ce canal de Saint-Quentin, la Somme n’est plus aujourd’hui qu’un modeste affluant perdu à jamais comme voie de commerce local.
(Musique)