La longue paume en Picardie
Notice
Reportage découverte de la longue paume qui se joue dans la Somme et l'Oise. Marcel Lazure, historien du jeu, explique les origines de ce jeu de raquette qui remontent à l'Antiquité. Au départ on jouait à la main puis la raquette est apparue et a été perfectionnée par un picard au XIXe siècle. R Leclaire, détaille les caractéristiques de la raquette et de la balle. Le jeu se pratique sur le principe du gagne terrain : l'objectif est de faire mourir la balle dans le camp adverse, délimitant à l'aide de chasses un nouvelle limite de camp. A Leclaire explique la différence entre la partie à terrée et la partie enlevée. M Lazure explique que le décompte des points des jeux (en distances gagnées calculées en pieds) sont utilisées aujourd'hui au tennis. François Fay, trésorier de la fédération, parle de sa passion pour son sport favori.
Éclairage
Issue de la Phéninde (phaeninda) grecque, le jeu de longue paume qui se distingue de la courte paume, ne se pratique plus de nos jours qu'en Picardie. La "longue" paume correspondent à un jeu long se pratiquant sur un terrain d'environ 65 à 80 mètres situé plutôt à la campagne, joué par des paysans à l'origine et la "courte" paume correspond à un jeu court se pratiquant sur un terrain d'environ 30 mètres, en ville et en intérieur, pratiqué par des citadins bien souvent aisés.
Comme l'explique Marcel Lazure (1), le jeu de paume a longtemps été pratiqué avec la paume de la main.
L'on s'est ensuite protégé la main de lanières de peau ou de cuir de gants, puis est apparu la battoir, sorte de morceau de bois servant parallèlement à battre le linge au lavoir, pour voir apparaître la raquette au début du XVIe siècle. Le jeu de paume à l'état pur, sans protection est encore pratiqué de nos jours en Picardie par une centaine de joueurs appartenant à la Fédération française de balle à la main, ainsi qu'au Pays Basque par les joueurs à "main nue " avec un "pelote" de 85 grammes. D'autres pratiquent le jeu de paume en se protégeant la main de gants à l'image des membres de la Fédération Française des jeux de balle dans la région de Maubeuge (Nord) qui se regroupe environ 650 licenciés. Une majorité d'entre eux pratiquent d'ailleurs en Belgique attirés par les gains non officiels récoltés lors des tournois.
C'est à l'intérieur des abbayes, des monastères et des châteaux que s'est perpétuée cette tradition paumiste. Les nobles pratiquaient le jeu de paume à l'intérieur de leurs châteaux et extériorisaient cette pratique au moment des fêtes patronales en faisant participer la population rurale lors des rencontres avec leurs voisins. Dès le XVIe siècle, des restrictions étaient apportées à la pratique de la paume chez les ecclésiastiques trop souvent vus débraillés.
Le jeu de paume connut son apogée au XVIe siècle sous le règne de François 1er où l'on comptait 250 salles de jeu de courte paume à Paris qui occupaient 7000 personnes directement ou indirectement. A l'époque, Amiens possédait 10 jeux de paume à l'image de nombreuses villes de province.
Louis XIV fut le responsable du déclin du jeu de paume en France, et par extension en Europe en vu de son formidable rayonnement, pour favoriser les jeux de l'esprit, le théâtre, le billard, pour mettre la balle à hauteur de son corps vieillissant.
Le sport disparut dons des habitudes françaises durant près de deux siècles. Ce sont les Anglais qui après avoir rencontré nos habitudes sportives lors des différents conflits, comme la guerre de Cent Ans, qui nous renvoyèrent les sports dits modernes au milieu du XIXe siècle : le tennis par le major Wingfield en 1874, issu du jeu de paume, le football et rugby en 1863 issu de la soule...
La courte paume n'est plus pratiquée en France aujourd'hui que dans quatre salles, au château de Fontainebleau, rue Lauriston à Paris, à Mérignac près de Bordeaux et à Pau.
Les Picards auraient continué à pratiquer les jeux de paume sous les différentes formes que l'on retrouve aujourd'hui encore, par conservatisme, par atavisme dans une forme de clandestinité. Tout comme pour la religion protestante, elle a curieusement perduré dans de nombreux endroits en Picardie comme la vallée de l'Hallue qui a conservé de nombreux temples. La clandestinité, l'éloignement auraient permis de faire perdurer ces activités tant sportives que religieuses, de nombreux villages n'ayant pratiqué qu'une forme de jeu de paume et aucun autre sport à la mode comme le football...
On ne retrouve cette tradition de jeux à chasses qu'en Picardie, au Pays Basque et en Hainaut.
La longue paume est pratiquée dans le sud de la Somme et dans le nord de l'Oise par environ 2000 licenciés, sous forme terrée ( 6 contre 6 et il n'y a pas d'obstacle à franchir à chaque échange, on peut donc rabattre "terrer" la balle au sol ) et enlevée ( 2 contre 2 ou 4 contre 4, la balle doit franchir une zone neutre (fossé) à chaque échange), comme c'est expliqué dans ce reportage.
Comme pour le ballon au poing, elle a perduré grâce à l'esprit de famille, de clocher, avec la même évolution lente vers la mixité entre villages.
L'impact du jeu de paume en France est considérable au vu des expressions qui sont présentes dans la langue française : Qui va à la chasse, perd sa place, quand les équipes permutent, jeu de main, jeu de vilain( paysan), pour différencier ceux qui avaient les moyens d'acheter une raquette, tomber à pic quand la balle tombe dans l'angle entre le mur et le sol, épater la galerie car à la courte paume, des galeries protègent les spectateurs, rester sur le carreau pour le dallage posé sur le sol, prendre la balle au bond pour les opportuns, les enfants de la balle pour les enfants des paumiers dont c'étaient le métier...
Une Confédération Internationale du Jeu de Balle (CIJB) ayant pour objet de gérer et promouvoir la pratique des différents jeux de balle dérivés du Jeu de paume existe depuis 1928. Elle regroupe 11 fédérations nationales : l'Argentine, la Belgique, la Colombie, l'Équateur, la France, l'Italie, le Mexique, les Pays-Bas, l'Espagne, l'Uruguay et l'Angleterre.
Au Pays Basque, la pelote est depuis toujours une activité incontournable de la culture et de l'identité régionale. Elle regroupe prés de 20 000 licenciés et s'exporte dans le monde entier.
En Picardie, nous sommes loin de cet engouement, alors que la sauvegarde de ce geste ancestral devrait être considéré comme un élément prépondérant de notre identité régionale.
(1) Marcel Lazure, Les jeux de balle et ballon picards : ballon au poing, balle à la main, balle au tamis, longue paume, Centre régional de documentation pédagogique de Picardie, 1981, réédité en 1996.