Le tir à l'arc en Picardie entre tradition et modernité
Notice
En Picardie, dans le Pays d'Arc on pratique le tir Beursault. L'Archerie fait partie du patrimoine et la tradition. On continue avec la cérémonie du tir à l'oiseau à désigner le roi de la Compagnie. Le Beursault se pratique comme sport depuis le XXe siècle. Cependant le tir à l'arc a évolué tout comme le matériel utilisé. Le tir à l'arc moderne se pratique sous différentes disciplines : tir à l'arc fédéral, tir olympique, field, tir en salle.
- Europe > France > Picardie > Somme > Montdidier
Éclairage
Le tir à l'arc est une pratique héritée des jeux traditionnels de l'Ancien Régime. Loin de tomber dans l'oubli après cette période (à l'inverse du jeu de paume ou de la soule), il poursuit son développement, principalement dans le nord de la France, et notamment en Picardie. Place forte du tir à l'arc, la région dispose encore d'un vivier important de pratiquants au milieu des années 1970 (plus de 2000 licenciés rattachés à la Fédération Française de Tir à l'Arc). Cette vitalité tient principalement au fait que les Compagnies d'arc picardes constituent depuis leurs débuts des "conservatoires" de la sociabilité traditionnelle locale. Ces structures s'attachent en effet à tisser des liens étroits entre la pratique du tir à l'arc et les traditions régionales. Elles pérennisent notamment le tir "Beursault", dont l'originalité tient au fait qu'il se déroule dans un espace spécifiquement aménagé, le "Jeu d'arc" ou "Jardin d'arc". Des épreuves sont notamment organisées lors des "Bouquets provinciaux", qui sont des rencontres entre les Compagnies d'arc de la région. Mais la tradition pénètre également l'intimité du cadre associatif. Les Compagnies d'arc organisent en effet annuellement des concours de "tir à l'oiseau" afin de désigner le "Roy de la compagnie", qui ordonne la destitution du bureau de l'association et l'organisation de nouvelles élections.
Par-delà leur aspect folklorique, ces manifestations font partie intégrante de l'identité des archers picards. Elles leur donnent en effet le sentiment de partager une histoire commune. D'où l'importance conférée aux rituels. Par exemple, les "Bouquets provinciaux" démarrent par un défilé des Compagnies d'arc et incluent la célébration d'une messe. La pratique du tir "Beursault " requiert, pour sa part, le respect de certains usages : saluer les autres participants avant le premier tir ("Mesdames, Messieurs les archers je vous salue"), se conformer aux règles de déplacement dans le « jeu d'arc » (emprunter à bon escient « l'allée des chevaliers » ou "l'allée du Roy") ou encore utiliser un vocabulaire spécifique (la « butte maîtresse », la « butte d'attaque », les « gardes », le décompte des points par des "honneurs", des "chapelets" et des"noirs"). Les Compagnies d'arc favorisent ainsi l'attachement au patrimoine régional mais aussi à la communauté associative.
Or, au cours des années 1970, ces structures font face au développement du tir à l'arc sportif (ou tir fédéral). Les responsables de la Fédération Française de Tir à l'Arc soutiennent ce mouvement car c'est un moyen d'attirer un nouveau public (plutôt jeune et en phase avec la modernité sportive), et donc de faire progresser les effectifs de licenciés. Le tir fédéral transige alors fortement avec les formes traditionnelles de pratique pérennisées au sein des Compagnies: il est dépourvu de toute fonction rituelle et festive, impose des règles fixes, crée des catégories d'affrontement et de classement (par âge, par sexe, etc.), cantonne la pratique du tir à l'arc dans des sites réservés et normalisés (le stade, la salle) et, enfin, oppose aux temps aléatoires des jeux traditionnels un temps ordonné et précisément découpé. Bref, aux yeux des "puristes", l'avènement du tir à l'arc sportif met en péril l'existence même des Compagnies, notamment parce qu'il prend ses distances avec l'ensemble des rituels qui assurent la cohésion associative. Si des tensions naissent du fait de l'imposition progressive du modèle fédéral, cette situation n'entraîne pas pour autant la disparition des formes traditionnelles de tir mais plutôt l'émergence d'un compromis entre tradition et modernité. Ainsi, à côté des "Bouquets provinciaux", qui se perpétuent en Picardie, on assiste à la mise en forme sportive du tir "Beursault", c'est-à-dire l'organisation de compétitions reconnues par la Fédération Française de Tir à l'Arc.