Découverte du site paléontologique de Sansan
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Résumé
Francis Duranthon, paléontologue, revient sur la découverte du site de Sansan par Édouard Lartet en 1834. C’est là que fut trouvé le premier primate fossile, une étape marquante dans les sciences du XIXe siècle. Il nous emmène par la suite sur les traces d’Édouard Lartet.
Date de publication du document :
14 sept. 2021
Date de diffusion :
13 déc. 1996
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Contexte historique
ParIngénieure d'études au Service régional d'archéologie Occitanie
Publication : 14 sept. 2021
Édouard Lartet est né en 1801 à Castelnau-Barbarens, dans le Gers. Issu d’une famille de propriétaires terriens aisés, établie dans le département depuis cinq siècles, il fait ses études au lycée d’Auch puis à la faculté de droit de Toulouse. Reçu avocat en 1820, il profite d’un stage d’avoué à Paris pour suivre des cours au Collège de France et se former à la paléontologie, discipline alors naissante, au Muséum national d’histoire naturelle. Il revient ensuite dans le Gers, où il dirige le domaine familial et exerce quelques années en tant qu’avocat. Il se consacre à la paléontologie et à la géologie pendant ses loisirs, puis en permanence grâce à ses rentes.
En 1833, en remerciement de conseils juridiques, Édouard Lartet reçoit une dent de mastodonte provenant d’un lieu nommé « lo camp de los ossos » à Sansan (Gers). Dès 1834, il y entreprend des fouilles. Ce gisement tertiaire livre de nombreux fossiles : Édouard Lartet identifie près d’une centaine de mammifères et de reptiles. En 1836, il découvre une mâchoire d’un grand singe. Ce fossile démontre que le singe, et par conséquent l’homme, étaient présents sur Terre depuis plus longtemps qu’on ne le croyait alors. Il s’agit d’une véritable révolution des connaissances scientifiques de l’époque. En 1840, Édouard Lartet s’installe à La Bernisse, à Seissan (Gers). En 1851, avec Charles Laurillard, il tente de comprendre à quoi ressemblait le Mastodonte en comparant des os découverts à Sansan avec d’autres provenant de Simorre ou de Villefranche-d’Astarac.
L’activité paléontologique d’Édouard Lartet ne se limite pas au seul gisement de Sansan : avec Pierre Saint-Martin, il prospecte et fouille le site de Malartic à Simorre (Gers). En 1852, il s’installe à Toulouse, puis à Paris deux ans plus tard. Pendant les vingt années qui suivent, il s’intéresse à l’homme-fossile et poursuit ses recherches dans les Pyrénées, l’Aveyron et le Périgord. En 1864, dans l’abri de La Madeleine (Dordogne), il découvre un fragment d’ivoire sur lequel est gravé un mammouth. Les travaux qu’il mène dans le Sud-Ouest de la France lui permettent de prouver l’ancienneté de l’homme, de suggérer l’existence d’un art préhistorique et d’établir une première chronologie de cette période en France. Ils lui offrent en outre une consécration nationale et internationale qui lui vaut, en 1869, d’être nommé professeur de paléontologie au Muséum national d’histoire naturelle. Il ne peut cependant pas y enseigner : des problèmes de santé le conduisent à se retirer dans sa ferme de La Bernisse, où il s’éteint en janvier 1871.
Grâce à sa double compétence de géologue et de préhistorien, son fils Louis, né à Castelnau-Magnoac (Gers) en 1840, participe aux recherches sur le site préhistorique des Eyzies-de-Tayac (Dordogne). Il étudie le célèbre Homme de Cro-Magnon qui vient d’y être découvert et en publie les caractéristiques en 1868. Ce travail fondamental le consacre comme l’un des pionniers de la Préhistoire. En 1899, il décède dans le Gers, où il a pris une retraite prématurée pour des raisons de santé. Il repose près de son père au cimetière de Seissan. Les papiers scientifiques d’Édouard et de Louis Lartet ont été acquis par la bibliothèque universitaire de Toulouse vers 1902. La quasi-totalité de ces documents a échappé à l’incendie qui a ravagé la section médecine-sciences en 1910. Ils sont aujourd’hui conservés à la bibliothèque de l’Université de Toulouse 1 Capitole. La correspondance personnelle d’Édouard Lartet est, quant à elle, conservée aux Archives départementales du Gers.
Sur le site de Sansan, acheté par l’État en juin 1849, les fouilles se sont poursuivies jusque dans les années 1990. Un sentier paléontologique, ouvert à la visite en 2018 par la communauté de communes Val-de-Gers, a été conçu avec le soutien de scientifiques du Muséum national d’histoire naturelle. Le département du Gers compte de nombreux autres gisements paléontologiques, comme ceux d’En Péjouan et de Malartic sur la commune de Simorre, ou encore à Montréal-du-Gers, où un site majeur a été découvert par hasard en 1988.
Bibliographie
- François Bon, Sébastien Dubois et Marie-Dominique Labails (dir.), Le muséum de Toulouse et l’invention de la préhistoire, Toulouse, Éditions du Muséum, 2010.
- Francis Duranthon, « Portrait de deux pionniers de la science préhistorique en pays toulousain », Mémoires de l’Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, 2017, p. 101-114.
- Laurent Goulven, « Édouard Lartet (1801-1871) et la paléontologie humaine », Bulletin de la Société préhistorique française, 90-1, 1993, p. 22-30.
- Hommage à Édouard Lartet, paléontologue et préhistorien (1801-1871), publication de la Société archéologique du Gers, 1971.
- Papiers scientifiques d'Edouard et de Louis Lartet. [en ligne]. https://tolosana.univ-toulouse.fr/fr/corpus/archives-prehistoriens/lartet (consulté le 04/06/2021)
- Édouard Lartet (1801-1871) [en ligne]. https://archeologie.culture.fr/sources-archeologie/fr/edouard-lartet-1801-1871 (consulté le 04/06/2021)
- https://gallica.bnf.fr/accueil/fr/ Rechercher « Édouard Lartet » pour consulter ses publications disponibles en ligne.
- Arch. dép. du Gers, 94 J, Fonds Édouard Lartet.
Transcription
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Jean-François Bataille
Maintenant, je vais vous emmener dans un site assez extraordinaire qui se trouve à quelques dizaines de kilomètres de ce château de Montluc, derrière ces collines.Et on va en parler avec Francis Duranthon qui est l’un des grands spécialistes de la paléontologie, notamment du Gers.Ce site, qui se trouve un peu plus loin là-bas donc, est connu de tous les paléontologues du monde. Du fin fond de la Chine à l’Australie, on connaît le gisement de Sansan dans le Gers.Il a été découvert par Édouard Lartet, en quelle année Francis Duranthon ?
Francis Duranthon
Alors il a été découvert en 1834 par Édouard Lartet.Et c’est dans ce site assez extraordinaire que Lartet a découvert pour la première fois au monde un primate fossile.On me dirait, trouver un petit singe pour la première fois au monde, on en a trouvé depuis.Pourquoi est-ce que c’est extraordinaire ?C’est tout simplement, il faut se replacer au XIXe siècle.Au XIXe siècle, à l’époque, en 1834, Darwin n’avait pas encore écrit l’évolution des espèces.Et près de cette petite ferme du Campané, Édouard Lartet a trouvé un primate fossile et il a fait la preuve que les créationnistes avaient tort, que l’évolution existait puisqu’on trouvait des primates fossiles, on pouvait trouver des hommes fossiles.Et puisqu’on pouvait trouver des hommes fossiles, la chasse à l’homme fossile s’est organisée à travers l’Europe entière et elle a donné naissance comme ça à un mouvement extraordinaire.Et on a découvert l’Homme de Néandertal, l’Homme de Cro-Magnon, et c’est d’ailleurs le fils même d’Édouard Lartet, Louis Lartet, qui a décrit l’Homme de Cro-Magnon.
Jean-François Bataille
Alors, tout ça nous paraît simple aujourd’hui, mais dans le contexte historique de l’époque, c’était loin d’être évident. Comme vous le disiez, Darwin n’avait pas encore écrit sa théorie de l’évolution.On était en pleine période des créationnistes et tout d’un coup, il y a Lartet qui dit :"non, mais attendez, ce n’est pas du tout ce que vous imaginez ! "
Comment a-t-il été jugé par ses pairs ?
Francis Duranthon
Alors déjà au départ, il faut se mettre à la place des scientifiques de l’époque.Un avocat, quelqu’un qui ne connaît rien à la science par définition,un avocat leur dit qu’ils ont tort.Donc bien évidemment on a envoyé une commission d’enquête.Il y a eu une commission d’enquête qui a été pilotée, diligentée depuis Paris par Geoffroy Saint-Hilaire, qui a expertisé les restes qu’avait découvert Édouard Lartet dans ce "camp de los ossos", le champ aux ossements comme l’appelaient les paysans du coin.Et ils se sont rendus compte qu’Édouard Lartet, tout avocat qu’il était, ne s’était pas trompé.Et Lartet avait bien un primate fossile.
Jean-François Bataille
C’était un personnage passionnant à qui on a rendu hommage beaucoup plus tard.Il faut dire que c’était quelqu’un de très discret, modeste, qui a passé sa vie à s’interroger sur la destinée humaine et qui n’aimait pas trop les honneurs.
Francis Duranthon
Il n’aimait pas trop les honneurs.Il a été membre à titre honorifique de plusieurs académies ou sociétés savantes que ce soit en France mais aussi jusqu’à Saint-Pétersbourg, en Angleterre, enfin un petit peu partout.Mais c’était un homme qui ne recherchait pas spécialement les honneurs, et qui d’ailleurs maintenant est injustement méconnu.Je crois d’ailleurs qu’un livre vient de paraître sur les grandes figures de Gascogne où Lartet ne figure pas.Donc ça montre bien à quel, comment dire... la modestie de cet homme qui pourtant, à lui tout seul, révolutionnait toute la recherche du XIXe siècle.
Jean-François Bataille
Alors, on va essayer de voir à quoi il ressemblait Édouard Lartet.On va partir découvrir sa maison natale et voir son buste, pour voir quelle tête il avait ce cher Édouard.
Francis Duranthon
Voilà, le buste d’Édouard Lartet tel qu’on peut l’observer au château d’Ornézan où il a vécu, et nous sommes ici là, dans la ferme où il est né.La ferme qui se situe à Saint-Guiraud, pas très loin du Castelnau-Barbarens que vous voyez ici,qui est une petite ferme, dans laquelle Édouard Lartet est né en 1801 et il a vécu donc la majeure partie de sa vie dans le Gers.Il a fait quelques voyages à Paris bien évidemment et ce n’est qu’à la fin de sa vie, en 1870, qu’il a été nommé professeur au Muséum national, à Paris.Malheureusement il est mort en 1871 sans avoir eu le temps de professer son cours inaugural.
Jean-François Bataille
Il faut dire, pour terminer que Édouard Lartet, à son avantage, avait un terrain privilégié qui sont toutes ces collines du Gers que vous voyez derrière nous, qui sont une mine d’or pour les paléontologues.Il faut s’imaginer quelques millions d’années en arrière, il y avait dans ces campagnes des éléphants, des antilopes qui gambadaient, c’est bien ça ?
Francis Duranthon
C’est tout à fait ça.Ces collines sont un véritable eldorado du paléontologue, c’est facile à comprendre.Nous sommes au pied des Pyrénées.À cette époque, il y avait un climat qui érodait beaucoup. Beaucoup de sédiments ont été arrachés aux montagnes, déposés dans les plaines et aux périodes de crues, les animaux qui gambadaient dans ces plaines, les éléphants, les girafes dont vous parlez, se sont fait capturer et ont été déposés au sein de toutes les couches du terrain que nous avons derrière nous.
Jean-François Bataille
Bel hommage à Édouard Lartet qui a révolutionné donc les sciences du XIXe siècle.
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Date de la vidéo: 05 mars 1992
Durée de la vidéo: 04M 35S