Les retombées économiques des Jeux Olympiques d'Albertville, un an après
Notice
Un an après les Jeux Olympiques d'hiver de 1992, la ville d'Albertville dresse un bilan des retombées économiques pour la vallée de la Tarentaise en termes d'infrastructures et d'emplois. Les difficultés financières sont sensibles.
Éclairage
Le 8 février 1993, l'édition du soir du Journal télévisé Rhône-Alpes, présentée par Jacques Paté, souhaite revenir sur les retombées économiques des XVIème Jeux olympiques d'hiver, à Albertville, à l'occasion du premier anniversaire de leur ouverture. Bien plus qu'un instrument politique, l'événement sportif avait en effet d'abord été traversé par des enjeux d'aménagement du territoire et d'économie locale, depuis l'amélioration de la gestion des eaux usées et des ordures ménagères des villes et stations très sous-équipées de la Savoie jusqu'au désenclavement de la vallée de la Tarentaise.
Le reportage de Christian Deville s'appuie sur des chiffres, incrustés à l'écran, alors que défilent les vues aériennes des infrastructures sportives et routières et quelques gros plans sur des épreuves des Jeux olympiques. La démonstration se veut rationnelle : les Jeux ont permis de débloquer 12 milliards de francs d'investissement et de créer 14 000 emplois, mais le bilan s'avère finalement mitigé. Sur le premier aspect, le journaliste rappelle que plusieurs sites étaient concernés. Autour d'Albertville, treize autres communes, modestes villages ou stations renommées, ont en effet bénéficié du précieux label olympique et accueilli des épreuves ou des services. Si plusieurs d'entre elles ont connu une réelle accélération de leur développement, beaucoup se sont aussi retrouvées en situation financière très difficile. Christian Deville prend à juste titre l'exemple de Brides-les-Bains, dont la municipalité ne sut plus que faire face aux refus des banques et au désengagement des instances politiques régionales et nationales : à la suite des Jeux, la commune devait 70 millions de francs pour un budget annuel de 18 millions.
Intelligemment, les images du reportage s'attardent aussi davantage sur des sports relativement confidentiels en France comme le bobsleigh ou le curling plutôt que sur les pistes de ski, pour évoquer sans l'énoncer la question de la reconversion des équipements après les Jeux olympiques. Celle-ci fut cependant plutôt bien réussie. Dans le cas de La Plagne, évoqué dans le film et qui devait gérer les pistes de bobsleigh et de luge, douze compétitions de haut-niveau seront organisées en 1993 et 1994, soit une exploitation optimale sur le plan sportif. Une association, Bob Luge France La Plagne 95, fut aussi créée pour promouvoir ces équipements auprès du grand public. Une pratique récréative de « Taxi bob » et de « Bob raft » se développa, en drainant de 100 à 300 personnes par jour pendant la saison hivernale. Ce bilan, complété par des visites touristiques payantes (10 000 pendant l'été 1992, mais 4000 seulement pendant l'été 1993), demeura cependant loin de couvrir les 4 millions de francs annuels de gestion de ces équipements.
Le film se fait également critique quant aux emplois créés en relevant leur absence de pérennité. En fait, en dehors des équipements sportifs proprement dit, seuls 42% des marchés furent attribués à des entreprises locales, en réduisant d'autant l'impact économique direct en Savoie. La situation de l'emploi local est d'ailleurs suffisamment grave pour provoquer des manifestations de chômeurs au moment du reportage. Du reste, celui-ci confirme l'impact limité des Jeux par le constat, apparemment paradoxal, d'un taux d'implantation d'entreprises supérieur dans la Maurienne non-olympique à ce qu'il est dans la Tarentaise olympique. Les simulations socio-économiques plutôt pessimistes des scientifiques réalisées avant les Jeux mais non entendues par les pouvoirs politiques se sont avérées exactes. La communication externe de Michel Barnier, jeune député du Rassemblement Pour la République (RPR) au moment où, dès 1981, il s'associe au triple médaillé d'or de Grenoble Jean-Claude Killy pour monter le projet de candidature de la Savoie aux Jeux olympiques, n'a pas bougé 12 ans plus tard. Malgré les propos rassurants qu'il tient au début du reportage, l'ensemble de la démonstration semble sonner pour lui comme un désaveu.