Ouverture des JO d'hiver par le général de Gaulle
Notice
Les jeux olympiques d'hiver se déroulent cette année à Grenoble. Albert Michallon, président du COJO, et Monsieur Avery Brundage, président du CIO, tiennent des discours puis le général de Gaulle déclare ouverts les Xèmes jeux olympiques d'hiver.
- Rhône-Alpes > Isère > Grenoble
Éclairage
Le 6 février 1968 débutent pour deux semaines les Xèmes Jeux olympiques d'hiver de l'histoire, à Grenoble. Pour la cérémonie d'ouverture, l'ambiance est solennelle. La caméra s'attarde en traveling sur la succession des drapeaux en berne, puis en plongée sur la foule des 70 000 spectateurs réunis dans le stade provisoire monté pour la circonstance, afin de rendre compte de l'importance politique et populaire de l'événement. Le commentaire insiste d'ailleurs ultérieurement sur le nombre de téléspectateurs : avec plus de 500 millions de personnes devant le petit écran, la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques bénéficie d'une des couvertures médiatiques les plus fortes au monde. Les liens qui se mettent en place entre sport et télévision dans les années soixante ne se dénoueront plus.
Pour la première fois dans l'histoire des Jeux olympiques, le reportage est en couleur. Par ce choix, l'ORTF conforte la modernité que la Ville de Grenoble a souhaité associer à son image. Les commentaires sont assurés par Léon Zitrone, alors présentateur du Journal télévisé, animateur d'émissions populaires comme Intervilles et commentateur attitré du Tour de France, des Jeux olympiques et des grands événements de la planète. Trois personnages clés apparaissent successivement, suivant en cela le protocole du Comité international olympique (CIO).
Le docteur Albert Michallon, gaulliste membre de l'Union pour la Nouvelle République (UNR), intervient d'abord en tant que président du Comité d'organisation des Jeux olympiques (COJO). C'est lui qui envisage dès 1960, alors qu'il est à la tête de la municipalité grenobloise depuis un an, de proposer la candidature de la ville pour les Jeux d'hiver de 1968. Avec les stations concernées, son ambition visait simultanément à relancer l'économie montagnarde traditionnelle, à rattraper le retard de Grenoble en matière d'infrastructures et à en donner une image avant-gardiste, à promouvoir l'Isère et les Alpes comme des destinations touristiques privilégiées pour la clientèle étrangère et à dynamiser l'industrie française des articles de sports d'hiver. En 1964, la décision du CIO d'attribuer les Jeux à Grenoble amène Albert Michallon à fonder le COJO dont il prend la présidence, un an avant d'être battu aux élections municipales par son adversaire socialiste, Hubert Dubedout. Les conflits entre les deux hommes relatifs au chantier des Jeux olympiques dans les trois années qui précédent l'événement amènent Paris, initialement peu mobilisé, à reprendre les choses en main, comme le confirme peut-être l'absence totale d'une séquence sur Hubert Dubedout dans le reportage de l'ORTF.
Avery Brundage, président du CIO depuis 1952, prend ensuite la parole en anglais, pour des paroles convenues de remerciements terminées par quelques mots en français comme autant de signes de respect. L'Américain est à ce moment au cœur de problèmes géopolitiques, qui touchent pêle-mêle à la demande de reconnaissance d'une équipe indépendante d'Allemagne de l'Est, à la participation de l'Afrique du Sud aux Jeux malgré la politique raciale de Pretoria ou encore à celles, concurrentes, de Taiwan et de la Chine populaire. Les Jeux olympiques d'hiver sont certes moins touchés que les Jeux d'été - il n'y a que 37 nations présentes à Grenoble – mais la situation française est fortement marquée par la politique étrangère de De Gaulle. Les appels à la paix du président du CIO comme ceux de Michallon confirment ainsi combien le contexte de la guerre froide touche aussi le monde du sport.
Lorsqu'enfin, le Général De Gaulle prononce lentement les paroles rituelles d'ouverture des Jeux, la foule s'est levée dans un silence respectueux. La présence du président vient rappeler que l'événement engage le prestige du pays et que l'intervention massive de l'Etat dans sa préparation depuis 1965 n'avait pas seulement pour objet de calmer les querelles grenobloises. Le pays doit faire bloc et être fier d'accueillir le monde. Dans moins de trois mois, l'illusion unitaire s'effondrera sur les barricades parisiennes.