Les dernières années du XIXe siècle furent aussi les premières de ce qui n’était alors qu’une invention et une attraction, et qui devait devenir le septième art. Après celle du Kinétoscope d’Edison, l’invention du cinématographe par Louis Lumière permet la captation et la projection d’images animées. En 1895, les premiers films (Sortie des usines Lumière à Lyon, Arrivée du train en gare de La Ciotat, L’arroseur arrosé…) sont tournés. La première projection publique payante a lieu le 28 décembre 1895 dans un salon du Grand Café, boulevard des Capucines à Paris. Dès l’année suivante, la production de films s’intensifie et se diversifie : les opérateurs de Louis Lumière tournent des centaines de bandes documentaires, alors que, pour Gaumont, Alice Guy filme des saynètes mises en scène, et que Georges Méliès invente les trucages cinématographiques. Les projections publiques sont effectuées dans des lieux divers : salles de cafés, baraques de foire, grands magasins (provoquant en 1897 l’incendie du Bazar de la Charité à Paris), cafés-concerts.
En 1889 l’entrepreneur de spectacles marseillais Alfred Seguin achète un terrain pour faire construire un café-concert à La Ciotat. La nouvelle salle de spectacle est inaugurée le 15 juin 1889. Antoine Lumière, père de Louis et Auguste, s’est installé à La Ciotat en 1893. Il y a fait construire une magnifique demeure, appelée Le Palais Lumière, où a lieu, le 21 septembre 1895, une projection cinématographique devant plus de cent invités. Peu après, le 14 octobre 1895, Antoine Lumière organise une séance de projection à l’Eden, racheté depuis peu par son ami Raoul Gallaud. Mais c’est une séance privée limitée à quelques amis. Ce n’est que quatre années plus tard qu’eut lieu à l’Eden de La Ciotat une séance de projection publique et payante, le 21 mars 1899. Ce fut un succès, et une nouvelle séance eut lieu le lendemain. Il n’existe pas à l’époque de salle spécialisée dans le cinéma : ce sont des salles de spectacle qui reçoivent des chanteurs, du music-hall, du théâtre qui accueillent les projections, comme à l’Eden. En 1907, l’Eden est doté d’une installation électrique, qui facilite les projections cinématographiques.
Pendant plus de quatre-vingts ans, l’Eden de La Ciotat va alterner séances de cinéma muet, avec accompagnement piano et bruitage, puis parlant à partir de 1931, et pièces de théâtre ou encore tours de chant : Fernandel, Charles Trenet et Yves Montand s’y produisirent. Mais au début des années quatre-vingt, l’Eden, comme de nombreuses autres salles de spectacle, connaît la crise et la fermeture. Il fut un temps question de démolition, avant que la municipalité ne rachète le local en 1992. Il est inscrit en 1996 à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques. Quelques Ciotadins, regroupés dans une association, ont œuvré pour la réhabilitation de cette salle, berceau du cinéma. Ils ont eu le concours de l’arrière-petit-fils de Louis Lumière, Gilles Trarieux-Lumière, jeune médecin qui venait de s’installer à La Ciotat. La restauration de la salle à l’identique, avec des fauteuils en velours rouge, a nécessité seize mois de travaux. Le 9 octobre 2013, l’Eden, complètement restauré, est inauguré dans le cadre des festivités « 2013 Marseille-Provence, capitale européenne de la culture » : l’actrice Nathalie Baye coupe le ruban.