Tartuffe de Molière, mis en scène par Ariane Mnouchkine au Festival d'Avignon
Notice
Images d'échauffement de la troupe au Parc des Expositions d'Avignon et quelques courts extraits de la pièce, notamment à l'acte I, scène 5 et à l'acte II, scène 2. Ariane Mnouchkine explique avoir voulu montrer par sa mise en scène la survivance des fanatismes religieux, et le comédien Brontis Jodorowski insiste sur le caractère militant du spectacle.
- Tartuffe ( Molière - Auteur / Ariane Mnouchkine - Mise en scène)
Éclairage
Les raisons qui poussèrent Molière à écrire Tartuffe sont complexes. On sait qu'il était en butte à la méfiance du parti dévot depuis L'Ecole des femmes, et qu'il gardait par ailleurs quelque rancune au Prince de Conti, le premier protecteur de la troupe, d'être devenu au moment de sa conversion religieuse l'un des plus violents adversaires du théâtre. C'est donc vraisemblablement le parti dévot, et en particulier la Compagnie du Saint-Sacrement, sorte de « groupe de pression » religieux recrutant majoritairement dans l'aristocratie et les cercles proches du pouvoir, que Molière visait dans sa comédie : à travers le personnage de Tartuffe, vêtu de manière austère et sans épée comme un homme sur le point d'entrer dans les ordres, Molière attaque non pas la foi mais son instrumentalisation dans la société et les enjeux de pouvoir.
Pour mettre en valeur l'actualité du propos de Molière, Ariane Mnouchkine propose au Parc des Expositions d'Avignon une transposition de l'action dans le Maghreb musulman du XXe siècle : le décor est résolument oriental, avec grilles ouvragées, tapis et draps blancs étendus, musique raï en arrière-fond. Son Tartuffe porte la longue tenue noire des islamistes et le comédien qui l'incarne, comme la plupart des comédiens de la pièce, est étranger. À l'heure des fanatismes religieux, Mnouchkine conçoit son spectacle comme une œuvre de combat dont elle ne ferait qu'actualiser la cible. Si elle n'évacue pas la dimension comique de la pièce, elle la met cependant au service d'un propos sérieux, celui de la défense de l'amour et de la liberté contre les manœuvres de domination religieuse. Le parallèle avec le phénomène islamiste rencontre cependant une limite importante : Tartuffe est un hypocrite, un faux dévot, tandis que les terroristes islamistes sont des croyants fanatiques. La référence cesse donc progressivement d'être exploitée au cours du spectacle pour n'être plus à la fin qu'un trait de couleur locale.