L'Ecole des femmes de Molière, mis en scène par Antoine Vitez au CDN du Nord
Notice
Des extraits de l'acte II scène 5 du spectacle alternent avec des interviews du metteur en scène Antoine Vitez, qui met l'accent sur le caractère sentimental des quatre pièces de Molière mises en scène et rappelle le lien indissociable de la modernité à la tradition, et de Gildas Bourdet, directeur du Centre Dramatique National du Nord, qui vante la fécondité artistique de Vitez.
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Éclairage
Avec Tartuffe, Le Misanthrope, Dom Juan et L'Ecole des femmes, Antoine Vitez réunit les quatre « grandes comédies » de Molière, celles qu'il considère comme la clé de voûte de son œuvre. Trois d'entre elles sont en vers et présentent un registre et un lexique qui les rapprochent en dignité de la tragédie ; si la quatrième, Dom Juan, est en prose, elle comporte cependant des personnages nobles et des enjeux sérieux qui rappellent la comédie héroïque. Ainsi, lorsqu'il met en scène ces quatre pièces dans un même cycle, Antoine Vitez s'intéresse à un Molière grave, sondeur de l'âme humaine, voire métaphysicien, et n'hésite pas à reléguer au second plan ses visées comiques au profit d'une méditation sur la religion, le mariage ou la société des hommes. L'articulation des quatre pièces en un « cycle Molière » a pour intérêt de les éclairer les unes par les autres, par des effets d'écho : on voit ainsi que Tartuffe et Dom Juan sont frères d'hypocrisie en religion, et qu'Alceste et Arnolphe se débattent tous deux dans les tyrannies de l'amour malheureux. Pour mieux faire apparaître ces rapprochements, Vitez a réuni une douzaine de jeunes comédiens jouant chacun dans les quatre pièces, répétées simultanément, avec un même décor extrêmement sobre pouvant figurer tant l'intérieur que l'extérieur, ainsi que deux chaises, une table, des flambeaux et un bâton. Par ce dispositif de jeu minimaliste, il s'agit pour Vitez de réaffirmer le primat du jeu d'acteur et de la théâtralité.
Dans sa mise en scène de L'Ecole des femmes, Vitez prend le contrepied de la vulgate traditionnelle : à l'inverse de son emploi traditionnel d'ingénue, Agnès (Dominique Valadié) a le diable au corps et sollicite Arnolphe, qui la repousse ; Arnolphe (Didier Sandre) est quant à lui un dictateur domestique froid et sec, mais qui laisse quelquefois transparaître l'émotion et la spontanéité, et finit la pièce en suppliant qu'on l'aime. Le Misanthrope apparaîtra alors comme une suite lointaine, une continuation de cette histoire d'amour manquée.