Une villa gallo romaine à Athies

20 avril 1977
04m 05s
Réf. 00627

Notice

Résumé :

Roger Agache, spécialiste du repérage des sites archéologiques par voie aérienne, nous emmène sur le site d'une villa gallo romaine repérée à Athies dans la Somme. Un sous-sol a particulièrement été restauré, son décor est remarquable. Au centre de la pièce il y a un bloc de pierre qui prouve une activité industrielle. Sur maquette, Roger Agache nous montre l'organisation de cette villa.

Type de média :
Date de diffusion :
20 avril 1977
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Éclairage

La villa d'Athies a été prospectée en 1961 par Maurice Guillemain, avant qu'elle ne fasse l'objet de survols aériens par Roger Agache en 1966. M. Guillemain et la Société Archéologique de la région de Péronne y ont fait des fouilles en 1966-1976. Située sur le rebord du plateau loessique qui domine la vallée de l'Omignon, elle est matérialisée au sol par de nombreux fragments de tuiles, des tessons de céramique et des monnaies d'Auguste, de Néron et d'Hadrien et un denier de Septime Sévère. Les traces de murs apparentes à la surface du sol après les labours et les photographies aériennes ont permis d'en dresser le plan général. Recoupée par l'ancienne route d'Athies à Ham par Guizancourt, elle affecte la forme d'un quadrilatère (environ 400 x 150 m), orienté du nord au sud. Le bâtiment principal, qui se situe du côté nord, présente un corps central (54 x 13 m) encadré par deux ailes latérales (13 x 18 m). Il est isolé des bâtiments d'exploitation par une grande cour dont on distingue très bien le mur de clôture et l'entrée.

Les fouilles ont porté essentiellement sur le bâtiment principal, dont les murs ont été longés par des tranchées (de 0,50 m de large). A l'est, une cave divisée en deux parties a été fouillée. Ses murs sont construits en moellons calcaires de petit appareil soigneusement ajustés. A mi-hauteur, deux chaînages composés de deux rangées de carreaux en argile cuite posés à plat, sont séparés par trois rangées de moellons. Les murs, côté nord et ouest, présentent quatre niches semi-circulaires voûtées portant des chaînages de carreaux en deux ou trois rangs mais aussi, ce qui en fait l'originalité, des briques posées obliquement pour former des “ V ” droits ou renversés. Les moellons entre les chaînages sont posés en losange et donnent à l'ensemble un aspect décoratif. Un grand soupirail monobloc s'ouvre sur le mur sud. Son comblement indique un violent incendie (argile et blocs de craie rubéfiés, amas de cendres). Son comblement a livré des moellons de toutes tailles, des pierres provenant des voûtes, un tronçon de colonne, un fragment de chapiteau, une tablette en calcaire (de 1,20 m x 0,20 m), un fragment de carreau en calcaire décoré, des fragments d'enduits peints rose et rouge avec filets bruns.

Parallèlement à la fouille, l'activité a été consacrée à l'aménagement et à la préservation du site qui a cependant dû être réenfoui en 1985 en raison des dégradations dues au climat.

L'établissement à vocation agricole d'Athies est caractéristique des quelques 900 sites de ce type répertoriés dans le département de la Somme. Une bonne partie d'entre eux sont juxtaposés ou superposés à des fermes gauloises. Mis à part quelques rares plans de type "méditerranéen", ils sont tous organisés selon un schéma type. Une pars urbana (espace de vie du maître), pouvant couvrir des superficies comprises entre 0,5 et 1,5 ha, domine une pars rustica (espace de production), vaste cour rectangulaire ou trapézoïdale de 100 à 500 m de long, autour de laquelle se répartissent, à intervalles plus ou moins réguliers, l'habitation du vilicus, les logements des ouvriers, les dépendances agricoles et artisanales. Ces deux espaces sont fréquemment séparés par un mur de clôture qui peut comporter une tour au-dessus de l'entrée axiale.

Le bâtiment résidentiel le plus fréquent est réservé à l'habitat du maître. Une succession de salles est encadrée d'une ou deux galeries de façade pouvant être complétée par des pavillons d'angle saillants surmontant souvent une cave. Ce mode d'agencement témoigne d'une recherche de monumentalité perceptible dès la première moitié du Ier siècle de n.e. Les plus "romanisés" utilisent la pierre et la tuile et disposent de réelles installations de confort (bains par exemple) décorés de peintures murales.

Ces villae s'inscrivent le plus souvent dans des réseaux complexes de clôtures fossoyées, qui abritent parfois d'autres constructions plus périphériques.

Références bibliographiques :

Roger Agache, La Somme pré-romaine et romaine d'après les prospections aériennes à basse altitude, (M.S.A. Picardie, 24), 1978, 513 p.

D Bayard., J.-L. Collart (dir.). De la ferme indigène à la villa romaine : actes du IIe colloque Ager (23-25 sept. 1993), (n° spécial de R.A. Picardie, 11), 1996, 336 p.

Tahar Ben Redjeb. Carte archéologique de la Gaule. La Somme 80/2. Paris : Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 2012, p. 163-164.

Tahar Ben Redjeb

Transcription

Roger Agache
Dans certains cas seulement, la direction des antiquités historiques décide, ou ne décide pas selon les circonstances, de faire une fouille. Là, en Picardie, il était intéressant de fouiller une de ces très grandes villas pour avoir une idée et de la chronologie et de la répartition des pièces.
Journaliste
Mais on ne fouille qu’une partie ?
Roger Agache
Oui. Parfois, pour des questions de superficie. Ici, par exemple, on a fouillé ce champ qui est entouré d’une clôture. Mais en réalité, le bâtiment principal est encore plus grand. Vous en voyez les prolongements très nettement à la suite d’un labourage profond. Et cette partie-ci, dans le terrain labouré, n’est pas fouillée. Celle-ci l’est. Alors qu’est-ce qu’on voit ?
Journaliste
Là, on découvre…
Roger Agache
Deux types de choses : certaines pièces qui ont des fondations profondes, et alors, ces fondations ont subsisté. Si elles ont des fondations profondes, c’est parce que ces pièces étaient chauffées par [inaudible]
Journaliste
C’est le cas de ces pièces ?
Roger Agache
C’est le cas de ces pièces. C’est pourquoi il y a des murs qui subsistent en sous-sol profondément. Les pièces centrales qui n’étaient pas chauffées, il ne subsiste que le fantôme, que l’empreinte des murs, si vous voulez.
Journaliste
Alors ici, nous sommes dans quelle partie de la villa ?
Roger Agache
Nous sommes dans un vaste sous-sol qui se trouve précisément sous la petite tour d’angle que vous ai dit être caractéristique des façades des villas de nos régions.
Journaliste
Et cette tour d’angle était très visible sur le plan dans le champ ?
Roger Agache
C’est ça. Alors ici, comme vous le voyez, c’est une cave assez monumentale avec un décor remarquable. Il y a des rangées de briques horizontales qui sont sensées, habituellement, stopper la remonter d’humidité mais qui, ici, manifestement, on un rôle décoratif puisqu’il y a d’autres décors. Il y a de très belles absides. Malheureusement, la partie haute des voutes a disparu. Ce qui subsiste est quand même remarquable. Et ce qu’il y a de plus intéressant, c’est que ces fouilles qui ont été faites par monsieur Guillet et par monsieur Guillemain sous la direction de monsieur Cadou, le directeur région des antiquités, ont fait apparaître au centre de la pièce, de gros blocs de pierre…
Journaliste
Comme celui-ci.
Roger Agache
Avec des traces de scellement. Et c’est là une des confirmations que l’on a ici comme ailleurs, de l’utilisation industrielle de ces sous-sols. Puisque...
Journaliste
C'est-à-dire que les traces de scellement indiquent qu’il y avait des machines scellées à ce bloc de pierre.
Roger Agache
La grande surprise des prospections aériennes dans tous le Nord de la France a été la découverte d’un nombre considérable de villas gallo-romaines. Et pour le seul bassin de la Somme par exemple, de plus d’un millier, toutes bâties à peu près exactement sur le même modèle, sur le même plan orthogonal, géométrique, parfaitement rationnel. Et ces villas se composent toutes de deux parties : une première partie : la ,
Journaliste
C’est à dire ?
Roger Agache
c'est-à-dire la maison du maitre avec son parc en quelquesorte, et puis une seconde partie beaucoup plus vaste la où sont disposés tous les bâtiments de l’exploitation, les granges, les habitations d’esclaves et autres. Et on a aussi cette chose assez constante, d’une part, une habitation du maître et dans la cour agricole, une autre habitation presque du même plan mais plus réduit qui est l’habitation de ce que les romains appelaient « le villicus » c’est à dire le gérant, l’agronome, le régisseur .