La disparition d'un métier : le gemmage
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Notice
Résumé
Pierre-André Delbeau interprète une chanson consacrée à un certain « Pelote », puis évoque, avec les hommes qui l'entourent, les causes de la mort de Pelote. Malade d'un cancer, celui-ci fut aussi victime de la disparition de son métier, le gemmage, ou la récolte de la résine des pins. Les participants abordent ensuite la question de l'impact du tourisme et de l'exil économique sur leur territoire.
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Date de diffusion :
18 mars 1972
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Contexte historique
Par
En 1972, Pierre-André Delbeau passe une partie de son temps dans une cabane de résinier de la forêt domaniale de Lacanau. Originaire de ce village médoquin qui s’est doté dès le début du XXème siècle d’une station balnéaire, il assiste dans les années 1960 à la massification du tourisme et au recul des activités et de la culture traditionnelle liés depuis le XIXème siècle, et à la fixation des dunes par l’implantation d’une grande forêt de pins à l’exploitation forestière (bois, résine).
Mise en place en 1963, la mission interministérielle d’aménagement touristique du littoral du Languedoc-Roussillon, aussi appelée plan Racine, avait lancé la création de stations balnéaires sur le littoral ouest-méditerranéen (Port Camargue, La Grande-Motte, Le Cap d’Agde, Port-Leucate …) afin notamment d’offrir de nouveaux débouchés économiques à une économie traditionnelle fondée en grande partie sur la viticulture alors en crise, et pour répondre à l’afflux des réfugiés pieds-noirs d’Algérie. En 1967, c’est au tour du littoral aquitain de bénéficier d’un dispositif de ce genre avec la création de la Mission interministérielle d’aménagement de la côte aquitaine (MIACA). Si elle entend éviter les dérives constatées en Languedoc, notamment la spéculation immobilière, la MIACA a pour objectif de s’appuyer sur le développement du tourisme de masse pour contribuer, par le biais de la création de stations balnéaires et d’aménagements touristiques supplémentaires dans les stations existantes, à dynamiser l’économie régionale. C’est le cas à Lacanau, où la Zone d’aménagement concerté (ZAC) de l’Ardilouse prévoit en 1972 la création de 22 000 lits sur 443 hectares, dont 400 de forêt.
Au moment où ce reportage est tourné, Pierre-André Delbeau est devenu depuis 1969 l’une des figures de proue de la nouvelle chanson occitane, liée au mouvement occitaniste et nourrie en particulier des thèses économiques et politiques développées dès 1962 par le Comité occitan d’étude et d’action (COEA). Au début de cette vidéo, on retrouve Delbeau dans sa cabane, entouré de vieux résiniers. Il chante le premier couplet de sa chanson Planh per la mòrt d’un mestièr.
C’est l’occasion de lancer la discussion qui s’ensuit, à propos justement de ce Pelòta, dont Delbeau attribue la mort non pas au cancer qui l’a tué, mais avant tout au fait qu’il voyait disparaître son métier, et plus largement son mode de vie. Ce mode de vie, c’est justement celui qu’essaie d’adopter Pierre-Andrée Delbeau pour continuer à le faire exister, dans les pins, proche de la nature dans laquelle on cherche une partie de sa subsistance comme vient le rappeler, pendant la chanson qui clôture la vidéo, le plan sur le râtelier à fusils et les cartouches de chasse.
La question qui se pose finalement, qui est une des thématiques majeures de la revendication occitane de l’époque, est celle de la possibilité ou pas d’une cohabitation entre l’industrie touristique et des métiers traditionnels en proie à la concurrence d’industries plus modernes ou de pays à la main-d’œuvre moins chère. Corollaire de ce développement économique aussi pointé du doigt dans cette vidéo : l’obligation pour les jeunes du pays de partir pour pouvoir vivre mieux, non seulement parce que l’économie traditionnelle se meurt, mais aussi parce que le développement touristique rend plus difficile la vie sur place.
La chanson qui clôt l’extrait, Los cavalèirs, évoque l’attente des cavaliers de l’Apocalypse qui viendront renverser le nouvel ordre économique imposé par l’État central. Elle se place elle aussi dans la lignée des slogans offensifs de la revendication occitane du temps.
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
(Musique)
Intervenant 1
Pelot moi je l’ai bien connu, alors je voulais la chanson sur Pelot, je voulais le savoir pourquoi ?
Pierre André Delbeau
Mais pourquoi, parce que je pense que Pelot il n’est pas mort comme on l’a dit. Pelot, il n’est pas mort d’un cancer.Pour moi, Pelot il est mort, parce que son métier ne pouvait plus vivre.On ne peut pas penser que le type qui habitait là de l’autre côté, que ce type-là, il est mort bêtement comme ça d’un cancer.Je pense qu’il est mort parce que, son métier, vraiment ne survivait plus.
Intervenant 1
Oui, c’est possible, les deux sont possibles, il était malade et son métier était foutu.
Pierre André Delbeau
Oui, c’est sûr, oui.
Intervenant 1
Il est peut être mort des deux.Mais, enfin bon à mon sens, il est mort, parce qu’il était malade, parce que je le connaissais bien, ce type était costaud.Mais pour la question du métier, je suis absolument d’accord aussi.Des métiers comme ça, qui foutent le camp, qu’on voit partir.
Intervenant 2
Ce n’est pas ça, il pouvait rester aussi bien que moi.Il pouvait rester toute sa vie dans ce métier.Puisque même nous pouvons gemmer pour l’Etat jusqu’en 1974.Pelot, il était malade.Quand un métier meurt, un métier qui est vieux de je ne sais combien, quand il arrive à mourir, ça fait mal au coeur pour les gars comme moi, des vieux, comme Pelote.
Pierre André Delbeau
Mais oui, mais ce n’est pas tellement que le métier soit vieux que je dis, c’est tout l’ensemble.Par exemple je crois que le tourisme pourrait survivre avec, pourrait vivre en harmonie avec le résinage.
Intervenant 2
Mais alors, mais très bien...
Pierre André Delbeau
Mais oui, actuellement on supprime le résinier pour faire vivre les touristes, alors…
Intervenant 2
Pourtant oui cela était un petit peu branché comme ça, mais je crois que cela prend une autre tournure.Mais alors là tu as bien dit, le gemmage et le tourisme, mais ça devrait marcher ensemble et très bien.
Intervenant 1
Mais pour nous ce n’est pas difficile.
Intervenant 2
L'autre matin, il me dit : Vous venez avec moi ? - Où ? - Au Pays Basque. - Pourquoi ? - Je m'en vais. - Où ? - Je m'en vais en Savoie. Alors il est parti en Savoie, femme, gosses et tout.
Pierre André Delbeau
Parce qu'il ne pouvait plus vivre au pays, c’est toujours la même chose et bien sûr.
Intervenant 1
Exactement, oui mais, ça c’était un bon…
Pierre André Delbeau
C’était un bon gosse, oui c’est sûr.
Intervenant 2
Il a trouvé seulement à vivre mieux qu’ici, mais ça a dû lui faire mal au coeur, parce je pense qu’il est né à Lacanau Océan.
Pierre André Delbeau
Oui, oui, il est né à Lacanau, c’est un type du pays, c’est un fils de la côte, un hilh de la còsta.
Intervenant 1
Il ne faut pas quand même pas jeter le machin par la poignée. Il en reste bien, je suis encore là moi.Nom de dieu, depuis le temps que je vis dans le pays, j'y suis toujours.
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