Le bal des débutantes
Notice
Comme tous les ans, à Vienne, a lieu le bal des débutantes qui permet aux jeunes gens de la bonne société de faire leur entrée officielle dans le monde. Nous suivons Catherina et Barbara préparant cette fastueuse soirée. L'organisatrice de la manifestation explique comment se fait le choix des danseurs et de leurs cavalières. Le professeur de danse, pendant les répétitions de la valse et de la révérence, explique l'importance de l'apprentissage de l'étiquette dans une telle société.
Éclairage
La guerre n'est toujours pas finie, pour savoir où la valse est née. Certains défendent encore l'origine italienne. On trouve, en effet, dans le ballo liscio (l'équivalent de nos danses musettes, ou rétros), la valse, la polka et la mazurka. Mais les Viennois en réclament aussi la paternité, comme les Allemands et les Français enfin ! Aujourd'hui, on appelle valse viennoise une valse rapide qui se danse à grands pas glissés sur les parquets de larges salles de bal, comme celui du bal des Débutantes chaque année à Vienne. Comme ce le fut en France, savoir danser fait encore partie, en Autriche et en Allemagne, du savoir-vivre européen, de « l'étiquette », comme le furent la science équestre ou l'art du fleuret.
Au début du XIXe siècle, l'institutionnalisation de la valse fut déjà une révolution. En effet, à l'inverse des bals précédents, le couple, tout en restant au milieu d'autres couples, tournoyait à son gré et il pouvait être difficile à suivre dans l'espace. Il pouvait tout aussi bien disparaître quelques minutes pour s'isoler dans un petit salon, et réapparaître quelques minutes après sans que personne ne s'en aperçoive.
De plus, à l'intérieur du couple tournoyant rapidement, pouvaient se dire des secrets, d'amour surtout, avoir lieu d'élégantes et intimes séductions qui échappaient au contrôle de la société, et en particulier des parents. Il suffit d'observer comment, au cinéma par exemple, il est difficile de suivre le dialogue d'un couple valsant. Dans le film My Fair Lady, lors du grand bal, des dialogues importants et pas seulement amoureux se produisent à l'intérieur des couples ; il faut alors que la valse tournoyante se transforme en pas balancés pour que la caméra, et le spectateur, puissent suivre de très près l'histoire qui se trame dans le courant de la danse.
Cette révolution fut si forte pour notre société française qu'elle occasionna de nombreuses discussions et disputes. Certains prétendirent alors que cette façon de tourner, longuement et rapidement, enivrait les cavalières, et que c'était abuser d'elles que de les emporter dans ces tourbillons dangereux. Une expression masculine de l'époque est restée célèbre : « Je n'épouserai jamais une jeune fille qui aura déjà valsé ! ».
Mais, progressivement, le savoir-valser devint une obligation de la culture mondaine. Une autre célèbre anecdote raconte que, dans un bal, une dame d'un certain âge invitée par un jeune homme fougueux et passionné de valse, lui donna ce conseil tout en dansant : « Jeune homme, si vous aimez tant la valse, il est maintenant temps de l'apprendre ! ».
Dans cette vidéo, observez le merveilleux « carré » de pas très bien expliqué par l'enseignant de ces couples (« Eins, zwei, drei, vier, fünf, sechs ») de l'une des trois écoles de danse les plus célèbres de Vienne, l'école Elmayer : c'est une parfaite illustration d'un système de deux fois trois pas en carré pour tourner facilement.
Mais la valse a voyagé, tout d'abord parce que la musique à trois temps a germé partout dans le monde, et que la rotation va parfaitement bien avec le rythme à trois temps, et cela biomécaniquement parlant. C'est un système logique. On trouve ainsi des valses anglaises, des valses américaines, des valses mexicaines, brésiliennes... Signalons aussi le boston, qui est une valse ralentie qui permet de nouvelles figures, et qui, revenue vers l'Europe, début XXe, fit enrager les professeurs de danse, car, selon eux, à partir de ce moment-là, trop de gens se mirent à « bostonner » toutes les danses, c'est-à-dire à inventer de nouvelles figures. Personne ne respectait plus rien... ! Déjà ! Même la valse !
Un fait est à noter : les compositeurs argentins ont créé de sublimes valses argentines. Mais, contrairement aux Européens, il ne vient pas à l'idée des Argentins, sur ces magnifiques mélodies à trois temps, de valser. Pris par le tango sous toutes ses formes, ils marchent et dansent le tango sur ce trois temps, comme s'ils dansaient non plus au temps, mais à la mesure. L'effet est très beau, stupéfiant pour un Européen, et, la plupart du temps, d'un magnifique résultat. Cela aussi est un métissage extraordinaire après les échanges entre l'Europe et l'Argentine.