Discours à Bucarest
Notice
Le général de Gaulle effectue un voyage officiel de cinq jours en Roumanie à partir du 14 mai 1968. Dans un discours prononcé devant le Parlement roumain, le Général plaide pour une Europe des nations indépendantes, seule capable à ses yeux de surmonter le partage du continent en deux blocs.
Éclairage
Alors que la phase étudiante de la crise de mai 1968 atteint son apogée, le général de Gaulle qui n'entend pas se laisser distraire de ses desseins planétaires par ce qu'il considère comme un monôme d'étudiants effectue un voyage officiel en Roumanie du 14 au 18 mai, laissant son Premier ministre Georges Pompidou gérer les convulsions intérieures.
Au second jour de son voyage le 15 mai, il est reçu au Conseil d'Etat par le président Ceaucescu, puis est invité à prononcer un discours devant la Grande assemblée nationale de la République socialiste de Roumanie, c'est-à-dire le Parlement roumain en présence des députés et du gouvernement. Les propos du Général lui permettent de délivrer l'essentiel du message qui constitue à ses yeux tout l'intérêt de son voyage et dont il n'ignore pas qu'il ne saurait déplaire aux dirigeants roumains qui s'efforcent de promouvoir un communisme national autonome de celui de l'Union soviétique tout en maintenant avec cette dernière des relations économiques, culturelles et idéologiques. De Gaulle exalte en effet l'Etat national "et non l'Etat cosmopolite", affirmant que la nation est la seule réalité de la vie universelle, ce qui, affirme-t-il, n'interdit pas, en toute souveraineté, de nouer des relations privilégiées avec d'autres nations. Aussi refuse-t-il l'idée que l'Europe puisse devenir le champ de bataille d'un affrontement entre grandes puissances, entraînant, dans le cadre de la politique des blocs, les nations européennes dans un conflit qui ne les concernerait pas. Aussi préconise-t-il la détente, l'entente et la coopération entre Etats européens, ce qui permettrait d'assurer la sécurité du continent et de régler les principaux problèmes de celui-ci , en particulier le problème allemand. Objectif qui implique l'exclusion de toute ingérence étrangère sur les peuples européens. Au coeur même du bloc soviétique, de Gaulle plaide ainsi pour l'indépendance des Roumains vis-à-vis de l'URSS, leur suggérant implicitement de suivre la voie ouverte par la France vis-à-vis des Etats-Unis.