Entretien avec le souverain pontife Jean XXIII

27 juin 1959
06m 56s
Réf. 00033

Notice

Résumé :

Reportage consacré aux temps forts de la visite du président de la République française au Vatican. Après une audience privée, le pape Jean XXIII s'adresse devant les caméras au général de Gaulle, et loue l'action de la France pour la paix et la prospérité en Europe et dans le monde. Le général présente ensuite ses respects au souverain pontife.

Type de média :
Date de diffusion :
27 juin 1959
Lieux :

Éclairage

Du 23 au 27 juin 1959, le général de Gaulle se rend en voyage officiel en Italie. Au dernier jour de ce voyage, après avoir été reçu à Milan, célébré la fraternité d'armes franco-italienne sur les champs de bataille de San Martino et de Solférino, avoir prononcé des allocutions au Capitole de Rome, à la Villa Madame en présence du président Segni puis au Palais Farnèse où il reçoit le président Gronchi, il se rend au Vatican, accompagné par Mme de Gaulle et est reçu par le pape Jean XXIII. Catholique pratiquant, mais chef d'un Etat laïque, le général de Gaulle a toujours veillé à ne pas confondre ses fonctions officielles et ses convictions religieuses et à ne pas faire état publiquement de ces dernières. La visite au Vatican ne faillira pas à la règle. Si on ignore tout de ce qui s'est dit lors de l'audience privée accordée par le pape au président, l'échange de propos publics se situe sur le strict plan des relations d'Etat.

Toutefois, dans une discrète allusion, les deux hommes rappellent que cette rencontre n'est pas la première. En effet en 1944, dans Paris libéré, le général de Gaulle a dû traiter avec Mgr Roncalli, alors nonce pontifical à Paris, le délicat problème des prélats suspects au gouvernement provisoire pour avoir soutenu trop ostensiblement le régime de Vichy, à commencer par le cardinal archevêque de Paris, Mgr Suhard. Mais de ce passé, rien ne transpire dans les propos protocolaires échangés ce 27 juin. Le pape Jean XXIII salue en de Gaulle un dirigeant attaché au maintien de l'ordre mondial et qui se montre attaché à la fois au bonheur de son peuple et au mieux-être des peuples des pays moins développés économiquement, politique qu'il juge conforme aux principes de justice et de charité qui marquent la foi chrétienne. Le général répond en témoignant du respect de la France envers le Saint-Père et en formant des voeux pour la santé du pape et la prospérité et la gloire de "notre" Eglise catholique (seule et discrète allusion à son appartenance à celle-ci)

Serge Berstein

Transcription

Interviewer
Il est 10h15 exactement lorsque la voiture du général de Gaulle arrive sur la place Saint-Pierre. Le Président de la République y est accueilli par un détachement de la Garde Suisse qui rend les honneurs et de la Garde Palatine tandis que les motocyclistes de l'escorte présidentielle se sont arrêtés sur la ligne blanche symbolique qui marque la frontière entre l'Etat Italien et l'Etat du Vatican. Et voici, à présent, l'entrée dans la cour Saint-Damas, la cour la plus solennelle de l'Etat du Vatican, réservée aux chefs d'Etats en visite. Le général De Gaulle y est reçu par le marquis [Giovanni Batista Sacetti], [Premier majeur] des sacrés palais apostoliques et par Monseigneur Federico [Calori De Vignali], Majordome de Sa Sainteté. Et c'est le salut au drapeau de la Garde Palatine. A présent, le cortège présidentiel s'engage dans la Scala Nobile et voici le Saint-Père qui s'avance au seuil de la salle du trône pour accueillir le chef de l'Etat français.
(Musique)
Interviewer
La première partie de la réception officielle du général de Gaulle par Sa Sainteté Jean XXIII sera réservée à l'audience privée à laquelle, évidemment, nous n'assisterons pas. Mais c'est néanmoins la première fois que, sur un écran de télévision, on a pu voir un chef d'Etat reçu dans la salle du trône par le chef de l'Eglise Catholique. Après cette audience privée, le général de Gaulle présente au souverain pontife les membres de sa suite et remet à Sa Sainteté Jean XXIII le manuscrit d'une bible du XIVème siècle sur parchemin. Et après cette remise de cadeau, le souverain pontife va s'adresser au général de Gaulle.
Jean XXIII
Ce n'est pas la première fois d'ailleurs que votre excellence est reçue en cette demeure. En juin 1944, tandis que Rome venait de voir s'éloigner de ses murs le spectre de la guerre et qu'on entrevoyait, déjà à l'horizon, la fin tant espérée du terrible conflit, notre prédécesseur Pie XII était heureux de vous accueillir et de s'entretenir avec vous au cours d'une cordiale audience. Vous vous plaisiez alors à admirer la clarté de vue et la sérénité de jugement de ce grand pontife. La force est l'inaltérable confiance de ce héros de la vraie paix dont les enseignements continuent encore de tracer la voie à tous les hommes de bonne volonté. Cette oeuvre de paix et de prospérité, vous désirez, monsieur le Président, la réaliser en votre propre pays et dans le vaste cadre de la communauté. Mais vous avez également conscience de devoir la poursuivre plus largement encore au bénéfice de l'Homme dans le monde. Appelé pour la seconde fois à présider aux destinées de votre patrie, à la suite d'un concours de circonstances où la France manifesta, une fois de plus, ses étonnantes capacités de redressement devant le péril, vous la voulez digne dans sa conduite de son passé prestigieux. C'est pourquoi, en travaillant au bonheur de vos concitoyens, vous souhaitez aussi avec noblesse que les ressources du pays, comme celles d'autres nations favorisées par la nature, puissent servir avec désintéressement au mieux-être des peuples économiquement moins développés. Est-il une perspective d'action plus conforme à l'idéal de justice et de charité fraternelle dont le christianisme a pour toujours jeté le ferment dans la société humaine ? Et qui n'a cessé au cours des siècles de susciter les entreprises les plus généreuses et les plus fécondes pour le bien de l'humanité ? Laissez-nous formuler des voeux sincères pour votre chère patrie. Reprenant volontiers ici les paroles qu'adressait, il y a deux ans, un autre prédécesseur, le Président René Coty : C'est tout ce peuple généreux de France avec son glorieux héritage et ses dons remarquables que nous saluons en vous, Monsieur le Président, et auquel nous exprimons notre paternelle affection.
Charles de Gaulle
Sa Sainteté veut bien me convier à dire quelques mots en sa présence, ce que je fais avec le plus grand respect et j'ajoute la plus grande joie. Nous avons, en France, un très particulier respect pour Sa Sainteté. Nous la connaissons d'abord comme le Vicaire du Christ et puis aussi comme un prélat qui, naguère, nous a beaucoup connus et qui nous a aimés. Nous déposons, au nom de la France, nos respects à ses pieds. Et nous lui demandons, dans la tâche difficile qui est celle du Président de la République française et de la communauté, de son gouvernement et des autorités françaises, tout son bienveillant appui. C'est cela que je tenais à dire en formant les voeux les plus ardents pour la santé du très Saint-Père et pour la prospérité et la gloire de notre Eglise Catholique.
Interviewer
Et à son tour, le souverain pontife remet au général de Gaulle et à madame de Gaulle et aux membres de la suite présidentielle une série de médailles frappées à son effigie et aux armes de son pontificat.
(Musique)
Interviewer
Et après avoir été reçus par son Eminence le Cardinal [Tardini], Secrétaire d'Etat, et avoir visité la Basilique Saint-Pierre, le général de Gaulle et sa suite retraversent la place pour regagner la Villa Bonaparte, siège de l'ambassade de France auprès du Vatican.