Présentateur
Le moment de vous entendre.
Et, c'est maintenant le Speaker de la Chambre des Communes.
" Monsieur le Président, j'ai l'honneur de vous accueillir au nom des membres de la Chambre des Communes.
J'ajoute [INCOMPRIS] de l'expression de notre chaleureux accueil et, à travers vous, c'est toute la France que je salue.
Français et britanniques font foi au cours de ce siècle des camarades d'armes.
Et maintenant, grâce aux moyens de communication modernes, ils sont plus voisins que jamais.
Chaque année, un nombre inconnu de ceux qui représentent [INCOMPRIS] viennent passer leur temps pour le plaisir ou leur temps en vacances en France.
Ils viennent s'imprégner des gloires de votre pays.
Et chaque année, le nombre des Français qui viennent passer ses vacances en Grande-Bretagne augmente régulièrement.
Le Lord Chancelier, [vous avez à parler] de ce grand hall de Westminster.
C'est en quelque sorte le véritable centre de notre Histoire.
Il est normal que nous vous rappelions avec une certaine fierté la longue histoire et la force de nos institutions parlementaires.
Il nous a aussi rappelé que c'était le roi (le type d'un roi) Normand et qui avait construit cet édifice.
[INCOMPRIS] que quand nous saluons la France notamment [est rejetée], c'est plus qu'apprivoiser.
Nous proclamons [INCOMPRIS] des nations civilisées qui, à travers les siècles, aient donné autant au monde que la [partie] française et la culture française.
Le [poids] au cours des 25 dernières années, mes prédécesseurs ont eu l'honneur d'accueillir à Westminster, au nom de la Chambre des Communes, le Président de la république française.
Pour toujours, ce sont des souvenirs heureux [que nous n'allons pas oublier].
Celui que nous accueillons aujourd'hui avec [INCOMPRIS] de la course commune [INCOMPRIS] de la liberté.
Vous avez vécu parmi nous au moment où notre propre Chambre des Communes était détruite.
Et maintenant qu'elle a été reconstruite, c'est pour nous un plaisir spécial de vous recevoir à cet endroit le Président de la république française.
Monsieur le Président, je vous assure, au nom de tous les membres de la Chambre des Communes, que c'est avec le plus grand plaisir que nous attendons l'honneur de vous entendre ".
Charles de Gaulle
Monsieur le Lord Chancelier, Monsieur le Speaker, je vous remercie des nobles paroles que vous venez de prononcer.
A travers la personne du Président de la République française, c'est à la France que vous les adressiez.
Il semble bien, en effet, que la visite que je rends à la Grande-Bretagne, sur la gracieuse invitation de sa Majesté la Reine, n'est pas seulement un épisode émouvant des rapports entre nos Etats mais, en quelque sorte, une rencontre de nos peuples.
Cette rencontre se traduit, du côté français, par un hommage que la France veut vous rendre.
L'homme qu'elle en a chargé se trouve être le même, qui y eut l'honneur, naguère, de la conduire aux côtés de l'Angleterre quand celle-ci, héroïque et solitaire, assuma la liberté du monde.
Cette rencontre a lieu dans ses murs qui sont aussi symboliques que possible de vos propres institutions.
Cette rencontre se produit en un temps où le destin semble vouloir choisir entre la paix et de grands malheurs.
De là, vient le caractère exceptionnel de notre réunion et dont je me sens, pour ma part, profondément pénétré.
Il y a 16 ans que je ne suis venu chez vous (la dernière fois, c'était au moment où les armées de l'Occident reprenaient pied sur le sol de la France afin de libérer l'Europe).
L'événement marquait l'éclatante réussite guerrière de votre royaume et du Commonwealth.
L'événement aussi glorifiait tous les efforts, tous les sacrifices que votre peuple avait prodigués dans les combats sur terre, sur mer et dans les airs comme aux usines, aux mines, aux champs, aux bureaux.
Cet événement récompensait toutes les angoisses et toutes les larmes qu'il avait secrètement refoulées.
Cet événement consacrait la gloire immortelle de Winston Churchill qui, aux pires épreuves que n'eut jamais connues l'Angleterre, avait été son chef et son inspirateur et en même temps celui de beaucoup d'autres.
Permettez-moi d'ajouter que, en même temps, il y avait là la justification de la Résistance française.
Je l'ai, je l'avoue, profondément ressenti quand je vis les armées britanniques, américaines, françaises, ayant franchi les mers que dominaient les flottes du monde libre, attaquer la forteresse allemande et marcher vers la victoire sous la conduite de chefs tels que Montgomery et Alexander, Bradley et Devers, de Lattre et Juin sous le commandement suprême de Dwight Eisenhower
tandis que, à l'est du continent, les armées russes menaient une offensive irrésistible.
C'est cela qu'avait longuement prévu et poursuivi Churchill !
C'est cela que j'avais moi-même, en même temps que lui, souhaité, désiré depuis la première heure.
S'il m'arriva dans six jours de juin 1944 de ne pas être constamment et entièrement d'accord sur des points particuliers avec mon très illustre ami, c'est peut-être parce que le succès, désormais certain, nous portait à quelques intransigeances.
Quatre ans avant, nos discussions étaient sans doute moins obstinées, mais voyez comme le temps se charge de mettre en relief ce qui compte et d'effacer ce qui importe peu !
Aujourd'hui, ma présence parmi vous atteste au peuple de Grande-Bretagne que le peuple français lui a voué pour toujours son amitié et son admiration.
Assurément, ce sont vos qualités nationales profondes qui ont été les principales causes de vos succès mais, dans votre réussite, pour combien a compté aussi la valeur de vos institutions ?
Aux pires moments, qui donc chez vous contesta la légitimité et l'autorité de l'Etat ?
Aujourd'hui, à Westminster, je tiens à rendre à l'Angleterre cet hommage dans ce domaine comme dans d'autres : sûrs de vous-mêmes, sans presque en avoir l'air, vous pratiquez, dans la liberté, un régime solide et stable.
Si fortes que sont chez vous la tradition, la loyauté, la règle du jeu, que votre gouvernement est doté tout naturellement de cohésion et de durée, que votre Parlement a, au long de chaque législature, une majorité assurée, que ce gouvernement et ce Parlement s'accordent en permanence ;
bref, que vos pouvoirs exécutif et législatif s'équilibrent et collaborent en quelque sorte par définition.
Depuis 1940, l'Angleterre a traversé les plus graves vicissitudes de son Histoire.
Eh bien, ce sont seulement quatre hommes d'Etat : mes amis Sir Winston Churchill, Lord Attlee, Sir Anthony Eden et Monsieur Harold Mac Millan qui ont conduit vos affaires pendant ces 20 extraordinaires années.
Bref, dépourvus de textes constitutionnels minutieusement agencés, mais en vertu d'un irrécusable consentement général, vous pratiquez votre régime dans l'équilibre et dans la sagesse, et vous assurez, en chaque occasion, le bon rendement de la démocratie.
Eh bien, c'est cette Angleterre-là : cette Angleterre très sûre d'elle-même, très en norme et faisant cependant respecter chez elle la liberté de tous !
C'est cette Angleterre-là qui inspire confiance à la France devant les problèmes si vastes et si rudes que notre temps pose à l'univers, sous la menace permanente que suspendent au-dessus de l'espèce humaine des moyens de destruction gigantesques et instantanés, et en présence du grand courant qui semble porter vers la détente les masses et les hommes d'Etat.
Mon pays se tourne vers le vôtre par instinct et par raison : il considère qu'Anglais et Français, assurés de ce qu'ils valent mais à l'abri du vertige qui parfois entraîne les colosses et qu'eux-mêmes ont naguère éprouvé, sont faits pour travailler ensemble, pour agir ensemble afin d'aider à construire la paix.
La France croit que cette paix ne peut se réaliser si d'abord la crainte générale d'un anéantissement soudain n'est pas supprimée (ce qui implique la limitation et le contrôle des armements dans l'un et dans l'autre camp !)
La France veut que soit avant tout détruit les stocks d'armements nucléaires, changer la destination des installations où on les fabrique, placer sous surveillance commune les fusées et les avions capables de les lancer ainsi que les bases fixes et flottantes d'où peuvent être lancés ces véhicules de la mort.
Et, pour sa part, la France serait très heureuse d'arrêter les expériences et les réalisations qu'elle entreprend pour se doter à son tour des armes que possèdent les autres dès lors que ceux-ci cesseraient d'en disposer.
Mais la France entend en même temps que la peine n'élargisse pas les séparations et n'envenime pas les blessures, y compris celle qu'a subie le peuple allemand qui fut notre ennemi, et qui est aujourd'hui nécessaire à l'Occident, et notre allié commun.
Au contraire, la France souhaite que l'Europe soit un jour mise à même de mener sa propre vie dans l'équilibre établi entre les deux parties d'elle-même qui vivent sous des régimes opposés.
Et même, elle ne désespère pas que dans l'atmosphère pacifique l'évolution imposée d'un côté par la nature humaine qui tend à la liberté, et de l'autre côté, par le développement qui exige l'efficacité, que cette évolution n'en vienne à atténuer progressivement les oppositions des régimes.
Mais quels que puissent être un jour les arrangements qui seraient adoptés, soit pour réduire les armes de guerre, soit pour apaiser notre Europe, soit pour pratiquer la détente d'un bout à l'autre de l'univers, la France considère que la paix restera de toute façon précaire si 2 milliards d'hommes demeurent plongés dans la misère en présence de leurs frères bien pourvus.
La France estime que, en définitive, ce qui importe par-dessus tout, c'est que s'établisse, que s'organise par-dessus les diverses politiques la coopération de ceux à qui il ne manque rien pour aider ceux qui manquent de tout.
Dans quelques semaines, les responsables suprêmes de quatre Etats se réuniront à Paris pour traiter de ces problèmes.
Qui ne sait quelle part aura eu dans cet événement le Premier ministre, Monsieur Harold Mac Millan ?
On peut croire que lui-même, le Président Eisenhower, le Président Khrouchtchev et moi, nous aborderons ce sommet, où nos peuples nous délèguent, avec la satisfaction de nous trouver ensemble car, en tous les cas, nous nous connaissons et nous nous estimons déjà mais aussi, dans l'état d'esprit de voyageurs qui entreprennent une navigation difficile et prolongée.
La France, en tout cas, s'y apprête sans outrecuidance, profondément consciente de l'enjeu et remplie d'espoirs raisonnés.
J'affirme que, dans cette très importante occasion, elle se sent, malgré les divergences dans d'autres domaines, côte à côte avec l'Angleterre !
Quels pays autant que les nôtres ont, par-dessus quelques différences passagères, des buts qui soient pareillement ressemblants ?
Quels peuples, mieux que la Grande-Bretagne et la France, savent que rien ne sauvera le monde sinon ce dont elles sont l'une et l'autre par excellence capables : la sagesse et la fermeté.
Présentateur
Vous avez constaté comme moi que, à aucun moment, le général de Gaulle n'a regardé ses notes et le discours qu'il vient de prononcer est parfaitement conforme à celui qui avait été distribué aux journalistes avant qu'il ne prenne la parole, ce qui veut dire que le Président de la République française l'avait appris par coeur.
Le Lord Grand Chancelier, Lord [Chandler], et le ministre des travaux publics, [John Georges Hopp], viennent chercher le général de Gaulle qui descend maintenant les quelques marches et qui passe d'un côté Monsieur Harold Mac Millan (dont vous voyez les cheveux blancs) au premier rang (le général de Gaulle lui serre la main du reste).
Et, le général de Gaulle maintenant traverse ce grand hall de Westminster, comme je vous le disais tout à l'heure, qui est long d'environ 80 mètres.
Il a reçu une ovation formidable, vous l'avez vous-même entendue.
Il regarde à gauche les membres de la Chambre des Communes, à droite les membres de la Chambre des Lords.