Gérard Gélas et le Chêne noir : le retour d'un théâtre populaire au festival d'Avignon

08 octobre 1972
02m 48s
Réf. 00110

Notice

Résumé :

Gérard Gélas explique sa démarche et celle de sa compagnie avignonnaise, le Théâtre du Chêne Noir. Il est interviewé sur les lieux où se joue leur spectacle, dont on voit plusieurs extraits, dans une cour de HLM devant un parterre d'enfants. Il exprime sa volonté de retourner à un théâtre populaire, loin du mercantilisme qui a envahi le festival d'Avignon.

Date de diffusion :
08 octobre 1972
Source :
Artistes et personnalités :

Éclairage

Le Chêne Noir est né en 1966, année de la création du festival OFF d'Avignon. Gérard Gélas en est le fondateur. Il a passé la plus grande partie de son enfance dans la banlieue avignonnaise et il envisage avec le Chêne Noir de retourner à un théâtre populaire, comme l'imaginait déjà Jean Vilar en 1947, accessible à tous et décentralisé. C'est dans cette optique que débute l'aventure, avec deux spectacles  : Poèmes et L'Homme qui chavire. Gérard Gélas et le Chêne Noir sont ensuite projetés sur la scène médiatique en 1968, lorsque le Préfet du Gard interdit leur dernière pièce, La Paillasse aux seins nus, écrite par Gérard Gélas, pour « risque de trouble à l'ordre public » et « atteinte à la personne du chef de l'État ». À cette occasion, Maurice Béjart - qui joue Messe pour le temps présent dans la cour d'honneur du Palais des Papes - invite la compagnie sur le plateau, où les comédiens se présentent bâillonnés, symbolisant la censure.

En 1971, la troupe du Chêne Noir s'installe dans Avignon, à la Chapelle Sainte-Catherine, qui devient dès lors le Théâtre du Chêne Noir, théâtre permanent, qui est encore aujourd'hui un lieu culturel emblématique d'Avignon. Avec le Théâtre des Carmes d'André Benedetto (voir ce document), le Théâtre du Chêne Noir est un des rares lieux qui tentent de faire vivre le théâtre toute l'année, et de ne pas réduire l'activité culturelle d'Avignon à son festival. C'est aujourd'hui un lieu conventionné qui accueille un nombre important de compagnies pendant la période du festival comme le reste de l'année, refusant le système de location et de marchandisation des spectacles qui a envahi le festival OFF depuis plusieurs années.

Sidonie Han

Transcription

(Musique)
Ariane Mnouchkine
Théâtre populaire, il ne faut pas l’oublier. Le Festival d’Avignon est parti de cette notion. Le théâtre est populaire lorsqu'il se donne devant un public populaire. C’est-à-dire qui et où, à l’intérieur ou à l’extérieur de ce lieu clos, privilégié, qui est une salle de spectacle. Gérard Gelas et l’équipe du Chêne noir ont une salle. Et puis ils jouent aussi dans la rue. Ils sont avignonnais. Ils sont nés en 1968, de et dans la contestation. Des spectacles où le texte tient de moins en moins de place, où la force des vibrations visuelles et sonores, des images scéniques, remplace celle des mots. Il y a bien longtemps qu’on veut faire un théâtre qui veut être un théâtre du peuple et pour le peuple. Mais on sait aussi que, si on ne veut pas que ça reste en état de proposition et de pures paroles. On sait qu’il faut aller vers les gens qui ne peuvent pas venir dans les théâtres pour l’instant, c’est-à-dire dans les quartiers, dans les HLM. Et c’est pour ça que nous venons ici durant l’été et c’est pour ça que nous faisons du travail dans la rue aussi à Avignon pendant le printemps et en hiver quand les journées sont belles.
Comédienne 1
Je l’aimais tant ! Il m’énervait, il m’énervait, il ne voulait faire que de la musique, il ne voulait jamais travailler.
Comédienne 2
Comment qu’il est mort ? Comment qu’il est mort, hein ?
Gérard Gelas
L’esprit d’Avignon n’est certainement pas, dans certaines manifestations mercantiles, qui ne visent plus qu’à conquérir un public qui nous est acquis immédiatement, c’est-à-dire, en tout cas pas à nous, mais disons à beaucoup de troupes. C'est-à-dire à un public de snobinards festivaliers, ça ne nous intéresse pas.
Journaliste
Gérard Gelas a l’âge du festival. Ils ne s’entendent pas. Que représente le festival pour Gérard Gelas ?
Ariane Mnouchkine
Pour moi, beaucoup de commerces et quelques bons spectacles et une série d’hommes qui, dans les années à venir, à mon avis, dans tout un certain nombre de troupes, vont commencer à faire parler d’eux authentiquement, réellement. Mais pas à travers la publicité ou le scandale ou quatre filles à poil qui se baladent pendant une heure. Mais à travers des travaux vraiment sérieux pouvant toucher les grandes masses et un grand nombre de gens. Et je crois que le salut du théâtre, comme peut-être toute solution, se trouve là et pas ailleurs.
(Musique)