L'Année des 13 lunes au Festival d'Avignon

20 juillet 1995
02m 21s
Réf. 00015

Notice

Résumé :

En 1995, le Festival d'Avignon accueille l'adaptation par Jean-Louis Martinelli du film de Rainer Werner Fassbinder, L'Année des treize lunes (1978). Charles Berling y interprète le personnage d'Erwin qui, par amour pour un autre homme, devient Elvira. Reportage dans les loges sur la préparation de Charles Berling, interviews de l'acteur et du metteur en scène et extraits du spectacle.

Date de diffusion :
20 juillet 1995
Source :
FR3 (Collection: 19/20 )
Fiche CNT :

Éclairage

Rainer Werner Fassbinder est un acteur, auteur, metteur en scène de théâtre et réalisateur allemand né en 1945 et mort en 1982. Il a écrit pour le théâtre entre 1965 et 1976 une vingtaine de pièces. Celles-ci offrent une vive critique politique et une vaste analyse sociale de l'Allemagne avant et après la Seconde Guerre mondiale. Elles mettent en avant les rapports de force entre les individus en faisant appel à des images qui mêlent violence, sexualité et cruauté.

L'Année des treize lunes est un film réalisé par l'artiste allemand en 1978 suite au suicide de son amant Armin Meier. Dans les années 60, Erwin, ancien garçon boucher, marié et père de famille, subit une opération et devient Elvira par amour pour Anton. Rejetée de tous, Elvira erre dans les rue de Francfort.

Le reportage, diffusé lors du journal de France 3 du 20 juillet 1995, présente l'adaptation du film par le metteur en scène Jean-Louis Martinelli, créée pendant le Festival d'Avignon au Gymnase du lycée Saint-Joseph. Ayant choisi de ne pas revoir le film original, l'homme de théâtre part du texte brut qui est interprété ici par seize acteurs. Il suit les cinq derniers jours d'Erwin/Elvira, qu'incarne Charles Berling. Jouant avec les temps et les espaces différents du théâtre et du cinéma, le metteur en scène explore une nouvelle narrativité pour la scène. L'action est régulièrement interrompue par les récits ou l'usage varié du montage. Des images du film sont projetées tandis qu'une télévision diffuse des images d'actualités ou de films contemporains de l'œuvre du cinéaste, qui lui-même avait recours à ces éléments historicisants. La scénographie de René Caussanel oppose à un échafaudage un dispositif bi-frontal qui souligne l'ambivalence du personnage, celle-là même que la séance de maquillage expose ici littéralement. Alternant humour et mélodrame, le spectacle offre un nouveau regard sur l'altérité dans une société où l'amour ne semble plus trouver sa place.

Pendant la même édition du Festival, Jean-Louis Martinelli propose par ailleurs un spectacle intitulé Voyage à l'intérieur de la tristesse, qui s'inspire des œuvres de Fassbinder.

L'Année des treize lunes sera repris au Théâtre National de Strasbourg et à la Grande Halle de la Villette à Paris et recevra en 1996 le « Molière du spectacle en région ».

Marie-Isabelle Boula de Mareuil

Transcription

Présentatrice
Enfin, pour terminer, sûrement le spectacle le plus violent présenté cette année au festival d’Avignon, L’Année des 13 lunes, un film de Fassbinder, adapté au théâtre, un plaidoyer en faveur de la tolérance et de la différence, au travers du destin fragile d’un transsexuel, ou la provocation en forme de mise en scène. Dominique Poncet, Marc Félix.
Comédien 1
Je me fous de ce que tu vas devenir.
Comédien 2
Christophe, je t’en prie.
Comédien 1
Fous-moi la paix ! Regarde-toi Elvira, ou je te casse la gueule !
Journaliste
Inspiré en 1978 au cinéaste Fassbinder, à la suite du suicide de son amant, L’Année des 13 lunes retrace le destin pathétique d’un ancien garçon boucher, qui, devenu transsexuel par amour absolu pour une petite frappe, va connaître les vicissitudes des exclus. Pour incarner ce transsexuel, l’acteur Charles Berling doit subir chaque jour une longue séance de maquillage.
Charles Berling
C’est très important de faire passer cette étrangeté dans le sens premier du mot « étranger » au public et que, avec le plus de générosité possible pour que, encore une fois, l’autre ne soit pas considéré, parce qu’il est différent, comme quelqu’un qu’on doit éviter, quelqu’un qu’on doit tuer, qu’on doit abandonner ou rejeter. Mais au contraire, de se mettre à comprendre qu’est-ce que c’est que un parcours comme celui-là, comme celui d'Elvira.
Comédien 2
C’est la mort qui donne un sens à la vie des animaux et cette odeur quand ils meurent, ils savent très bien qu’elle arrive la mort, qu’ils l’attendent.
Journaliste
Qu’est-ce qui vous fascine chez Fassbinder ?
Jean-Louis Martinelli
Chez Fassbinder, c’est la façon dont il nous parle de la peur, de l’être contemporain. Cette peur qui, dit-il, dévore l’âme et qui amène des individus dans des états de perdition absolue. C’est sa quête d’amour éperdue et c’est cette attitude d’immense compassion qu’il a pour l’humanité.
Charles Berling
C’est une générosité qui tient absolument compte de toutes les contradictions, donc c’est pour ça que nous… C’est un répertoire qui nous a tout de suite touché et qu’on a eu envie de travailler.
Comédien 2
Je l’ai attendu, attendu, jour après jour.
Journaliste
Quand on adapte une oeuvre cinématographique pour le théâtre, il y a toujours risque de dilution. Mais ici, grâce à Charles Berling, cette Année des 13 lunes n’a rien perdu de sa force provocatrice. Avis aux amateurs, le spectacle sera repris à Strasbourg.