L'Histoire de Ronald le clown de McDonald's au Festival d'Avignon
Notice
En 2004, le Festival d'Avignon accueille L'Histoire de Ronald le clown de McDonald's, écrit et mis en scène par Rodrigo García. Le reportage revient sur le caractère scandaleux de cette création dont il propose des extraits. Il présente également une interview de l'artiste et les réactions de deux spectatrices.
Éclairage
Né en 1964, Rodrigo García est un auteur et un metteur en scène hispano-argentin. En 1989, il fonde à Madrid « La Carnicería Teatro ». Il met régulièrement en scène les pièces qu'il a écrites. Ses créations en France ont contribué à sa renommée internationale ; elles sont souvent programmées dans le cadre du Festival d'Automne et du Festival d'Avignon (en 2002, ce dernier accueillait After sun et Je crois que vous m'avez mal compris). Ses spectacles, qui rappellent les formes du happening et de la performance, s'opposent au théâtre de divertissement et s'attachent à briser les conventions scéniques. Les textes qu'il écrit utilisent un langage cru et trivial laissant poindre une nouvelle forme de poésie.
L'Histoire de Ronald le clown de McDonald's fut écrit et créé en 2002. Le reportage, diffusé lors du Journal de 20h du 12 juillet 2004, revient sur sa reprise lors du Festival d'Avignon. Il présente des extraits du spectacle interprété par trois comédiens dans le Cloître des Célestins et donne la parole à l'auteur-metteur en scène ainsi qu'à deux spectatrices.
La pièce ne raconte pas d'histoire et ne présente pas de personnages. Par ailleurs, l'action scénique transpose rarement de manière directe le contenu du texte. La mise en scène ne donne pas à voir des situations réalistes mais des images ou des tableaux en mouvements qui interrogent la crise du sens dont la société contemporaine fait l'épreuve. Proche du dispositif de l'installation, cette création met en avant la plasticité des corps et du plateau. La scénographie, conçue par l'auteur, donne une place importante aux éclairages, aux sons et aux projections de vidéos. Le jeu frontal des comédiens s'associe au jeu permanent avec la matière qui recouvre littéralement les corps et la scène.
Les textes de Rodrigo García font régulièrement intervenir le point de vue de leur auteur à travers la forme du récit ou encore la récurrence des assertions ou des questions ouvertes. L'Histoire de Ronald le clown de McDonald's trouve son origine dans le projet de l'auteur d'écrire et concevoir un spectacle sur la torture. Il relie cette ambition à l'écriture textuelle et scénique d'une critique de la société de consommation. Cette réflexion politique interroge la nature de la pornographie, les liens entre le pouvoir et les enseignes marchandes ou encore l'état de l'éducation. Dénonçant les masques et l'hypocrisie généralisée du monde occidental, le spectacle élabore des images où règnent étrangeté et inquiétude. La figure du « clown » apparaît ainsi comme l'emblème ambivalent d'une grande enseigne et d'une certaine forme de théâtralité. « Nous sommes ce que nous ingérons », déclarait l'artiste hispanophone. Son théâtre met en mots et en images la perversion du rapport de l'homme à la nourriture, au discours politique ou aux images médiatiques. Partout semble avoir lieu la disparition de l'humain dans le geste d'ingurgitation. Cette dramaturgie du désastre en appelle à l'excès, au chaos et au monstrueux. Revenant à une forme de nudité primitive où la cruauté rejoindrait le jeu de l'enfant, le corps de l'acteur est systématiquement détourné. Grotesque, il devient instrument et arme d'expression. Tout au long du spectacle, il apparaît meurtri ou contraint ; tandis qu'il se remplit et est rempli, il s'offre à la matière ou est recouvert et heurté par elle.
Le texte comme la mise en scène interpellent constamment le spectateur. Celui-ci est expressément atteint, parfois physiquement, par le spectacle, alors que sa sensibilité comme son jugement critique sont mis à l'épreuve. Les réactions du public, dont le reportage donne un échantillon, s'expriment souvent de manière passionnée à l'issue des créations de Rodrigo García : les journalistes et les spectateurs qui y assistent s'attendent souvent à prendre part à un événement dont jaillira, sinon le succès, du moins la polémique ou le scandale.