Fando et Lis de Fernando Arrabal au Grenier de Toulouse

Fernando Arrabal est un écrivain espagnol, né en 1932. Ayant commencé sa carrière par le théâtre, il écrira également des romans et des scénarios de films. Emigré en France en 1954, il y publie Fando et Lis et Le cimetière de voitures - qu'il adaptera plus tard au cinéma - en 1958.

Arrabal commence à écrire en 1953, soit à la même époque que Beckett, Ionesco, et tous les grands auteurs du « théâtre de l'absurde », et son théâtre se rapproche du nouveau théâtre des années cinquante. Pour Arrabal, la représentation théâtrale est une sorte de cérémonie où chacun - l'auteur, les acteurs, les spectateurs - vient exorciser ses démons. Il écrit des pièces souvent cruelles, ésotériques, habitées d'un mysticisme désespéré. Il met en scène des personnages étranges, perdus dans un univers onirique, cauchemardesque ou surnaturel. Souvent, ces personnages sont diminués, à l'image de Lis, paralysée. Comme dans les théâtres dits de l'absurde, ces personnages vivent ensemble, mais ne parviennent pas réellement à communiquer. Ils sont chacun à leur tour victimes et bourreaux, les relations humaines se construisant avant tout sur la domination.

Arrabal créera dans les années soixante le mouvement Panique, avec, entre autres, Alejandro Jodorowsky et Roland Topor. Ce mouvement, qui se met à la recherche de nouvelles formes, fortement inspiré par le surréalisme, se dissout au bout de quelques années. L'onirisme, l'univers cauchemardesque et mystique d'Arrabal se renforce, versant parfois dans un kitsch qui supporte mal le passage des années. L'univers de ses pièces n'est pas sans évoquer celui des films de Jodorowsky, qui adaptera d'ailleurs Fando et Lis au cinéma.

Fando et Lis est considérée comme une des pièces majeures d'Arrabal - qui en a écrit près de cent. Dans cette pièce, il met en scène un couple, Lis, une jeune femme paralysée, et Fando, un jeune homme qui la conduit partout où elle souhaite dans une voiture d'enfant. Ces deux jeunes gens partagent un amour sincère, qui les conduit à se lancer, ensemble, dans un périple qui doit les conduire dans la cité légendaire de Tar. Dans cette ville utopique, que personne ne sait comment atteindre, tous les rêves sont censés se réaliser. C'est donc sous la forme épique d'une impossible quête qu'Arrabal construit sa pièce.

Lise Granvel, qui met en scène la pièce au Grenier de Toulouse, la présente comme une réécriture de Roméo et Juliette, affirmant qu'il s'agit, avant tout, d'une histoire d'amour. La scénographie de Jean Juillac en accentue le côté cruel, absurde, notamment par les corps de femme suspendus ou posés sur le côté de la structure centrale, elle-même jouxtée de roues de vélo évoquant les cruels mécanismes dont les personnages ne peuvent se défaire. Fando quant à lui, ne promène plus Lis dans une poussette, mais bien en la portant, non comme un amoureux transi, mais comme un vulgaire sac de farine. L'extrait présenté dans le reportage nous montre un Fando, rêveur, incapable d'assumer ses responsabilités, qui se heurte à la lucidité de Lis. Incapables de vivre sans l'autre, les deux personnages finissent par s'entre-détruire : Fando meurt, et Lis, probablement, se suicide.