Le Fromage de Hollande, Fernand Raynaud
Notice
Dans ce sketch enregistré en 1968, Fernand Raynaud incarne un épicier chauvin, qui refuse systématiquement de vendre des produits étrangers, préférant faire tester à son client les bons produits français. A noter que, au début du sketch, le comique s'interrompt pour rappeler à l'ordre une spectatrice, qui se remaquille pendant qu'il joue.
Éclairage
Fernand Raynaud est né le 19 mai 1923 à Clermont-Ferrand, dans une cité ouvrière. Son père est contremaître chez Michelin. Il a une sœur, de treize ans son aînée, Yolande, qui apparaîtra souvent dans ses sketches.
A quinze ans, après son certificat d'études, il arrête ses études. Il annonce sa volonté de devenir comédien, ce qui provoque une dispute avec son père, suite à laquelle il monte à Paris, où il a l'intention de devenir mime. Il fait ses débuts dans de petits cabarets de la capitale, et, au début des années cinquante, rencontre Jean Nohain. Cet homme de télévision a créé l'émission 36 chandelles, présentée en direct depuis une salle de théâtre parisienne, et qui accueille les artistes du moment. Fernand Raynaud y participe, rencontre de grandes figures du spectacle comique, comme Roger Pierre et Jean-Marc Thibault, Darry Cowl ou encore Raymond Devos. Dix ans plus tard, il connaît un grand succès avec le spectacle Fernand Raynaud Chaud, qui reste à l'affiche dix-huit mois au Théâtre des Variétés, avant de partir en tournée à travers le monde. Il expérimente également le théâtre et le cinéma, et, en 1970, propose un spectacle de mime au Théâtre de la Ville, Une heure sans paroles. Le 28 septembre 1973, il trouve la mort dans un accident de voiture.
Fernand Raynaud est connu pour ses personnages de benêts, de naïfs, qu'il fait exister grâce à son talent de mime. Il travaille très précisément les postures de ses personnages, ainsi que les expressions de leurs visages. Campant très souvent plusieurs personnages dans un même sketch – particulièrement dans les scènes qu'il a tournées pour la télévision – il peut signifier le passage d'un personnage à l'autre par un simple changement de posture. Mais l'humour de Raynaud est également fondé sur les clichés de son temps. Il s'intéresse donc naturellement à la prévention routière (un sketch met en scène un automobiliste ivre buvant à la bouteille, conduisant sans permis...), à l'immigration et au racisme ambiant (le sketch Le douanier, où le personnage ne cesse de répéter « je ne suis pas raciste, moi, je suis douanier », expliquant comment il a jeté hors de son village le boulanger, condamnant ses concitoyens à ne plus manger de pain) ou encore à la prétendue richesse des paysans (en mettant en scène un gros paysan aux multiples activités, se plaignant sans cesse de ne pas gagner d'argent, mais achetant des diamants à sa femme et se présentant sous le nom de Crésus)... Il campe aussi souvent des personnages désagréables – chauvins, racistes, râleurs – mis face à des benêts qui mettent en reliefs leurs défauts. Il se plaît à travailler à partir de personnages stéréotypés, et construit ses sketches sur un comique de répétition. Dans nombre de ses sketches, une expression revient comme un refrain, et se trouve brusquement retournée ou détournée lors de la chute du sketch. Le plus exemplaire à ce titre est le sketch Le plombier, où un plombier rend visite à une de ses clientes, à laquelle il imagine parler derrière la porte, alors qu'en réalité, il parle au perroquet, qui ne cesse de demander « Qui c'est ? » au plombier, de plus en plus irrité de répondre « c'est l'plombier ». Lorsque la cliente rentre et, voyant un homme effondré devant sa porte, se demande « qui c'est ? », c'est le perroquet qui lui répond « C'est l'plombier ». Comme cet échange, certains extraits des sketches de Fernand Raynaud sont devenus proverbiaux : « Tonton, pourquoi tu tousses ? » ; « bourreau d'enfants », ou encore « un certain temps », réponse donnée par des aspirants soldats à un caporal qui s'obstine à leur demander le temps de refroidissement du fût du canon. Dans le sketch Le Fromage de Hollande également, une phrase revient en boucle ; la proposition de l'épicier. Celui-ci, face à chaque demande, donne au client un équivalent français du produit demandé, en répétant « vous allez l'emporter chez vous, vous allez l'essayer, et si ça ne vous plaît pas, vous me le ramènerez, c'est bon ? ». Du fromage aux sardines, cette phrase finit par s'appliquer à la sœur de l'épicier.