Antonio Gadès, juste avant la consécration
Notice
A Paris, le théâtre des Nations accueille en 1969 un jeune danseur espagnol, Antonio Gadès, qui va redonner au flamenco ses lettres de noblesse, après des années d'un « folklorisme » encouragé par le régime franquiste. Son style ? Sobriété et rigueur.
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Éclairage
Les amateurs de flamenco avaient pu découvrir le visage et la silhouette d'Antonio Gades dès 1963, dans le film Los Tarantos, de Francisco Rovira Beleta : on le voit danser, la nuit, sur les ramblas de Barcelone. Une autre séquence d'anthologie figure dans Los Tarantos : dans le bidonville de Somorrostro, Carmen Amaya incarne la matriarche du clan des Tarantos. Elle devait mourir peu après, le 19 novembre 1963, à 50 ans. Carmen Amaya, Antonio Gadès ainsi réunis, pour la première et dernière fois. Il est tentant de jeter un pont entre celle qui, dès les années 30, révolutionna la danse flamenca en mettant en valeur les zapateados (martèlements rythmés des pieds) dans la danse féminine ; et celui grâce à qui le flamenco sut retrouver une certaine dignité, après des années de « folklorisme » encouragé par le régime franquiste.
C'est à Paris qu'Antonio Gadès allait trouver la consécration, en 1969. Il est alors âgé de 33 ans, a préalablement dansé dans la troupe de Pilar Lopez, qu'il a quitté en 1960 pour réaliser une chorégraphie du Boléro de Ravel avec Antonio Gaudi à l'Opéra de Rome. L'Italie saura le retenir quelque temps : il devient premier danseur, chorégraphe et maître de ballet à la Scala de Milan. Mais l'attrait du flamenco est le plus fort. De retour en Espagne, il réunit quelques danseurs pour former une compagnie, et c'est sous ses propres couleurs qu'il est invité à se produire au théâtre des Nations. Sous l'égide de l'UNESCO, de 1957 à 1968, le théâtre des Nations, d'abord basé au Théâtre Sarah Bernhardt puis au Théâtre de l'Odéon, fut à Paris l'événement majeur pour le théâtre international : c'est dans ce cadre que l'Ouest a ainsi accueilli pour la première fois après la guerre l'Opéra de Pékin, le Berliner Ensemble, le Kabuki et le Théâtre d'art de Moscou.
En 1969, Antonio Gadès y est présenté dans un programme de « danse espagnole classique et flamenco » où il partage l'affiche avec Alejandro Viga et Azorin, dont l'histoire de la danse n'a pas gardé un souvenir impérissable. Cette année-là, c'est en tout cas Antonio Gadès qui reçoit le prestigieux Prix de la critique. Dix ans plus tard, il sera nommé directeur du Ballet Nacional de España.
Mais en 1969, son ami Roger Ibáñez doit encore, pour la télévision, faire les présentations. Il lui suffit de deux mots pour définir le style de Gadès : sobriété et rigueur. Il s'excuse presque du caractère « ridicule » de ces qualificatifs. En France, Mai 68 est encore dans toutes les mémoires. La « sobriété » et la « rigueur » ne font peut-être pas partie des valeurs en vogue...