Antonio Gadès, juste avant la consécration

19 avril 1969
03m 56s
Réf. 00750

Notice

Résumé :

A Paris, le théâtre des Nations accueille en 1969 un jeune danseur espagnol, Antonio Gadès, qui va redonner au flamenco ses lettres de noblesse, après des années d'un « folklorisme » encouragé par le régime franquiste. Son style ? Sobriété et rigueur.

Date de diffusion :
19 avril 1969
Source :

Éclairage

Les amateurs de flamenco avaient pu découvrir le visage et la silhouette d'Antonio Gades dès 1963, dans le film Los Tarantos, de Francisco Rovira Beleta : on le voit danser, la nuit, sur les ramblas de Barcelone. Une autre séquence d'anthologie figure dans Los Tarantos : dans le bidonville de Somorrostro, Carmen Amaya incarne la matriarche du clan des Tarantos. Elle devait mourir peu après, le 19 novembre 1963, à 50 ans. Carmen Amaya, Antonio Gadès ainsi réunis, pour la première et dernière fois. Il est tentant de jeter un pont entre celle qui, dès les années 30, révolutionna la danse flamenca en mettant en valeur les zapateados (martèlements rythmés des pieds) dans la danse féminine ; et celui grâce à qui le flamenco sut retrouver une certaine dignité, après des années de « folklorisme » encouragé par le régime franquiste.

C'est à Paris qu'Antonio Gadès allait trouver la consécration, en 1969. Il est alors âgé de 33 ans, a préalablement dansé dans la troupe de Pilar Lopez, qu'il a quitté en 1960 pour réaliser une chorégraphie du Boléro de Ravel avec Antonio Gaudi à l'Opéra de Rome. L'Italie saura le retenir quelque temps : il devient premier danseur, chorégraphe et maître de ballet à la Scala de Milan. Mais l'attrait du flamenco est le plus fort. De retour en Espagne, il réunit quelques danseurs pour former une compagnie, et c'est sous ses propres couleurs qu'il est invité à se produire au théâtre des Nations. Sous l'égide de l'UNESCO, de 1957 à 1968, le théâtre des Nations, d'abord basé au Théâtre Sarah Bernhardt puis au Théâtre de l'Odéon, fut à Paris l'événement majeur pour le théâtre international : c'est dans ce cadre que l'Ouest a ainsi accueilli pour la première fois après la guerre l'Opéra de Pékin, le Berliner Ensemble, le Kabuki et le Théâtre d'art de Moscou.

En 1969, Antonio Gadès y est présenté dans un programme de « danse espagnole classique et flamenco » où il partage l'affiche avec Alejandro Viga et Azorin, dont l'histoire de la danse n'a pas gardé un souvenir impérissable. Cette année-là, c'est en tout cas Antonio Gadès qui reçoit le prestigieux Prix de la critique. Dix ans plus tard, il sera nommé directeur du Ballet Nacional de España.

Mais en 1969, son ami Roger Ibáñez doit encore, pour la télévision, faire les présentations. Il lui suffit de deux mots pour définir le style de Gadès : sobriété et rigueur. Il s'excuse presque du caractère « ridicule » de ces qualificatifs. En France, Mai 68 est encore dans toutes les mémoires. La « sobriété » et la « rigueur » ne font peut-être pas partie des valeurs en vogue...

Jean-Marc Adolphe

Transcription

Présentateur
Au théâtre des Nations, les représentations de l’abbey theatre de Dublin, s’achèvent ce soir avec Borstal Boy, de Brendon Behan. Lundi, le ballet espagnol d’Antonio Gadès, débutera sur la scène du théâtre de France, où il se produira pendant 10 jours.
Journaliste
Roger Ibanez vous êtes un ami d’Antonio Gadès, et je vais vous demander de nous situer un peu sa personnalité. Quel âge a-t-il ?
Roger Ibanez
Gadès a 30 ans.
Journaliste
Il est originaire de…
Roger Ibanez
Il est originaire de Valence.
Journaliste
Il est venu tout de suite à la danse ou il a commencé par faire d’autres choses ?
Roger Ibanez
Oh ! Vous savez, Gadès a fait je crois, c’est comme tous ces artistes nés, n’est-ce pas ? Ils ont fait un peu de tout…
Journaliste
Son père était un ouvrier ?
Roger Ibanez
Son père était un ouvrier et… enfin qui par le passé pendant la guerre d’Espagne avait été condamné même à mort et qui s’en est échappé par miracle.
Journaliste
Et Gadès est venu à la danse comment ?
Roger Ibanez
Alors, Gadès est venu à la danse, bah, enfin je veux dire par, par aficion, hein ! Comme on le dit en Espagne, et bah, après avoir fait 50 000 métiers, de menuisier, de peintre en bâtiment etc. et il a eu cette vocation de la danse, il est rentré dans la compagnie de Pilar Lopez, d’ailleurs qui a été présenté au théâtre des Nations.
Journaliste
Il avait une formation classique ou populaire ?
Roger Ibanez
Il a appris euh… enfin il est… il est rentré à la danse comme tous les jeunes espagnols. C’est comme un peu comme les toréadors n’est-ce pas ? En toréant des petits taureaux, lui est parti, bon, en faisant du flamenco, et il a… il a voulu faire du classique quand même. Car Pilar Lopez lui a exigé quand même une fonction classique. Et euh… il a énormément travaillé. La preuve qu’il a même était invité au théâtre … à la Scala de Milan et c’est un danseur classique, même dans la ligne de Noureev, enfin de Roland Petit ici en France.
Journaliste
Mais c’est un serviteur toujours du flamenco ?
Roger Ibanez
C’est un serviteur du flamenco évidement. Car l’âme est quand même toujours [inaudible]
Journaliste
Et que représente-t-il pour vous ? Dans la danse espagnole actuelle ?
Roger Ibanez
Pour nous il représente, Gadès représente si vous voulez, il est allé aux sources de la vraie danse espagnole, donc aux sources qui était la, si vous voulez l'Argentina avant la guerre ici en Espagne car elle était très connue d’ailleurs à Paris. Et d’un très grand danseur, ils appelaient Vicente Escudero. Et après Vicente Escudero, bon bah, y a plus, y avait un peu de cette danse folkloriste, de touristes…
Journaliste
Et y a Gadès pour vous hein !
Roger Ibanez
Et alors aujourd’hui y a Gadès, heureusement qu’y a Gadès qui, qui….
Journaliste
Qu’est ce qui caractérise son travail, son style ?
Roger Ibanez
Son style, ben surtout c’est la sobriété, surtout je pense. Surtout, je vais employer un mot qui va vous paraître un peu ridicule, mais surtout c’est la rigueur.
(Musique)