Inusable Carmen, par Antonio Gadès
Notice
Pour Antonio Gadès, les années 1980, marquées par son nomination à la direction au Ballet National d'Espagne et sa collaboration avec Carlos Saura, ont été particulièrement fastes. Après Noces de Sang, en 1982, le chorégraphe enchaîne avec Carmen, chorégraphie qui lui survivra.
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Éclairage
« La danse d'Antonio Gadès était comme un cri, fulgurante, sensuelle : il se consumait à travers elle, brûlant les planches comme personne », écrivait L'Humanité le 22 juillet 2004, au lendemain de la mort du chorégraphe espagnol, non sans rappeler qu'en 1983, il était venu avec ses danseurs participer à la Fête de l'Huma... Cette énergie, Antonio Gadès a su la communiquer à toute sa troupe. Consacré à Paris en 1969 au théâtre des Nations, nommé dix ans plus tard à la direction du Ballet National d'Espagne, il a donné un nouvel élan au flamenco en le sortant des clichés folkloristes qui l'endormaient, et en lui offrant une théâtralité inédite. Pour Gadès, les années 80 furent particulièrement fastes : de Noces de Sang, inspiré par l'œuvre de Garcia Lorca ; à Fuego, en 1989, à partir de L'Amour sorcier de Manuel de Falla, cette décennie fut en outre marquée par sa collaboration avec le cinéaste Carlos Saura pour une trilogie flamenca restée dans toutes les mémoires.
En 1982, Noces de Sang et Suite flamenca ont connu un accueil triomphal au Théâtre de Paris. La compagnie d'Antonio Gadès y revient l'année suivante avec Carmen (et Cristina Hoyos dans le rôle-titre) avant d'entamer une tournée dans plusieurs festivals d'été. Efficacité du récit, chorégraphie sculptée au plus intime de chaque personnage, absence totale de sentimentalisme ou de mélodrame. Juste le choc des êtres dans une danse qui joue entre la rage et le suspens, la vulgarité et la grâce, la musique (Bizet, la guitare et le chant flamenco) et le silence. La Carmen de Gades entre au panthéon de l'histoire de la danse...
Le spectacle sera plusieurs fois repris et à nouveau présenté à Paris, en janvier 1998 au Palais des Sports de la porte de Versailles, puis après la mort du chorégraphe, par la compagnie reconstituée par Stella Arauzo : en 2008 au Théâtre national de Chaillot, et en octobre 2010 à nouveau au Palais des Sports. Aux nouveaux danseurs, confiait Stella Arauzo, « nous leur expliquons sa science des groupes, l'importance des détails, la dignité dans le travail. Puis nous leur apprenons à trouver l'énergie dans l'estomac et dans le regard, et à dessiner, à travers la danse, des formes avec le corps. Nous insistons sur le fait qu'il faut se glisser dans l'histoire sans rien ajouter, mais l'habiter avec son regard et puiser dans ses tripes une énergie d'enfer » [1]. Tout Gadès...
[1] Propos recueillis par Ariane Bavelier, Le Figaro, 19 septembre 2008.