Balade en forêt landaise
Notice
A l'occasion d'une balade, une jeune guide nous propose de découvrir les particularités de la forêt landaise, à travers son histoire et la présentation des plantes qui constituent son sous-bois. La promenade s'achève sur les bords de l'étang Bourg Vieux, une réserve d'eau douce naturelle qui abrite nombre d'espèces sauvages animales et végétales.
Éclairage
Les cartes de Cassini et de Belleyme le montrent bien : la forêt de pins maritimes couvre déjà une partie du territoire landais à la fin du XVIIIe siècle. On estime alors sa superficie à 100 000 ha. Elle n'est donc pas tout à fait artificielle mais la loi de 1857 sur l'assainissement des Landes de Gascogne rend obligatoire l'ensemencement des communaux et terres vacantes en pinus pinaster, décuplant en un siècle la superficie du pinhadar.
"Vrai Sahara français", selon la formule du célèbre poème de Théophile Gauthier Le Pin des Landes, cette contrée réputée stérile et désolée est ainsi bonifiée, comme le mettent en exergue les propos d'Edmont About [1], promoteur du projet porté officiellement par Chambrelent. De fait, les toponymes Lerm et Herm, représentant le gascon èrm, "lande nue, désert, friche, terres vaines", issu du latin eremus, rappellent bien cette réalité.
Un siècle et demi plus tard, l'aspect d'une partie du département XL a donc changé radicalement et, de la pointe de Grave à Bayonne et Nérac en Lot-et-Garonne, s'est esquissé, au fil des années, le "Triangle des Landes" bien visible aujourd'hui sur les images satellitales. Mais la forêt, devenue industrielle, cache des arbres, arbrisseaux et plantes appartenant à la strate herbacée, la lande naturelle dont l'aspect est conditionné par la nature du sol mais surtout par le degré d'humidité, expliquant les variations chromatiques du sous-bois selon la saison et le lieu.
Car la Lande est loin d'être homogène et la vaste palette des noms de lieux - pourvu que l'on comprenne le gascon - indique clairement la lande humide, la lande mésophile ou la lande sèche.
Molinie (augicha, augar), ajonc nain (toja), bruyère à 4 angles et bruyère ciliée (bròc), bourdaine (sanguina), brande ou bruyère à balai (brana), bouleau (bedoth ou bedorar) et chêne pédonculé (casse) marquent ainsi le premier milieu : sur les cartes et dans l'annuaire téléphonique - puisque toponymie et patronymie sont indissociables - ils se reconnaissent dans Lauga ou Dauga, Tuyas ou Dutoya, Brocas ou Dubroca, Sanguina et Sanguinet, Brana, Boutoura ou Dubedout et Cassiet, Cassiède ou Ducasse, orthographiés phonétiquement.
La fougère-aigle (heuç, huuç), domine, de son côté, la lande mésophile, ni trop sèche ni trop humide et donne des noms de lieux aussi variés que Uza (mentionné Husar en 1280), Le Houga ou Heugas, émanant du latin filix / filicis associé au suffixe collectif -ar.
Bruyère callune et cendrée (bròc ou bruc), ajonc (toja ou gabarra) et genêt (gesta, genèsta ou ginèsta) déterminent enfin la lande sèche, piquetée des taches jaune écarlate des onagres et des hélianthèmes. Brocas et Gabarret, dans les Landes, et Gestas, en Béarn, rappellent cet environnement.
Roses et mauves déclinés à l'infini des bruyères, jaune écarlate des ajoncs et genêts, verts, jaunes, roux et bruns des fougères qui marquent l'avancée des saisons, tout évolue dans cette forêt, comme le souligne Katia Gali qui, à Bias, en pays de Born, décrit ici une lande plutôt sèche. Dans ces secteurs côtiers où les "courants" serpentent sous le couvert d'une forêt-galerie faite d'aulnes, hêtres, charmes, saules, noisetiers et aubépines, ourlée par de majestueuses osmondes royales et tout un nuancier de plantes aquatiques (nénuphars, iris des marais, scolopendres ou orchidées), on peut bien parler de bio-diversité naturelle ; précisément celle que la SEPANSO [2] et les programmes Natura 2000 [3] veillent tant à préserver pour que la forêt des Landes ne soit pas un simple triangle vert parsemé des trouées béantes des grands champs de maïs et des coupes rases opérées après les tempêtes dévastatrices de 1999 et 2009.
Sur la côte, comme ailleurs, la forêt est en effet un atout pour le tourisme mais aussi le premier lieu de villégiature des Landais qui s'adonnent à la chasse ou à la cueillette des champignons. Le début du XXIe siècle marquera donc, pour l'intérêt de tous, l'amplification du mouvement de préservation des milieux naturels dans les Landes de Gascogne, redonnant des couleurs à un territoire qu'il faut en effet pénétrer pour en découvrir tous les secrets.
[1] Edmont About (1828-1885), "reporter-romancier", se fait le porte-parole de Jules Chambrelent avec "Les échassses de Maître Pierre", feuilleton paru dans le Moniteur Universel en 1857.
[2] Fédération régionale des associations de protection de la nature de la région Aquitaine, la SEPANSO est affiliée à France Nature Environnement (FNE).
[3] Les programmes Natura 2000 ont pour mission la sauvegarde et la réhabilitation des zones humides dans toute l'Europe.